Mots clés : Maroc, Monarchie alaouite, Printemps Arabe, Mohammed VI, Ahmed Benchemsi, nouvelle Constitution, corruption, fraude,
Le journaliste marocain Ahmed Reda Benchemsi, installé aux Etats-Unis , a prédit une « chute » de la Monarchie marocaine, indique, vendredi, le journal américain « The Stanford daily« .
Ahmed Benchemsi, chercheur visiteur pour le Programme sur la réforme arabe et la démocratie à l’Institut Freeman Spogli relevant du Centre des Etudes internationales sur la Démocratie, le développement et la primauté du droit (CDDRL), a fait cette conclusion lors d’une conférence-débat qu’il a animée, jeudi, sous le thème « L’illusion de la démocratie: Comment la monarchie absolue du Maroc a géré le printemps arabe « .
Lors de cette rencontre, Benchemsi a présenté, selon le journal, des articles de la nouvelle constitution, ainsi que « la réaction largement positive des diplomates occidentaux et des médias ».
« Cela s’apparente à des concessions majeures! Même si ce n’est pas de la démocratie, nous pouvons l’appeler au moins un partage de pouvoir juste. Dans cette optique, le Maroc pourrait bien être cette exception que [la secrétaire d’Etat] Clinton a hautement saluée ou pas », a déclaré l’ancien journaliste marocain.
Il s’est arrêté sur « les contradictions entre l’apparence et la réalité dans la vie politique marocaine », fustigeant la corruption lors de la consultation référendaire. Il a également attiré l’attention sur ce qu’il a appelé « des roueries dans le texte (de la constitution) ».
Selon lui, l’une de ces « ruses » consiste dans la différence entre les versions française et arabe de l’article se rapportant au statut du Roi.
« L’article envoie un double message aux faiseurs d’opinion cosmopolites francophones et aux citoyens marocains moyens arabophones », a déclaré Ahmed Reda Benchemsi. La différence portait notamment sur un mot supplémentaire introduit dans la version arabe relatif à l’inviolabilité de la personne du roi, explique-t-il.
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Le temps joue contre les autocraties arabes, affirme Benchemsi
Par Marwa Farag
Ahmed Benchemsi, chercheur invité au Programme sur la réforme arabe et la démocratie au Centre sur la démocratie, le développement et l’État de droit (CDDRL) de l’Institut Freeman Spogli pour les études internationales, a donné une conférence jeudi intitulée : « L’illusion de la démocratie : comment la monarchie absolue du Maroc a géré le Printemps arabe ».
Benchemsi, qui a rejoint le CDDRL plus tôt cette année, est un journaliste marocain ayant écrit abondamment sur le roi Mohammed VI et la monarchie marocaine. Il a été éditeur et rédacteur en chef des deux hebdomadaires les plus vendus au Maroc, TelQuel en français et Nishan en arabe.
« Ahmed a ouvert la voie à des débats sur des sujets rarement abordés, et il ne vous surprendra pas d’apprendre que cela n’a pas été accueilli avec un enthousiasme sans réserve par les autorités marocaines », a déclaré Larry Diamond, chercheur principal au CDDRL, en introduction de la conférence.
La conférence a porté sur les réformes du roi Mohammed VI à la lumière des manifestations qui ont secoué le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord depuis le début de l’année. Contrairement aux événements en Tunisie, en Égypte, à Bahreïn, au Yémen, en Libye et en Syrie, le monarque marocain a proposé une nouvelle constitution à la fin du mois de juin. Cette constitution réformiste a été adoptée en juillet avec un soutien de 98,5 %.
Benchemsi a présenté des articles de la nouvelle constitution, ainsi que la réaction largement positive des diplomates occidentaux et des médias.
« Cela ressemble à des concessions majeures ! Même si ce n’est pas la démocratie, on peut au moins parler d’un partage du pouvoir plus équitable ; dans cette optique, oui, le Maroc pourrait bien être cette exception que la secrétaire d’État Clinton a tant louée – ou pas », a-t-il déclaré.
Il a ensuite détaillé les écarts entre les apparences et la réalité de la politique marocaine, en commençant par une vidéo montrant des actes de corruption lors du référendum. Il a également analysé certains articles de la nouvelle constitution, mettant en évidence ce qu’il a appelé des « astuces dans le texte ».
L’une de ces « astuces » concernait une différence entre les versions française et arabe de l’article définissant le statut du roi.
« L’article envoie un double message : un pour les intellectuels francophones cosmopolites et un autre pour les citoyens marocains arabophones », a expliqué Benchemsi. Cette différence concernait un mot ajouté dans la version arabe, impliquant le caractère sacré du roi.
« La constitution a une belle façade, mais elle est trompeuse », a-t-il ajouté, soulignant d’autres failles, notamment un article censé protéger l’économie contre les monopoles, les privilèges et les abus de position dominante.
« Le roi Mohammed VI est le premier banquier, épicier, propriétaire foncier et agriculteur du Maroc », a-t-il affirmé, précisant que les holdings royaux incluent le plus grand conglomérat privé du pays, une entreprise dont les revenus totaux atteignent 8 % du PIB national.
La séparation des pouvoirs dans la nouvelle constitution, garantissant l’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis du législatif et de l’exécutif, a également été qualifiée de tromperie.
« Le roi est le pouvoir législatif », a souligné Benchemsi. « Il est le pouvoir exécutif et il est le pouvoir judiciaire. C’est la définition même du pouvoir absolu, et c’est ce que nous avons toujours au Maroc. »
Benchemsi a ensuite expliqué pourquoi l’« illusion » de la monarchie démocratique fonctionne, tant au niveau international que national.
« Depuis l’éclatement du Printemps arabe, on entend parler de répressions violentes et de massacres sanglants », a-t-il dit. « En comparaison, la gestion modérée du Printemps arabe par le palais marocain semble raisonnable. »
Il a également mentionné la stabilité et la fiabilité du régime marocain en tant qu’allié des États-Unis comme un facteur clé pour les pays occidentaux.
Quant à l’avenir du pays, Benchemsi a qualifié les prochaines élections de « simple routine », soulignant que la dégradation de l’économie, la diminution des ressources gouvernementales et le chômage pourraient contribuer à la déstabilisation du régime.
« La monarchie marocaine a, d’une certaine manière, déjoué ses opposants… mais par nature, les écrans de fumée se dissipent lorsque les vents se lèvent à nouveau », a-t-il conclu.
Ces vents, qui incluent la possibilité d’une révolution en Algérie voisine, les facteurs économiques et la situation en Syrie, ont amené Benchemsi à affirmer que la monarchie marocaine pourrait ne pas survivre sous sa forme actuelle.
« Il est raisonnable de penser que le temps joue contre les autocraties arabes, et le Maroc ne fait pas exception », a-t-il déclaré.
Environ 60 chercheurs ont assisté à cette conférence, qui s’inscrivait dans une série de séminaires hebdomadaires organisés par le CDDRL.
The Stanford Daily, 14 octobre 2011
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