Le plan de Trump pour le Sahara Occidental favorable au Maroc, avant un sprint final haletant au Conseil de Sécurité de l’ONU

Pour l'instant, il semble que les États-Unis maintiennent fermement leur soutien au plan d'autonomie, explique à El Independiente Riccardo Fabiani, directeur par intérim pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à l'International Crisis Group. Le projet actuel mentionne encore plusieurs fois la proposition marocaine et ne fait qu'à peine référence à l'autodétermination. Washington n'a aucun intérêt à changer sa position, sachant que Moscou ne mettra pas son veto à une résolution sur un conflit qu'il considère comme périphérique.

De nouvelles réunions reportent à ce vendredi le vote initialement prévu pour ce jeudi au Conseil de Sécurité.

Cinq décennies ont passé depuis la Marche Verte et le conflit du Sahara Occidental reste une plaie ouverte en Afrique du Nord. À New York, le Conseil de Sécurité des Nations Unies tient depuis plusieurs jours des réunions intensives pour aborder le renouvellement du mandat de la Mission de l’ONU pour le Référendum au Sahara Occidental (Minurso). Des discussions « vibrantes », indiquent à El Independiente des sources proches, qui pourraient reporter à demain vendredi le vote initialement prévu pour ce jeudi.

En toile de fond, il y a la proposition de résolution présentée par l’administration Trump, et son objectif initial d’enterrer le droit à l’autodétermination des Sahraouis. Les menaces de veto et les positions exprimées par certains pays contre le projet américain sont à l’origine du report. De fait, le vote a disparu de l’agenda du Conseil de Sécurité pour ce jeudi. L’échiquier s’agite, avec l’une des discussions les plus actives depuis des années concernant le Sahara, mais dans les limites habituelles.

Du projet initial présenté par les États-Unis à la version la plus récente, la dispute diplomatique a évolué vers le prévisible : un texte dans la continuité qui prolonge la mission d’à peine six mois de plus et qui maintient le soutien explicite au plan d’autonomie marocain, bien que sans enterrer complètement la référence au principe d’autodétermination, qui serait à nouveau mentionnée dans le document.

Le texte, qui a mobilisé plusieurs réunions la semaine dernière avec le rejet de la Russie et de l’Algérie, est toujours en phase de projet, mais pourrait déboucher sur un vote décisif dans ce qui reste un héritage non résolu de la colonisation. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies doit décider ce vendredi du renouvellement du mandat de la Minurso, la mission qui aurait dû organiser un référendum d’autodétermination dans l’ancienne province espagnole, occupée illégalement par le Maroc depuis 1975. Ces derniers jours, la Chine et la Russie – en tant que membres permanents du Conseil de Sécurité – ainsi que d’autres non permanents, tels que le Pakistan, la Corée du Sud, le Guyana, la Slovénie ou le Danemark, ont fait part de leurs réserves face à la proposition de Trump lors des réunions.

Le projet de résolution a été présenté le 22 octobre par les États-Unis. S’il était approuvé dans ses grandes lignes, il ferait du plan d’autonomie marocain, proposé en 2007, une référence centrale, presque exclusive, pour la résolution du conflit. Dans une version initiale, le texte — parrainé par l’administration de Donald Trump et la France, éternel défenseur inconditionnel de Rabat — décrivait l’autonomie « au sein de l’État marocain » comme « la solution la plus viable », et la qualifiait même de « base » de discussion, suggérant qu’elle était la seule.

Face à la résistance exprimée par certains membres du Conseil, une nouvelle version, qui a commencé à circuler lundi soir, a ouvert le champ des possibilités à d’autres options. Le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, qui semblait dilué dans le premier texte, est réaffirmé plus clairement dans la version révisée, conformément aux résolutions antérieures du Conseil de Sécurité. Mais il reste encore une autre série de réunions et le document est toujours en débat. En faveur du texte de Washington, on trouve la France, le Panama ou la Sierra Leone. Le Royaume-Uni, proche des États-Unis, affiche une position intermédiaire.

Le poids de Washington et le silence de Moscou

Pour l’instant, il semble que les États-Unis maintiennent fermement leur soutien au plan d’autonomie, explique à El Independiente Riccardo Fabiani, directeur par intérim pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à l’International Crisis Group. Le projet actuel mentionne encore plusieurs fois la proposition marocaine et ne fait qu’à peine référence à l’autodétermination. Washington n’a aucun intérêt à changer sa position, sachant que Moscou ne mettra pas son veto à une résolution sur un conflit qu’il considère comme périphérique.

Fabiani souligne le rôle que Rabat a joué dans les coulisses de l’ONU : « Le Maroc a été très efficace en faisant pression sur les différents membres du Conseil, y compris la Russie et la Chine. Il a même mobilisé les Émirats Arabes Unis pour soutenir sa position. L’Algérie, au contraire, ne dispose pas de la même influence. »

Le chercheur américain Jacob Mundy est d’accord avec le diagnostic, mais va plus loin. Selon lui, le texte actuel est une version très édulcorée du projet initial américain, connu sous le nom de « zero draft ».

Le premier projet demandait des négociations pour parvenir à un accord d’autonomie en 90 jours, en prenant comme base la proposition du Maroc de 2007, souligne Mundy. « Ce texte allait jusqu’à suggérer qu’une telle solution offrirait l’autodétermination, bien que nous sachions tous qu’elle n’incluait aucune option de référendum », indique-t-il.

Le rejet fut immédiat. L’opposition, notamment celle de la Russie, a été intense. Seule la France semblait soutenir cette version initiale. Finalement, les États-Unis sont revenus à leur position traditionnelle, demandant une prolongation de la MINURSO pour six mois et récupérant, au moins formellement, la mention du droit à l’autodétermination.

Selon des sources proches du Conseil citées par Mundy, la nouvelle rédaction mentionne uniquement la proposition marocaine par son nom, mais sans la présenter comme la seule issue possible. Ce changement, cependant, n’altère pas le fond du problème.

« Rien ne changera vraiment »

Pour Irene Fernández-Molina, professeure de Relations Internationales à l’Université d’Exeter, le dénouement était prévisible. « Je pense que la résolution sera plus dans la continuité que ce qui avait été laissé entendre. Le projet américain était très maximaliste et, avec les négociations de ces jours-ci, il est évident qu’un texte plus équilibré en sortira », affirme-t-elle dans des déclarations à ce journal.

Selon elle, le Conseil de Sécurité optera pour une prorogation du mandat de la MINURSO pour six mois, suivant le précédent de 2018 impulsé par John Bolton, alors conseiller à la Sécurité Nationale de Donald Trump. « Cette formule vise à augmenter la pression sur les parties pour qu’elles s’assoient à la table des négociations, mais au fond, cela ne change rien. Le Maroc reste renforcé et le processus de négociation restera ouvert, mais sans avancées réelles. Ce point d’inflexion dont parlaient certains ne se produira pas », pronostique-t-elle.

Fernández-Molina rappelle que le Plan Baker II — qui proposait une autonomie transitoire de cinq ans suivie d’un référendum — fut l’opportunité la plus proche d’une solution réelle. « Mais le Maroc l’a rejeté, craignant de ne pas pouvoir contrôler le résultat », ajoute-t-elle. « Plus de vingt ans ont passé et le contrôle marocain sur le territoire et la population n’a fait que se renforcer. Toute solution qui n’envisage pas une consultation, même différée dans le temps, est une violation du principe d’autodétermination », tranche-t-elle.

Diplomatie intense et une ONU affaiblie

Pendant que le Conseil débat, la diplomatie marocaine s’est déployée avec une intensité inhabituelle. Entre avril et octobre, le ministre des Affaires Étrangères Nasser Bourita a multiplié ses voyages à Washington, Pékin, Moscou, Paris et Ljubljana, en plus de rencontrer ses homologues du Panama, de la Sierra Leone, de la Somalie et de la Corée du Sud. La France, le Royaume-Uni et les États-Unis, alliés historiques de Rabat, ont agi comme ses principaux soutiens au Conseil.

La mission de l’ONU, en revanche, traverse son pire moment. En août, il lui manquait 65 millions de dollars de budget, ce qui a affecté sa capacité opérationnelle. Le secrétaire général, António Guterres, a averti dans son dernier rapport que la crise de liquidité « compromet la capacité de la mission à remplir son mandat et à maintenir sa présence sur le territoire ».

L’Espagne, absente ; le statu quo, intact

Interrogée sur le rôle de l’Espagne, Fernández-Molina considère que Madrid maintient un profil bas de manière délibérée. « Elle fait partie du groupe des amis du Sahara, elle a donc vu le projet et a probablement donné son opinion. Mais l’Espagne semble opter pour une ligne intermédiaire, similaire à la britannique : ne pas rompre avec les Nations Unies, mais ne pas défier ouvertement Rabat non plus », commente-t-elle.

Et d’ajouter : « Le statu quo favorise le Maroc, et tous les acteurs internationaux le savent. Rabat n’a aucune incitation à bouger, et tant que les principaux partenaires — les États-Unis, la France et maintenant même l’Espagne — continueront de soutenir son plan d’autonomie, le conflit ne changera pas. Le fort n’est pas pressé ».

Une ocasion ratée

La chercheuse française basée à Washington, Souhire Medini, est d’accord avec le diagnostic de paralysie : Les différents projets montrent que Washington a commencé avec un texte aligné sur sa propre position — la reconnaissance de la souveraineté marocaine — mais a fini par opter pour un langage plus consensuel, pour s’assurer au moins les neuf votes nécessaires.

Selon Medini, le dénouement sera similaire à celui des années précédentes : « La Russie s’abstiendra et l’Algérie pourrait ne pas participer au vote. Ce sera, à nouveau, une opportunité manquée pour avancer vers une solution réelle du conflit ».

Le calendrier marque un demi-siècle depuis que le Maroc a lancé la Marche Verte sur le Sahara. Un demi-siècle de résolutions, de missions de paix et de négociations qui se répètent sans issue visible. « Pour les Marocains, il n’y a pas de conflit », rappelle Fernández-Molina. « De leur point de vue interne, il n’y a rien à résoudre, ni même à célébrer ».

Pendant ce temps, les réfugiés sahraouis continuent d’attendre dans les campements de Tindouf, et la MINURSO demeure installée dans un territoire occupé où se produisent des violations systématiques des droits humains et où les Sahraouis natifs dénoncent la marginalisation et une stratégie qui récompense les colons marocains. »

Source : El Independiente, 30/10/2025

Visited 121 times, 1 visit(s) today