Du Maroc à Madagascar, le mouvement Génération Z reflète la crise du capitalisme

Au Maroc, ce sont les priorités budgétaires du gouvernement marocain qui ont suscité la colère des jeunes et des travailleurs pauvres. S'organisant sous l'étiquette « Gen Z 212 », le mouvement de protestation mené par les jeunes, qui a éclaté fin septembre, serait « sans chef ». Les médias occidentaux ont établi des comparaisons avec les récentes manifestations au Népal ; cependant, les événements au Maroc et à Madagascar ont une histoire distincte, propre à l'Afrique, où des soulèvements ont eu lieu l'année dernière dans d'autres États comme le Kenya et le Nigeria, exigeant un allègement de la fiscalité et des réformes drastiques liées à la gouvernance.

Du Maroc à Madagascar, les manifestations menées par les jeunes reflètent la crise du système capitaliste mondial

Par Abayomi Azikiwe

Chômage élevé, inflation, manque de services de base et mauvaise gouvernance poussent les jeunes dans la rue

Analyse Géostratégique

Dans la dernière monarchie restante d’Afrique du Nord, le Royaume du Maroc, est frappé par des manifestations de masse de jeunes réclamant de meilleures conditions de vie, notamment une réduction des coûts des soins de santé et de l’éducation.

Madagascar, un État d’Afrique australe situé au large de la côte orientale du continent, a également été le théâtre de plusieurs semaines de manifestations de masse et de troubles sociaux qui ont abouti à ce qui semble être une tentative de coup d’État militaire.

Ces actions de masse illustrent un modèle de troubles chez les jeunes à travers l’Afrique, où les moins de 30 ans représentent l’écrasante majorité des habitants du continent. Une population jeune agitée et incessante, ainsi que des travailleurs, des agriculteurs et des forces de sécurité mécontentes, a créé une agitation politique à laquelle les gouvernements du Maroc et de Madagascar ont du mal à faire face.

En ce qui concerne le Royaume du Maroc, se posent les questions d’une véritable démocratie ainsi que de l’autodétermination pour les habitants du Sahara Occidental, où Rabat a bloqué la tenue d’un référendum mandaté par les Nations Unies sur l’avenir de la République arabe sahraouie démocratique. L’Union Africaine (UA) a reconnu les droits du peuple sahraoui à l’autodétermination, tandis que la monarchie marocaine, soutenue par les États impérialistes, continue d’occuper le territoire. (Sahara Press Service (SPS))

Malgré son alliance avec la France et les États-Unis, les intérêts dirigeants au Maroc n’ont toujours pas été en mesure d’assurer un niveau de vie adéquat à des millions de personnes dans le pays souffrant de la hausse des coûts de l’eau et des services de santé. Le recours au tourisme a incité le gouvernement à se lancer dans la construction de « projets de prestige » qui peuvent s’avérer rentables pour les sociétés immobilières tout en réorientant les investissements loin du bien-être des travailleurs, des agriculteurs et des jeunes.

Le Maroc est considéré comme le pays le plus visité d’Afrique, où les touristes se rendent pour admirer les palais centenaires, les vastes montagnes, les paysages désertiques et les marchés bondés. Le pays se vante de la présence d’une ligne ferroviaire à grande vitesse et de la construction de plusieurs stades pour accueillir les matches de la Coupe du Monde de Football 2030.

Pourtant, ce sont ces priorités budgétaires du gouvernement marocain qui ont suscité la colère des jeunes et des travailleurs pauvres. S’organisant sous l’étiquette « Gen Z 212 », le mouvement de protestation mené par les jeunes, qui a éclaté fin septembre, serait « sans chef ». Les médias occidentaux ont établi des comparaisons avec les récentes manifestations au Népal ; cependant, les événements au Maroc et à Madagascar ont une histoire distincte, propre à l’Afrique, où des soulèvements ont eu lieu l’année dernière dans d’autres États comme le Kenya et le Nigeria, exigeant un allègement de la fiscalité et des réformes drastiques liées à la gouvernance.

Alors que ces projets de « développement » sont promus au Maroc, le coût des soins de santé, du logement et de l’éducation augmente rapidement. Le chômage des jeunes est estimé à 36 % au sein d’une population de 37 millions d’habitants.

Après deux semaines de manifestations de masse et d’efforts des forces de sécurité pour réprimer les troubles, le Roi Mohammed VI s’est adressé au peuple marocain le 10 octobre. Au cours de son discours, qui était une réponse directe aux demandes adressées à la monarchie, le Roi Mohammed VI a critiqué les responsables politiques pour avoir négligé les besoins des masses. Reste à savoir si cette ouverture sera suffisante pour apaiser les manifestations.

Dans un rapport publié par l’Associated Press sur la situation actuelle au Maroc, il est dit que : « Partout au Maroc, le chômage des jeunes de 15 à 24 ans reste obstinément élevé. Les salles de classe sont bondées. Et les hôpitaux sont débordés, y compris un à Agadir où une femme est décédée cette semaine, des mois après que huit autres sont mortes en accouchant. Les conditions dans les hôpitaux publics où elles sont décédées ont été l’une des étincelles qui ont enflammé les manifestations en septembre. Gen Z 212 a progressivement précisé ses revendications et a publié jeudi les plus spécifiques à ce jour, exhortant les responsables à agir rapidement pour embaucher davantage de professionnels de la santé et augmenter les dépenses, citant les propres rapports du gouvernement avertissant de graves pénuries de personnel et de financement. » (https://apnews.com/article/morocco-king-mohammed-vi-parliament-protests-1b926e98e14bf41dc293d1a316df3425)

Bien que le Roi Mohammed VI ait répondu aux revendications des manifestations menées par les jeunes, le niveau de répression utilisé par les forces de sécurité est révélateur de la résistance aux réformes politiques et économiques fondamentales. L’incapacité de l’État marocain à satisfaire les besoins fondamentaux de la population ne fera qu’alimenter de nouvelles manifestations et l’émigration des jeunes à la recherche d’opportunités en Europe et dans d’autres régions géopolitiques.

Le même article cité ci-dessus a ensuite souligné certains des points clés articulés dans la lettre envoyée à la monarchie : « Leur lettre insistait pour la fin de la privatisation croissante du système éducatif marocain et pour la libération de ceux qu’ils appelaient des ‘détenus d’opinion’, arrêtés pour avoir participé aux manifestations Gen Z. Les médias locaux ont rapporté que plus de 400 personnes ont été arrêtées pour vandalisme lié aux manifestations. Certains d’entre eux ont été placés en garde à vue. Les militants critiquent depuis des décennies l’objectif du Maroc de faire éduquer 20 % des étudiants dans des écoles privées, ce qui accentuerait les inégalités, car les familles plus aisées envoient souvent leurs enfants dans des institutions privées, tandis que les écoles publiques restent surpeuplées et sous-financées. »


L’armée malgache rejoint les manifestations de masse

Le 12 octobre, le président de Madagascar, Andry Rajoelina, a déclaré qu’il y avait une tentative de coup d’État militaire en cours dans cette nation insulaire située au large de la côte est de l’Afrique dans l’océan Indien. Le pays est frappé par des manifestations de masse depuis plusieurs semaines au cours desquelles 22 personnes ont été tuées. Ces affirmations de 22 morts ont été contestées par l’administration Rajoelina, qui affirme que le nombre de morts est bien inférieur.

Une unité d’élite au sein de l’armée malgache connue sous le nom de CAPSAT a annoncé le 12 octobre qu’elle avait pris le contrôle des Forces Armées Malgaches. Des rapports faisaient état de la nomination de nouveaux chefs militaires et de la défection de plusieurs hauts fonctionnaires.

Des rapports supplémentaires indiquent que le président Rajoelina a été transporté hors du pays par le gouvernement français. L’unité CAPSAT de l’armée était associée à la mutinerie de 2009 à Madagascar qui avait porté Rajoelina au pouvoir.

Le président a été un dirigeant de transition après 2009 et a ensuite été élu en 2018. Ces dernières semaines, des manifestations ont éclaté en raison de pénuries d’électricité et d’eau.

Comme d’autres États et régions géopolitiques dominés par le capitalisme dans le monde, l’inflation est endémique en raison de l’imposition de droits de douane par l’administration du président Donald Trump à Washington et de l’augmentation des demandes de dépenses de défense plus importantes pour ceux alignés sur les États-Unis et l’OTAN. Dans les États en développement d’Afrique, la dépendance au système capitaliste mondial pour les exportations de produits locaux et l’importation de produits étrangers exerce une pression énorme sur les travailleurs, les agriculteurs et les jeunes.

Rajoelina avait annoncé qu’il s’adresserait à la nation dans l’après-midi du 13 octobre. Néanmoins, le discours a été reporté au milieu de rumeurs de son départ de Madagascar et de l’ascension d’un régime militaire qui semble temporairement avoir obtenu un soutien populaire.

Un reportage de l’Associated Press sur les troubles à Madagascar a semblé confirmer que le président Rajoelina avait été démis de ses fonctions, l’unité militaire CAPSAT semblant constituer l’autorité réelle dans la capitale, Antananarivo, et dans d’autres régions du pays. Le 13 octobre, l’AP a noté : « Un commandant du CAPSAT, le colonel Michael Randrianirina, a déclaré que ses soldats avaient échangé des tirs avec les forces de sécurité qui tentaient de réprimer les manifestations du week-end, et qu’un de ses soldats avait été tué. Mais il n’y a pas eu de combats majeurs dans les rues, et des soldats circulant sur des véhicules blindés et brandissant des drapeaux malgaches ont été acclamés par la population d’Antananarivo. Randrianirina a déclaré que l’armée avait « répondu aux appels du peuple », mais a nié qu’il y ait eu un coup d’État. S’exprimant au quartier général de l’armée du pays dimanche, il a déclaré aux journalistes qu’il appartenait au peuple malgache de décider de la suite des événements, et si Rajoelina quittait le pouvoir et qu’une nouvelle élection avait lieu. » (https://apnews.com/article/madagascar-coup-rajoelina-soldiers-military-africa-b17e7f78a6b0d4abf82a4a19a7a77a05)


Les États membres de l’UA doivent s’attaquer aux crises économiques et politiques grandissantes

Les 1,4 milliard de personnes vivant en Afrique exigent que les dirigeants corrigent efficacement les ralentissements économiques et les divisions politiques qui affectent plusieurs États et régions à travers le continent. La majorité des jeunes, de la classe ouvrière et des secteurs de production agricole de la population devraient être placés au centre des plans de développement visant à reconstruire les sociétés.

Madagascar, depuis l’époque du colonialisme français, est principalement une économie basée sur l’agriculture qui produit des récoltes pour l’exportation vers les États occidentaux. Ces dernières années, l’exploration pétrolière a eu lieu.

Cependant, ces industries n’ont pas apporté la prospérité au peuple. Tout futur gouvernement à Madagascar nécessitera la mise en œuvre d’une planification socialiste pour garantir la distribution équitable des bénéfices provenant des exportations de ressources naturelles.

Cette même stratégie sera valable pour le Royaume du Maroc car, afin de libérer l’énergie créatrice et la force de travail des ouvriers, des agriculteurs et des jeunes, le gouvernement sera tenu de démocratiser la société dans l’intérêt de la majorité de sa population. Les événements des derniers mois indiquent clairement que les États membres de l’UA ne peuvent plus continuer à dépendre de l’impérialisme dans leurs plans de développement.

Source : News Ghana, 15 octobre 2025

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