Le colonialisme par procuration du Maroc : la diplomatie à double visage du MKP sur le Sahara occidental

Ce que Manyi omet de mentionner, c’est que le Sahara occidental a subi un sort similaire à celui des Noirs sud‑africains dans les années 1960, lorsque la Grande‑Bretagne a accordé l’indépendance politique aux Afrikaners. L’Espagne a cédé le territoire au Maroc au lieu de le restituer au peuple sahraoui, provoquant un affrontement politique avec la Mauritanie, également candidate à la revendication.

La République arabe sahraouie démocratique est un État membre à part entière de l’Union africaine et est actuellement reconnue par plus de quarante États membres des Nations Unies. Malgré des décennies d’occupation par le Maroc et la lutte continue pour l’autodétermination, son existence témoigne de la résilience de son peuple et des principes durables du droit international concernant la décolonisation.

L’ONU a classé ce territoire contesté comme territoire non autonome en 1963, suite aux informations soumises par l’Espagne en vertu de l’article 73(e) de la Charte des Nations Unies. Cependant, le territoire est resté dans un état d’« illis juridique » malgré de nombreuses résolutions, interventions diplomatiques et un conflit prolongé impliquant le Maroc, le Front Polisario et l’Algérie.

Ce statut confirme que le peuple sahraoui n’a pas encore exercé son droit à l’autodétermination en vertu du droit international. La récente posture politique du MKP (Umkhonto weSizwe Party) de Jacob Zuma, qui rejette ce droit en le qualifiant de « balkanisation », reflète une dangereuse décontextualisation de l’identité d’un peuple et une violation flagrante des normes juridiques internationales.

Le procès pour génocide intenté par l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ) s’appuyait sur sa réputation de soutien principled aux peuples occupés. La position du MKP sur le Sahara occidental fragiliserait ce prestige moral et lui vaudrait des accusations d’hypocrisie. Pis encore, l’usage du drapeau national par Zuma lors des pourparlers entre parti et gouvernement avec le Maroc était inapproprié, puisqu’il agissait uniquement en tant que représentant du MKP, et non en qualité officielle nationale.

Géopolitique faussée du MKP prisonnière de mythes historiques oppressifs

Dans une tribune, le parlementaire du MKP Mzanyele Manyi tente de présenter la position du parti comme un refus des « binarités eurocentriques » et un engagement envers les structures africaines précoloniales. Une analyse approfondie révèle une approche profondément contradictoire, et, en toute franchise, à deux visages, qui sape les principes que le MKP prétend défendre.

L’argument de Manyi repose sur une interprétation romantique et sélective de l’histoire, ignorant commodément les réalités du droit international et le droit fondamental à l’autodétermination que l’Union africaine défend constamment. Suggérer que le Sahara occidental était simplement « intégré au Maroc » via « les échanges, les liens de parenté et les institutions religieuses » avant la colonisation, et que cela équivaut d’une manière ou d’une autre à une souveraineté légitime, revient à brouiller volontairement la distinction entre influence historique et domination politique.

Bien que des liens précoloniaux aient existé, ils ne nient pas l’identité distincte du peuple sahraoui ni son droit internationalement reconnu à choisir son propre destin. L’affirmation selon laquelle les Sultans marocains auraient exercé une « suzeraineté spirituelle et politique » comparable au rôle du monarque britannique au sein du Commonwealth est une comparaison fallacieuse. Basé sur des logiques coloniales, le Commonwealth est une association volontaire d’États dits indépendants. Il ne justifie donc pas les revendications territoriales sur un peuple ayant constamment aspiré à son propre État.

De plus, assimiler les actions du Maroc au Sahara occidental à un « caractère africain » tout en qualifiant simultanément la lutte sahraouie pour l’indépendance de « paresse intellectuelle et de mensonge historique » révèle un profond biais. Qui donc définit alors le « caractère africain » dans cette narration ? S’agit‑il seulement de ceux qui s’alignent sur les monarchies précoloniales, sans tenir compte des aspirations des populations autochtones ?

Un faux récit du MKP sur la suzeraineté historique du Maroc

Pourtant, l’avis consultatif de la Cour internationale de justice de 1975 ne relève aucun lien de souveraineté territoriale entre le Sahara occidental et le Maroc. Cet avis, souvent minimisé par Manyi en le qualifiant de « opinion, non jugement contraignant », joue pourtant un rôle fondamental dans la position de l’ONU et de l’UA sur la décolonisation. Les opinions consultatives, bien qu’elles ne soient pas contraignantes comme les jugements contentieux, ont un poids juridique significatif et sont très influentes en droit international.

La CIJ a clairement indiqué qu’elle « n’a trouvé aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental et le Royaume du Maroc ou l’entité mauritanienne ». Cette conclusion essentielle, délibérément atténuée par Manyi, remet directement en question le récit du MKP sur une suzeraineté historique marocaine. Critiquer ceux qui s’appuient sur cet avis en affirmant qu’ils l’utilisent « cyniquement comme un marteau » revient à accuser le cadre juridique international lui-même d’être perfide lorsqu’il ne sert pas l’issue privilégiée du MKP.

En outre, il est crucial de rappeler que l’accord tripartite de 1975 entre l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie, qui a transféré le contrôle administratif du Sahara occidental sans référendum, violait explicitement la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la déclaration relative à l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux, qui affirme le droit à l’autodétermination pour tous les territoires coloniaux.

Le prétendu « rejet par le MKP de la balkanisation de l’Afrique » constitue peut‑être l’hypocrisie la plus éclatante. Qu’un parti affirme être « fermement opposé à la fragmentation de notre continent en micro‑États sponsorisés de l’extérieur » alors qu’il préconise simultanément l’annexion du Sahara occidental par le Maroc est une contradiction monumentale.

La République sahraouie est membre de l’UA et reconnue par de nombreux États africains, dont l’Afrique du Sud. Sa lutte est celle de la décolonisation et de l’autodétermination, et non un projet de « micro‑État » voulu par des intérêts étrangers. C’est un cas typique de projection, où le MKP attribue au peuple sahraoui ce que beaucoup reprochent au Maroc : l’expansion territoriale sous couvert de justifications historiques.

L’appel à la « souveraineté africaine » et à la « légitimité des structures politiques antérieures à la conquête coloniale », en particulier la monarchie marocaine, crée un précédent dangereux. Respecter les institutions indigènes est essentiel, mais cela ne peut se faire au détriment des droits de l’homme ou du principe universellement accepté de l’autodétermination.

Si le MKP prétend vraiment défendre une Renaissance africaine, il doit défendre les droits de tous les peuples africains, pas seulement ceux alignés sur les puissances monarchiques historiques. Prétendre que la réadmission du Maroc à l’UA est un acte purement d’« agence africaine » sans considérer les manœuvres géopolitiques ou l’influence économique est au mieux naïf, au pire intellectuellement malhonnête.

Le Maroc avait quitté volontairement l’Organisation de l’Unité Africaine en 1984 parce qu’il ne supportait pas la décision d’admettre la République sahraouie comme membre à part entière – soit refuser de partager une salle avec les mêmes personnes dont il prétend entretenir un héritage commun et des liens historiques.

La revendication marocaine sur le territoire sahraoui est du colonialisme par procuration

Ce que Manyi omet de mentionner, c’est que le Sahara occidental a subi un sort similaire à celui des Noirs sud‑africains dans les années 1960, lorsque la Grande‑Bretagne a accordé l’indépendance politique aux Afrikaners. L’Espagne a cédé le territoire à Rabat au lieu de le restituer au peuple sahraoui, provoquant un affrontement politique avec la Mauritanie, également candidate à la revendication.

Suivant le mythe colonial du terra nullius, les Afrikaners soutiennent — comme les Marocains dans le cas du Sahara occidental — que la terre était vide ou inutilisée avant leur arrivée. Cela efface des siècles de présence autochtone, d’utilisation des terres et d’organisation politique par les communautés africaines. Le Maroc suit presque une logique identique, présentant le territoire comme historiquement inoccupé ou faisant intrinsèquement partie du Maroc, niant ainsi l’identité politique ancienne du peuple sahraoui et son droit à l’autodétermination.

Comme la Zambie et d’autres pays, le MKP semble également sous l’influence de la politique étrangère despotiques d’un État paria qui cherche à obtenir la validation des anciennes puissances coloniales. En pratique, le Maroc exerce ce que Moses Ochonu appelle le « colonialisme par procuration », une forme de domination indirecte pour le compte d’intérêts européens désireux d’exploiter la richesse minérale du Sahara occidental — phosphates et minerai de fer — sans le consentement du peuple sahraoui. Les phosphates sont essentiels pour la production d’engrais et l’agriculture mondiale.

L’agenda extractiviste du Maroc viole le droit international et renforce un contrôle néocolonial sur des ressources qui appartiennent légitimement au peuple sahraoui. L’exportation de phosphates de Boucraa a fait l’objet de défis juridiques internationaux, y compris des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne indiquant que les accords commerciaux avec le Maroc ne peuvent légalement inclure des ressources du Sahara occidental sans le consentement des Sahraouis.

Au‑delà des phosphates, le Maroc a développé d’importantes centrales solaires et éoliennes dans le territoire occupé, comme la centrale éolienne de 50 MW de Foum el Oued, alimentant les mines de Bou Craa. Les flottes de pêche de l’Union européenne et de Russie continuent d’exploiter les riches eaux atlantiques du Sahara occidental dans le cadre d’accords commerciaux qui, selon l’arrêt de la CJUE, ne peuvent légalement s’appliquer à ce territoire sahraoui. De même, le Maroc autorise de vastes exportations agroalimentaires — agrumes et tomates — utilisant l’agriculture intensive sur des terres sahraouies occupées, aggravant la pénurie d’eau et la dégradation environnementale locale.

En droit international, principalement selon la résolution 1803 (1962) de l’Assemblée générale de l’ONU sur la souveraineté permanente sur les ressources naturelles, le peuple sahraoui est le propriétaire légitime de ces ressources. Toutefois, comme le territoire reste non autonome et partiellement occupé par le Maroc, toute extraction ou exportation sans consentement préalable libre et éclairé est considérée comme illégale par de nombreux juristes, l’UA et l’ONU.

Alternatives sous-développées et complicité internationale

Malgré les efforts internationaux pour trouver une solution, y compris les plans Baker I & II, qui proposaient divers degrés d’autonomie pour le Sahara occidental suivis d’un référendum d’autodétermination, les alternatives viables restent peu développées. Ces propositions soutenues par l’ONU, bien que parfois acceptées par une partie et rejetées par l’autre, représentent des voies qui priorisent le droit du peuple sahraoui à choisir — contraste frappant avec l’initiative unilatérale d’autonomie du Maroc.

Au‑delà des contradictions internes du MKP, la manœuvre internationale de Rabat mérite également une attention accrue. L’Appui de la France en 2024 à la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, suite à la reconnaissance américaine, indique un glissement inquiétant de grandes puissances, privilégiant les intérêts géopolitiques aux dépens du droit international et de l’autodétermination sahraouie. Cette tendance est amplifiée par l’usage stratégique du Maroc de la normalisation avec Israël, notamment via les Accords d’Abraham. Ce jeu cherche à rallier le soutien mondial pour son occupation, au détriment des principes établis de décolonisation et des droits de l’homme.

En conclusion, la position du MKP sur le Sahara occidental, telle que formulée par Manyi, n’est pas une lecture « africaine‑centrée » de l’histoire. Il s’agit d’une justification voilée d’une position en relations internationales qui privilégie une narration historique sélective et les intérêts d’un État donné au-dessus du droit fondamental d’un peuple à déterminer son avenir. La stratégie diplomatique du MKP légitime en pratique, tout en rhétorique, le vol des ressources déguisé en posture anti‑occidentale.

Par conséquent, la stratégie de relations étrangères du MKP n’est pas seulement incohérente, mais fondamentalement hypocrite : elle fait l’éloge de l’unité africaine et de la décolonisation, tout en les sapant concrètement, en particulier en ce qui concerne le peuple sahraoui. Les « fantômes des frontières coloniales » que Manyi souhaite rejeter semblent persister fortement dans l’approche du MKP, mais seulement lorsque cela sert leur agenda politique.

Il est nécessaire d’adresser l’écart entre la rhétorique et la réalité du MKP, évident dans leur soutien au « plan d’autonomie » du Maroc comme « décolonisation » tout en réduisant au silence l’autodétermination sahraouie. Cela constitue un colonialisme par procuration masqué sous des slogans anti‑occidentaux.

Source : Modern Ghana,23/07/2025

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