Maroc : Des mercenaires américains ont combattu contre le Rif

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Des aviateurs américains s’entraînent pour combattre les Riffains (The New York Times)

Casablanca, Maroc, 11 août 1925. – Les aviateurs des États-Unis commandés par Paul Rockwell d’Asheville, Caroline du Nord, ont commencé un entraînement actif pour le vol de guerre sur le front marocain, au terrain d’aviation de Casablanca. Ils sont arrivés par bateau à vapeur de Marseille. Hier, ils ont rempli des documents les intégrant officiellement aux forces d’aide françaises engagées contre Abdelkrim.

L’officier français commandant le centre de réception de Casablanca a déclaré que les pilotes des États-Unis devront subir trois semaines d’entraînement intensif ici avant d’être autorisés à voler au-dessus du front.

Après une inspection du terrain d’aviation, deux des aviateurs ont décollé. Il s’agissait du Major Sussan d’Ottawa, suivi quelques minutes plus tard par le Capitaine Rockwell. Ce vol a fait de Rockwell le premier aviateur volontaire des États-Unis à effectuer un vol à bord d’un avion de guerre au-dessus du sol marocain. Rockwell a servi dans la Légion étrangère française pendant la Guerre mondiale.

The New York Times, 11/08/1925 https://www.nytimes.com/1925/08/11/archives/article-7-no-title.html

UNE UNITÉ AMÉRICAINE FORMÉE. Des aviateurs entrent en service comme escadrille d’un régiment d’aviation français.

14 août 1925

CASABLANCA, Maroc, 13 août (PP). – Les aviateurs américains qui se sont portés volontaires pour combattre pour la France au Maroc contre les tribus riffaines d’Abd-el-Krim constituent désormais une unité formelle au sein des forces françaises et sont connus sous le nom d’Escadrille 19 du Trente-septième Régiment d’Aviation Français. L’escadrille est composée du Colonel Charles Sweeney de Spokane, des Lieutenants-Colonels Austen Parker d’Helena, Montana, et Charles Kerwood de Philadelphie ; du Major Granville Pollock de New York, des Capitaines W. G. Bullen de Miami, Floride, Arthur Holden de New York et James Mustane de New York et du Lieutenant Cousins, pilotes, ainsi que des Capitaines Paul Rockwell d’Asheville, Caroline du Nord ; R. H. E. Weller de Fon du Lac, Wisconsin, et Donald McGibney, bombardiers et observateurs. Le Major James Sussan de Daytona, Floride, expert motoriste et pilote, est responsable des mécaniciens français et inspectera chaque avion avant les vols.

Le Dr. V. Sparks d’Indianapolis, qui s’était initialement enrôlé comme médecin militaire, après avoir entendu des récits d’atrocités riffaines envers leurs prisonniers, a demandé à devenir bombardier, et il suivra également une formation de pilote.

Deux officiers français expérimentés ont été affectés à l’escadrille américaine pour la liaison et d’autres fonctions, et il y a un personnel de cinquante sous-officiers et soldats français, y compris des mécaniciens, chauffeurs, cuisiniers, secrétaires, motocyclistes, tailleurs, cordonniers et menuisiers. Huit bombardiers biplaces Breguet sont arrivés pour être utilisés par les Américains.

Neuf tentes individuelles et quatre plus grandes ainsi qu’une cuisine de campagne roulante ont été ajoutées à l’équipement de l’unité.

À l’aube aujourd’hui, chaque Américain a effectué un vol d’essai au terrain d’aviation de Casablanca malgré le brouillard qui arrivait de l’océan. Après quelques jours d’entraînement ici, les pilotes iront à Meknès pour une étape de formation supplémentaire, tandis que les bombardiers iront directement au front pour acquérir une expérience pratique en étant attachés à des escadrilles françaises.

Le Lieutenant-Colonel Kerwood et le Capitaine Arthur Holden sont toujours à Malaga, Espagne, où ils ont été contraints d’atterrir lors de leur vol depuis Paris. Ils sont en train de réparer leurs avions et sont attendus ici samedi.

The New York Times, 14/08/1925

Réaction américaine et dissolution de l’escadrille

Après avoir appris l’existence de ces mercenaires, le Département d’État américain (U.S. Department of State) a donné des instructions à son consul au Maroc pour avertir les Américains qu’ils risquaient la révocation de leur citoyenneté, l’emprisonnement et des amendes en vertu de la Loi de neutralité de 1794 s’ils ne mettaient pas fin à leur implication dans la guerre. Bien que l’accueil public réservé aux mercenaires ait été initialement mitigé dans leur pays, leur participation aux campagnes de bombardement a provoqué une indignation généralisée.

Le journal The Literary Digest titrait : « Bombes américaines et bébés Riffains ». Le Pittsburgh Post-Gazette affirmait que cela aurait été acceptable si les mercenaires s’étaient battus pour les Riffains, mais qu’il n’y avait « rien de chevaleresque ou de galant dans cette pluie de bombes larguées sur des villages sans défense ». The Christian Century, un important magazine protestant, fit la remarque suivante : « Ces soldats de fortune américains n’ont d’autre prétexte que l’exaltation de la chasse à l’homme. C’est un sport royal et le fait que ces femmes et ces enfants qui ont eu le malheur de naître dans des villages du Rif soient des victimes n’a pas plus de sens pour eux que la mort d’un lapin pendant une chasse. »

Le Département d’État a réitéré sa menace de poursuivre les pilotes pour avoir violé les lois américaines sur la neutralité s’ils ne cessaient pas immédiatement leur participation à la guerre, mais les pilotes ont rejeté ces avertissements. Cependant, après seulement six semaines d’opérations, la France a démantelé l’escadrille sous la pression diplomatique des États-Unis.

Selon le maréchal Philippe Pétain, l’unité a effectué 350 missions de combat en six semaines et largué plus de 40 tonnes de munitions. Selon le lieutenant-colonel Charles Kerwood, l’escadrille avait bombardé des villages et causé des pertes civiles considérables. Il y a même eu un cas avéré de bombardement par l’escadrille américaine d’un village qui s’était rendu.

La Gauche française voyait également le chef rifain Abd el-Krim comme un leader républicain luttant pour la liberté.

Les aviateurs français au Maroc et le nouveau commandant français, Philippe Pétain, désapprouvaient l’utilisation de mercenaires étrangers.

Sous la pression diplomatique des États-Unis, l’escadrille a été dissoute le 15 novembre 1925.

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