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Répression de la GENZ212 et silence complice de « l’Elite »
Par Salaheddine Lemaizi
Les chiffres annoncés par l’Association marocaine des droits humains (AMDH) sur les arrestations et les procès, subis par les jeunes de la GENZ212 font froid dans le dos. Enumérons les ici : 2068 interpellations. 1000 jeunes poursuivis devant les tribunaux. 500 en détention préventive, en prison. Parmi les personnes poursuivies par la justice marocaine, 330…
C’est la plus vaste vague d’arrestations subies par des citoyens marocains depuis l’avènement du roi Mohammed VI au trône.
Nous sommes ici face à un des plus vastes vagues d’arrestations subies par des citoyens marocains depuis l’avènement du roi Mohammed VI au trône. Cela dépasse la vague d’attentats lors des arrestations lors du Hirak du Rif (2016-2017) et s’approche de celle suivant les attentats terroristes de 2003. Ces chiffres sont confirmés par le Ministère public. Ce dernier vient d’organiser un point de presse détaillant encore plus les chiffres donnés, en confirmant les constats de l’AMDH.
Chaque jour, dans quasiment tous les tribunaux du royaume, des procès sont ouverts, des jugements tombent avec plusieurs années contre des jeunes ayant participés à ce mouvement de jeunesse revendicative de ses droits. L’appareil judiciaire fait preuve d’une sévérité, et ce « pour donner l’exemple », suivi en parallèle d’une rapidité expéditive, ce qui porte atteinte aux garanties de procès équitables, notamment pour les personnes poursuivies au pénal.
« L’élite » marocaine regarde, avec complicité, cette opération punitive.
Pendant ce temps, « l’élite »*marocaine regarde, avec complicité, cette opération punitive. Dans les « Salons » et les rencontres des hôtels, notre intelligentsia fait l’autruche. Les acteurs politiques, associatifs, juristes, académiques, et médiatiques, ceux des grands centres urbains font mine de ne rien voir, de ne rien entendre, de ne rien comprendre…
Pourtant, ils savent pertinemment ce dont il s’agit. Dans l’une de ces réunions- qui ne servent à rien sauf à puiser dans le budget de l’aide internationale-, une avocate rbati glisse à son voisin, président d’une association : « C’est grave ce qui se passe. Hchouma (c’est une honte). Allah Ysaweb (Que Dieu arrange bien les choses». Son collègue acquiesce. Ces anciens itihadis ne font rien de concret. Des larmes de crocodiles, rien de plus.
« Notre Elite » est en train de faire preuve – encore une fois – d’une grande lâcheté. Les petits intérêts et les petits marchés, prennent le dessus sur les principes. Ceux et celles qui disent défendre les valeurs de la modernité, de la démocratie et de liberté, se détournent dès la première épreuve pour lâcher une jeunesse aujourd’hui emprisonnée et de surcroit harcelée. Ce n’est pas nouveau ! Rien à espérer de cette « Elite » fabriquée par le Makhzen et biberonnée aux avantages sociaux et aux prestations (postes, financement, etc.). Oligarchie dont le pouvoir est détenu par un groupe de riches et puissants qui forment le gouvernement mais se positionnent loin des classes sociales. Oligarchie, qui, avec « une scrupuleuse conscience », défend ses intérêts. L’affichage des principes de « modernité et de démocratie » ne servent que pour la parade à Rabat ou à Genève, au frais du contribuable marocain.
Les petits intérêts et les petits marchés prennent le dessus sur les principes.
La rupture entre les revendications populaires, et la réalité de l’élite marocaine, est consommée depuis fort longtemps. Le sort réservé à la GENZ212 par la justice marocaine ne fait qu’approfondir la rupture. L’Histoire retiendra que nous avons laissé l’Etat mener une opération punitive à l’encontre de la jeunesse contestataire. Notre élite engraissée par les privilèges ne dit pas un mot. Honneur et respect aux militant-e-s, avocats et citoyens qui continuent de tenir la digue et résister à cette nouvelle vague de répression.
*« L’élite » est un mot-valise qui comprend plusieurs catégories et des composantes hétérogènes. L’élite dont il est question dans ce texte est cette élite mainstream, proche du pouvoir, enfanté par le Makhzen. Elle peut être « moderniste », « progressiste », « démocratique », mais au service du pouvoir et de leurs intérêts.
Source : Enass, 31 octobre 2025