Mots clés : Mali, Azawad, CMA, Coordination des Mouvements de l’Azawad, Wagner, junte militaire,
Par B. Chellali
La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) dans un communiqué signé par son porte-parole réagit au retrait des forces de Wagner au mali qualifiant ce départ de « mise en scène ». Une déconvenue politique de première importance qui a permis à de divers commentaires de faire une lecture analytique approfondie ouvrant sur l’échec stratégique du régime militaire de Bamako.
Le texte signé par le porte-parole de la CMA, Mohand El Mouloud Ramadan ne se limite pas à une déclaration de circonstance, il s’agit d’un positionnement stratégique dans le contexte du conflit malien à la fois critique vis-à-vis de la junte militaire au pouvoir à Bamako et porteur d’une vision alternative de l’avenir des territoires de l’Azawad.
Selon le texte, le retrait de Wagner ne doit pas être interprété comme un choix souverain, mais bien d’une conséquence directe de la fragilité croissante du pouvoir militaire. Cette lecture s’inscrit dans une logique de destruction du discours officiel de la junte qui cherche à présenter ce retrait comme une décision volontaire maîtrisée et relevant d’une stratégie de reconstruction sécuritaire. Or pour la CMA, cette narration relève d’un simulacre de souveraineté car la réalité du terrain montre que le régime de transition est profondément dépendant de ses partenaires extérieurs tant pour son maintien sécuritaire que pour sa survie politique.
Dans son analyse, la CMA avance que le pouvoir malien n’a jamais été en mesure, ni de définir les cartes de cette coopération, ce sont selon elle, des intérêts géopolitiques russes qui ont dicté la présence puis le départ du groupe Wagner dans une logique qui n’a tenu aucun compte des besoins des populations locales ni des impératifs de stabilité durable.
En ce sens, la CMA voit dans ce retrait non une rupture, mais une continuité déguisée car les mécanismes de domination militaire et d’alignement sur des intérêts étrangers demeurent inchangés, seul l’apparence a été modifiée à travers un retrait médiatisé qui cache mal la poursuite d’une même logique d’interventionnisme opaque.
Le communique adopte une posture critique très ferme envers les politiques de Wagner sur ce terrain en évoquant des faits graves et documentés de violation des droits humains, de traitements inhumains envers les civils et l’humiliation systématique des communautés locales.
Ces accusations s’appuient sur des témoignages et des rapports de multiples sources qui ont fait état d’exactions, notamment dans les régions du centre et du nord du Mali. Pour la CMA, la présence de Wagner a non seulement échoué à ramener la sécurité, mais elle a aussi exacerbé les tensions communautaires, nourri la peur et affaibli davantage le tissu social déjà fragilisé par des années de conflit.
Le texte s’efforce également de démontrer que l’efficacité militaire de Wagner vantée un temps par le régime de Bamako a été surévaluée et que cette illusion s’est effondrée face aux réalités du terrain. La bataille de Tinzaouatine est citée comme un exemple emblématique de cette désillusion. Selon la CMA, les pertes subies par les mercenaire russes lors de cette confrontation ont révélé les limites tactiques de Wagner dans un environnement complexe dans le Nord malien. L’incapacité de la junte militaire et de ses partenaires à contrôler cette zone stratégique constitue pour la CMA une preuve de plus de la faillite du projet sécuritaire porté par la junte.
A travers ce constat, la CMA cherche à renforcer sa propre légitimité comme acteur central dans la résolution de la crise malienne. Elle se positionne non seulement comme une force de résistance face à un régime autoritaire, mais aussi comme le portevoix d’une alternative fondée sur le dialogue, la justice et l’autodétermination. Le message est clair; tant que les décisions politiques et sécuritaires seront prises à Bamako sous la pression ou la dépendance des intérêts étrangers aucune solution durable ne pourra émerger.
Le peuple de l’Azawad selon la CMA doit pouvoir participer pleinement à la définition de son avenir, libre de toute tutelle militaire étrangère. La déclaration revêt également une portée diplomatique. En s’adressant explicitement à la communauté , la CMA tente de se repositionner sur des bases éthiques et politiques. Elle invite les partenaires du Mali à reconsidérer leur soutien au régime actuel, en soulignant que la stabilité ne peut être imposée par la force encore moins par l’intermédiaire de société militaire privée dont les méthodes pratiques sapent la confiance des populations et compromettent les chances de paix.
En ce sens, la CMA veut rappeler que les processus de réconciliation et de stabilisation peuvent être construits avec des acteurs locaux dans le respect de leur réalité culturelle, sociale et politique. En toile de fond on perçoit également une stratégie de communication maîtrisée qui vise à renforcer l’image de la CMA comme acteur structuré, raisonnable et porteur d’une vision cohérente.
Le langage du communiqué est soigné; le ton est ferme, mais argumenté et chaque point avancé s’appuie sur des faits ou des références concrètes. Cette posture constante avec celle du pouvoir central souvent accusé d’incohérence, de brutalité ou d’opacité. En effet, s’inscrivant dans une rhétorique de résistance légitime, la CMA cherche à élargir son champ d’influence au-delà de ses bastions traditionnels et à convaincre une partie de l’opinion publique nationale et internationale de la justesse de la cause.
L’appel final à la poursuite du combat pour la libération de l’Azawad ne renvoie seulement pas à une revendication territoriale ou identitaire, il s’agit dans la logique du communiqué d’un projet politique complet articulé autour de principes démocratiques, respect des droits humains et de souveraineté populaire; en affirmant vouloir instaurer un nouveau système politique fondé sur la justice et la liberté, la CMA ne s’adresse pas uniquement aux Touaregs ou aux populations du Nord, mais à tous ceux qui au Mali ou ailleurs aspirent à une gouvernance fondée sur la responsabilité, la transparence et le respect mutuel.
Le retrait de Wagner loin de marquer une accalmie ou un tournant positif est aussi interprété comme une nouvelle étape dans la déliquescence du pouvoir militaire malien. Pour la CMA, ce retrait met à nu la vacuité des discours officiels, l’absence de vision stratégique à long terme et l’isolement croissant d’un régime qui s’est aliéné ses propres citoyens comme ses partenaires internationaux.
Le communiqué de la CMA se veut donc comme un signal d’alerte, mais aussi un acte de résistance politique dans une lutte qui se veut autant militaire qu’intellectuelle, autant territoriale que morale, la CMA par cette déclaration rappelle qu’elle reste une force incontournable dans toute tentative de résolution de la crise malienne.
En rappelant son engagement à poursuivre le combat, elle se positionne comme une alternative crédible et déterminée face à un régime qu’elle considère illégitime. Elle refuse les solutions imposées, rejette les narratifs manipulés et insiste sur la nécessité d’un nouveau contrat politique fondé sur la vérité, la justice et la souveraineté réelle du peuple malien. Ainsi, au-delà des mots, c’est une vision de l’avenir qu’elle trace, une vision de rupture avec la logique de domination et d’instrumentalisation qui ont trop longtemps caractérisé la gestion du Mali par le centre.
B. C.
Source : LeMaghreb.dz, 12/06/2025
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