Mots-clés : Sahara Occidental, coup d’État militaire en Mauritanie, CIA, Maroc, Front Polisario,
Le conflit du Sahara Occidental
17 octobre 1978
Le conflit de trois ans sur le Sahara Occidental, désolé mais riche en minéraux, est entré dans une nouvelle phase politique. Le coup d’État militaire en Mauritanie le 10 juillet a porté au pouvoir un gouvernement déterminé à mettre fin à son implication dans le différend. Le coup d’État a également incité les deux acteurs clés, le Maroc et l’Algérie, à réévaluer leurs positions, ce qui pourrait éventuellement aboutir à un règlement de compromis. Les contacts diplomatiques maroco-algériens – initiés bien avant le coup d’État mauritanien – ont dépassé le stade exploratoire. Des émissaires marocains et algériens de haut niveau se sont rencontrés à Paris début août et à Bruxelles fin septembre. La Mauritanie a également établi ses propres contacts avec l’Algérie et le Front Polisario. Bien que ces contacts soient des signes encourageants de la poursuite du dialogue, ils ne garantissent pas une percée spectaculaire. Les allégations marocaines d’agression algérienne dans le sud du Maroc, suspendues début octobre, ont temporairement aigri l’atmosphère des pourparlers. Et la maladie de Boumediene a suspendu les pourparlers.
Seules des négociations prolongées sont susceptibles de trouver une solution au conflit du Sahara Occidental, qui fait partie d’une rivalité historique plus large entre Alger et Rabat pour la prééminence en Afrique du Nord-Ouest.
Irrédentisme marocain
Le Maroc fonde sa revendication de souveraineté sur le Sahara Occidental sur l’histoire précoloniale, lorsque les dirigeants marocains exerçaient par intermittence divers degrés de contrôle sur une grande partie de la région. La Cour internationale de justice, dans un avis consultatif en octobre 1975, a toutefois déterminé que les liens précoloniaux marocains et mauritaniens avec la région n’établissaient pas de lien de souveraineté.
Le Maroc considère sa partition du Sahara Occidental avec la Mauritanie en avril 1976 comme irréversible. Le Maroc a acquis les deux tiers nord, y compris les riches réserves de phosphate de Bu Craa, et la Mauritanie a pris le contrôle d’une industrie de la pêche lucrative à Dakhla et de réserves de minerai de fer inexploitées à Agracha. L’Algérie considère la partition comme illégale, exige un référendum sur l’autodétermination et apporte un soutien matériel substantiel et un sanctuaire aux guérilleros du Front Polisario.
L’absence de consultations supervisées au niveau international pour déterminer les souhaits des habitants du territoire, comme le prévoient diverses résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies, reste une question litigieuse.
L’Espagne maintient que son transfert de contrôle administratif en vertu des accords de Madrid n’a pas résolu la question de la souveraineté, une question que seul le peuple sahraoui pouvait décider. Le Maroc soutient que les Sahraouis ont été consultés en février 1976 via l’assemblée territoriale – un organe consultatif subordonné à Rabat à l’époque – et à nouveau l’année dernière lorsque les Sahraouis ont participé aux élections régionales marocaines. Bien que l’annexion et l’administration par le Maroc de sa partie du territoire semblent être considérées internationalement comme un fait accompli, la reconnaissance de la souveraineté marocaine y a été retenue.
Situation militaire
Le cessez-le-feu contre les forces mauritaniennes déclaré par le Front Polisario après le coup d’État du 10 juillet y est toujours en vigueur. Le centre des combats se situe désormais dans le sud du Maroc et la partie marocaine du Sahara Occidental. Les pertes marocaines ont considérablement augmenté par rapport à la moyenne mensuelle estimée de 40 morts avant le coup d’État mauritanien.
En réponse aux incursions algériennes présumées dans le sud du Maroc fin septembre-début octobre, le roi Hassan aurait ordonné des représailles similaires à toute attaque future. Les difficultés de mener de telles attaques pourraient dissuader Hassan de donner suite contre les Algériens. Les opérations des forces armées marocaines en général continuent d’être entravées par le faible moral, les problèmes logistiques et le manque de soutien aérien efficace.
Perspectives de négociation
Des compromis difficiles seront nécessaires de la part de tous les participants si l’on veut parvenir à un règlement de paix. Le Maroc et l’Algérie devront surmonter la méfiance mutuelle quant à leurs intentions, et ce seul fait plaide contre une solution rapide.
Le Maroc, compte tenu de sa revendication irrédentiste populaire, ne fera aucun compromis sur la question de sa souveraineté sur les deux tiers nord du Sahara Occidental ou sur son contrôle des importantes réserves de roche phosphatée de haute qualité autour de Bu Craa. Il est très improbable qu’il accepte un mini-État sahraoui indépendant. Le Maroc a souligné à plusieurs reprises qu’il ne se laisserait pas couper du reste de l’Afrique par un État sahraoui dont les frontières s’étendent de l’Algérie à l’Atlantique.
Le Maroc pourrait accepter à contrecœur un référendum truqué pour le peuple sahraoui, mais insisterait pour que l’indépendance ne soit pas une option pour sa partie du Sahara Occidental. Le Maroc accepterait probablement, après de nombreuses négociations, une patrie sahraouie dans la partie mauritanienne fédérée avec la Mauritanie.
La Mauritanie est la seule partie sur laquelle on peut compter pour être véritablement flexible. Le nouveau gouvernement à dominante militaire, qui reconnaît que seul un règlement lui permettra de relancer l’économie, accorde la priorité à une fin rapide du conflit sahraoui. La Mauritanie est disposée à se retirer de sa partie du Sahara Occidental, mais elle en est empêchée par le Maroc. Les Mauritaniens accepteraient presque certainement que leur secteur devienne un État sahraoui autonome fédéré avec la Mauritanie et accorderaient probablement aux Sahraouis un rôle proportionnel dans le gouvernement central.
La position de négociation de l’Algérie est moins facile à définir. L’Algérie n’a aucune revendication territoriale au Sahara Occidental, bien qu’elle ait toujours maintenu qu’elle avait des intérêts politiques et de sécurité à protéger. Boumediene semble peu disposé à accepter un fait accompli marocain au Sahara Occidental sans un moyen de sauver son propre prestige. Il est cependant pragmatique et peut penser que ses chances d’obtenir des compromis maintenant sont plus grandes qu’elles ne le seront plus tard.
Les Algériens pourraient se contenter de moins qu’un État sahraoui indépendant si un référendum contrôlé était organisé qui jetterait au moins les bases de la création d’une région autonome dans la partie mauritanienne du Sahara Occidental. Ils espéreraient éventuellement supplanter l’influence marocaine dans une telle fédération par la leur. En échange de la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le territoire, l’Algérie insisterait probablement sur une autonomie locale limitée pour les Sahraouis sous contrôle marocain.
Le Front Polisario devra être pris en compte pour parvenir à un règlement durable. Ses dirigeants militants semblent sincèrement attachés à une république sahraouie, et ils ne seront pas facilement persuadés d’accepter moins qu’un Sahara Occidental indépendant. Ils ne pourraient cependant pas maintenir le niveau actuel des opérations militaires sans le soutien algérien.
Le Front Polisario compte entre 3 000 et 5 000 guérilleros actifs et un gouvernement fantôme en exil reconnu par 15 pays. Les guérilleros contrôlent également la grande population de réfugiés sahraouis dans le sud-ouest de l’Algérie, qui pourrait atteindre 20 000 à 40 000 personnes, soit près d’un tiers à la moitié de la population estimée du Sahara Occidental en 1974.
Certains de ces exilés sont peut-être des nomades des pays voisins, mais la plupart sont probablement originaires du Sahara Occidental. Trois ans d’endoctrinement algérien et du Polisario ont peut-être créé un sentiment d’identité nationale qui sera difficile à satisfaire à l’avenir.
Source : Archives de la CIA, 17 octobre 1978
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