Mots cliés : Maroc, câles Wikileaks, Etats-Unis, situation dans les prisons, Benhachem, salafistes, subventions,
Français Classé par : Chargé d’Affaires, ai, Robert P. Jackson pour les raisons 1
1. (S/NF) Résumé : Ce câble répond à la demande d’informations de la référence A et fournit une mise à jour générale plus large sur la situation carcérale au Maroc et sur l’administration pénitentiaire, maintenant âgée d’un an. Surpeuplées et sous-financées, les prisons marocaines sont dans une situation difficile, mais en évolution. Elles ont suscité un intérêt international croissant, en partie en raison d’un grand nombre de prisonniers islamistes et du risque de radicalisation. Le gouvernement du Maroc (GOM) a signalé que parmi les quelque 60 000 prisonniers, plus de 100 détenus sont décédés en 2008, ce que les ONG ont imputé à de mauvaises conditions.
Le directeur général des prisons du Maroc est le délégué général à l’administration pénitentiaire Moulay Hafid Benhachem, ancien haut gradé de l’ancien roi Hassan II. M. Benhachem est en poste depuis un an, suite à un remaniement consécutif à une importante évasion de prisonniers islamistes radicaux. Il nous a confié que la sécurité était sa priorité absolue, la réhabilitation étant sa priorité. Avec le soutien du roi Mohammed VI et un budget plus important, M. Benhachem a amélioré la sécurité, augmenté les rations et lancé un ambitieux programme de construction, mais les problèmes persistent. Il commence à s’ouvrir à la coopération internationale. Le ministère de la Justice révise actuellement le code pénal afin d’autoriser la libération conditionnelle et la probation, le moyen le plus efficace de désengorger les prisons, et a sollicité notre aide. Jusqu’à présent, le gouvernement américain n’a apporté qu’un soutien modeste à une ONG de défense des droits des détenus. Nous avons sollicité de nouveaux financements, notamment au titre de l’article 1207 de la loi de finances pour la défense, afin d’aider le ministère de la Justice, l’administration pénitentiaire et les organisations impliquées dans la réinsertion après la libération, afin de réduire le risque que d’anciens détenus deviennent des kamikazes. Fin du résumé.
2. (C) Surpeuplées et sous-financées, les prisons marocaines connaissent une situation difficile, mais changeante. Elles suscitent un intérêt international croissant, en partie en raison du grand nombre de prisonniers islamistes et du risque que ce contexte difficile favorise des tendances violentes après leur libération. Avec une population carcérale d’environ 60 000 personnes, les estimations du début de 2008 suggéraient que le budget des prisons s’élevait à peine à un dollar par détenu et par jour. Les détenus doivent recevoir de la nourriture de leur famille et de leurs amis pour pouvoir manger à un niveau raisonnable. La surpopulation peut être grave, comme le montrent certaines photographies de prisonniers dormant à même le sol d’une grande cellule, entassés comme des sardines, une situation rare, mais qui peut encore exister dans certains établissements.
3. (C) Durant les années de plomb8, l’ère répressive de Hassan II, les prisons marocaines étaient souvent des lieux hostiles, isolés dans le désert, avec des conditions de vie inqualifiables et des abus courants. Plus tard, sous le règne de Hassan II et sous le roi Mohammed VI, nombre de ces symboles de la répression ont été fermés ; certains transformés en lieux de mémoire, mais réduisant la capacité carcérale. Malgré l’augmentation du nombre de prisonniers ces dernières années, aucune nouvelle prison n’a été construite depuis des années, bien que la situation soit en train de changer. L’intérêt extérieur s’est accru depuis qu’un jeune Marocain, gracié après avoir été emprisonné pendant plusieurs années pour association présumée avec les personnes impliquées dans les attentats de Casablanca de 2003, s’est fait exploser dans un cybercafé de Casablanca en 2007, faisant partie d’un réseau de sept kamikazes. Dans les années précédant 2008, le ministère de la Justice (MOJ), alors responsable des prisons, a instauré des changements liés aux droits de l’homme, financés par des donateurs extérieurs, notamment en autorisant les ONG à travailler dans les prisons. En réponse à l’agitation des groupes de soutien aux prisonniers islamistes/salafistes et de leurs familles, il a également accordé des privilèges croissants à certains prisonniers islamistes. La peine de mort n’a pas été appliquée depuis une dizaine d’années, même si son abolition n’est pas prévue prochainement.
Cela a contribué à l’augmentation du nombre de condamnés à mort. La diminution de la répression au Maroc a probablement également contribué à cette augmentation, les violences physiques graves constituant une forme de dissuasion moindre. Nous comprenons que jusqu’à la moitié de la population carcérale pourrait être en attente de jugement.
4. (C) Fin avril 2008, après l’évasion de neuf salafistes (islamistes radicaux) de la prison de Kénitra, dont beaucoup étaient reconnus coupables d’implication dans les attentats de Casablanca de 2003, le roi Mohammed VI a transféré la responsabilité de l’administration pénitentiaire du ministère de la Justice à la nouvelle Direction, rattachée au cabinet du Premier ministre. Le ministère de la Justice avait fait face à la présence croissante et organisée des salafistes dans les prisons en leur accordant des privilèges croissants, et le sentiment régnait d’avoir tout simplement perdu le contrôle. Cette évasion a transformé la situation carcérale en une source d’embarras pour le gouvernement et le roi.
5. (C) Le Roi a nommé Moulay Hafid Benhachem, ancien Directeur général de la Sûreté nationale (DGSN) sous Hassan II, à la tête de la nouvelle Administration pénitentiaire. Il avait le rang quasi ministériel de Délégué général et rendait officiellement compte au Premier ministre, mais sans doute aussi directement au Palais. À la retraite depuis 2003, Benhachem avait la réputation d’être un homme de ferme. Il n’a, à notre connaissance, effectué aucun travail officiel ou officieux, ni exercé de conseil pour le gouvernement du Maroc pendant sa retraite, et n’a pas non plus travaillé dans le secteur privé. Benhachem a amené avec lui à l’Administration pénitentiaire plusieurs vétérans de l’appareil sécuritaire de l’ancien roi, ce qui a suscité des inquiétudes au sein des milieux diplomatiques et des défenseurs des droits de l’homme au Maroc.
6. (C) Le jour de la nomination de Benhachem, le roi Mohammed VI a publié une déclaration ordonnant à Benhachem et à sa nouvelle direction d’améliorer la réinsertion sociale des anciens détenus ; de garantir la sécurité et la discipline au sein du système pénitentiaire ; de veiller au respect de la loi au sein du système ; de mettre les conditions de détention en conformité avec les normes internationales ; de garantir le respect des droits de l’homme et de la dignité au sein des établissements ; et d’améliorer les conditions de travail du personnel et des gardiens. La même déclaration indiquait que ces améliorations étaient essentielles pour lutter contre l’islam radical. Cela était notable car le gouvernement du Maroc s’était jusque-là montré réticent à lier publiquement l’islam militant aux conditions de détention. Le même jour, le ministre de la Justice Radi a déclaré que la nomination de Benhachem s’inscrivait dans un processus plus large de réforme du secteur de la justice.
L’administration pénitentiaire
7. (C) La Direction générale de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion est une entité indépendante dotée de son propre budget et d’un appareil administratif central. Elle a absorbé l’ensemble des responsabilités en matière d’administration pénitentiaire du ministère de la Justice et n’est affiliée à aucun autre ministère ni agence. Depuis le retrait de l’administration pénitentiaire du ministère, les deux organisations ont peu échangé, sauf par voie officielle. Si le ministère de la Justice continue de diriger la politique pénale stratégique, notamment l’élargissement des peines alternatives ou le contrôle judiciaire, il n’a désormais plus aucune influence sur la sécurité et le fonctionnement quotidien des établissements pénitentiaires. Rien n’indique non plus que Benhachem continue de faire l’objet de liens entre la DGSN et le ministère de l’Intérieur, ni aucune influence de la DGSN/ministère de l’Intérieur (MI). Le MI a catégoriquement refusé de discuter avec nous des prisons ou de toute assistance connexe.
5. (C) Le Roi a nommé Moulay Hafid Benhachem, ancien Directeur général de la Sûreté nationale (DGSN) sous Hassan II, à la tête de la nouvelle Administration pénitentiaire. Il avait le rang quasi ministériel de Délégué général et rendait officiellement compte au Premier ministre, mais sans doute aussi directement au Palais. À la retraite depuis 2003, Benhachem avait la réputation d’être un homme de ferme. Il n’a, à notre connaissance, effectué aucun travail officiel ou officieux, ni exercé de conseil pour le gouvernement du Maroc pendant sa retraite, et n’a pas non plus travaillé dans le secteur privé. Benhachem a amené avec lui à l’Administration pénitentiaire plusieurs vétérans de l’appareil sécuritaire de l’ancien roi, ce qui a suscité des inquiétudes au sein des milieux diplomatiques et des défenseurs des droits de l’homme au Maroc.
6. (C) Le jour de la nomination de Benhachem, le roi Mohammed VI a publié une déclaration ordonnant à Benhachem et à sa nouvelle direction d’améliorer la réinsertion sociale des anciens détenus ; de garantir la sécurité et la discipline au sein du système pénitentiaire ; de veiller au respect de la loi au sein du système ; de mettre les conditions de détention en conformité avec les normes internationales ; de garantir le respect des droits de l’homme et de la dignité au sein des établissements ; et d’améliorer les conditions de travail du personnel et des gardiens. La même déclaration indiquait que ces améliorations étaient essentielles pour lutter contre l’islam radical. Cela était notable car le gouvernement du Maroc s’était jusque-là montré réticent à lier publiquement l’islam militant aux conditions de détention. Le même jour, le ministre de la Justice Radi a déclaré que la nomination de Benhachem s’inscrivait dans un processus plus large de réforme du secteur de la justice.
L’administration pénitentiaire
7. (C) La Direction générale de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion est une entité indépendante dotée de son propre budget et d’un appareil administratif central. Elle a absorbé l’ensemble des responsabilités en matière d’administration pénitentiaire du ministère de la Justice et n’est affiliée à aucun autre ministère ni agence. Depuis le retrait de l’administration pénitentiaire du ministère, les deux organisations ont peu échangé, sauf par voie officielle. Si le ministère de la Justice continue de diriger la politique pénale stratégique, notamment l’élargissement des peines alternatives ou le contrôle judiciaire, il n’a désormais plus aucune influence sur la sécurité et le fonctionnement quotidien des établissements pénitentiaires. Rien n’indique non plus que Benhachem continue de faire l’objet de liens entre la DGSN et le ministère de l’Intérieur, ni aucune influence de la DGSN/ministère de l’Intérieur (MI). Le MI a catégoriquement refusé de discuter avec nous des prisons ou de toute assistance connexe.
8. (C) L’approche de Benhachem dans son nouveau poste semble réfléchie et stratégique. Dès sa prise de fonction en avril 2008, Benhachem a interrompu les discussions avec les ambassades étrangères au sujet des programmes de coopération, entrepris un audit organisationnel interne approfondi et élaboré un plan et un budget. Il a licencié les fonctionnaires qu’il jugeait incompétents ou corrompus.
Benhachem émit une série de directives ordonnant aux gardiens de prison de porter à nouveau leur uniforme en service et demandant à tout le personnel d’appliquer systématiquement toutes les règles et réglementations dans tous les établissements. Il mit en garde contre de graves conséquences en cas de non-respect de ses instructions. Il mit fin à la politique de complaisance envers les détenus salafistes, qui avaient acquis des privilèges et un contrôle sans précédent sous le ministère de la Justice (Réf. B). Cependant, avec le soutien du palais, il obtint également un budget plus important et, une fois la sécurité rétablie, des fonds furent alloués à l’amélioration de la nourriture. De plus, il accéléra les constructions existantes et fit avancer les plans de construction de nouvelles prisons. La capture (ou la mort) de tous les évadés salafistes, et d’autres encore, ouvrit la voie à une nouvelle réforme et à une coopération avec la communauté internationale.
9. (C) Les Officiers de l’Administration Pénitentiaire ont rencontré Benhachem le 19 juin 2008 (Réf. B), puis le 31 mars 2009, au siège de la Direction Générale de l’Administration Pénitentiaire et de la Réinsertion (DGAP). Lors de ces deux rencontres, ils l’ont trouvé direct, charmant et pragmatique, mais méfiant quant aux intentions du Gouvernement Américain. Benhachem a souligné le statut ministériel de l’Administration Pénitentiaire.
Benhachem a déclaré à EmbOffs qu’il était responsable des détenus pendant leur incarcération et de leur réinsertion sociale à leur libération, bien qu’il ait précédemment confirmé que sa responsabilité s’arrêtait à la porte de la prison. Le budget 2009 de la DGAP comprend 128 millions de dollars pour les opérations générales et 86 millions de dollars pour les dépenses d’investissement telles que les nouvelles constructions et les rénovations. Benhachem a déclaré à EmbOffs que cela représentait une augmentation de 40 % du financement. Dans des déclarations rapportées à la presse, Benhachem a déclaré que le nouveau budget lui permettait d’augmenter les dépenses par détenu de 50 cents de dollars à deux dollars par jour.
10. (C) Lors d’une réunion séparée avec le directeur de la mission USAID au Maroc, il s’est dit plus à l’aise avec l’USAID qu’avec l’ambassade et a recommandé que toutes les demandes de programmation et de coopération avec la DGAP soient adressées par l’intermédiaire du ministère des Affaires étrangères (MAE) par note diplomatique. Il a également évoqué l’idée de créer un groupe de coordination interministériel, dirigé par le MAE, pour travailler avec le gouvernement américain sur les questions d’assistance au secteur de la sécurité.
(Commentaire : Cela suggère que son mandat pourrait inclure des contrôles accrus et une plus grande transparence dans les relations avec les entités américaines. Fin du commentaire.)
11. (C) Lors de la réunion du 31 mars, Benhachem a déclaré aux responsables de la sécurité que la sécurité et la réhabilitation étaient ses priorités jumelles et indissociables. Il a toutefois insisté sur le fait qu’il ne sacrifierait pas la sécurité au nom de la réforme, affirmant : « Je ne peux pas progresser si je ne contrôle pas mes bâtiments. » Concernant la sécurité, Benhachem avait des idées très précises et a souligné la rénovation, la construction de nouvelles installations et l’amélioration des moyens technologiques de détection des détenus et des colis de contrebande comme axes prioritaires immédiats. Il a ajouté que la mise en place de réseaux de télévision en circuit fermé et de surveillance électronique des installations et des détenus constituait un objectif important à moyen terme qui permettrait de mieux exploiter ses ressources humaines et financières limitées. Benhachem a également exprimé le besoin d’un meilleur équipement pour son personnel et d’une meilleure formation.
12. (C) Concernant la réadaptation et la réinsertion des détenus après leur libération, Benhachem s’est montré ouvert d’esprit, mais moins compétent. Il a exprimé le besoin de programmes plus complets d’apprentissage de la vie quotidienne, sans toutefois proposer d’idées précises. Il a insisté sur le besoin d’assistance médicale en milieu carcéral et a encouragé les responsables de la santé à se coordonner avec Hilmi, administratrice adjointe aux programmes sociaux et culturels.
Benhachem a également déclaré qu’il était nécessaire d’améliorer la coordination avec le secteur privé et les gouvernements locaux afin de fournir des emplois et un atterrissage en douceur aux prisonniers libérés.
Benhachem a affirmé qu’il n’y avait pas de surpopulation grave dans le quartier des femmes et s’est montrée moins intéressée par les programmes spécifiques qui leur sont destinés. (Remarque : les femmes ne représentent qu’une petite minorité de détenues – peut-être seulement 3 %. Fin de la note.)
13. (C) Malgré les déclarations publiques de soutien du ministre de la Justice, Radi, qui a déclaré à l’ambassadeur Riley en novembre 2007 qu’il souhaitait la création d’une autorité pénitentiaire indépendante, les relations entre la Justice et la DGAP restent tendues. M’Hammed Abdenabaoui, numéro trois du ministère de la Justice, détient toujours le portefeuille des affaires pré-sentencielles et post-libérationnelles de son ministère. Il a déclaré à PolOff, lors d’une réunion en février, que le ministère de la Justice souhaitait collaborer avec le gouvernement américain pour concevoir des programmes de réinsertion. Abdenabaoui a déclaré que la communication avec la DGAP était toujours tendue, mais qu’elle s’améliorait. Il a estimé que Benhachem semblait avoir peu de respect pour les anciens directeurs de prison du ministère de la Justice.
Les deux députés
14. (C) Deux adjoints assistent Benhachem. Mustapha Hilmi, ancien procureur ayant également exercé aux échelons supérieurs de l’Autorité pénitentiaire centrale du Ministère de la Justice, a été nommé directeur des activités sociales, culturelles et de réinsertion. Soufiane Ouamrou, ancien de la police (DGSN), est devenu directeur de la sécurité des détenus et de la sécurité physique. Hilmi est connu des EmbOffs et respecté au sein de la communauté juridique. Il a aidé l’Association du Barreau américain à Rabat dans ses efforts de réforme du Barreau marocain. Sous le Ministère de la Justice, il était connu pour sa voix modérée sur les questions pénitentiaires. Lors de la réunion du 31 mars, Benhachem a semblé entretenir une relation collaborative, respectueuse et aisée avec Hilmi, qui était également présent. Benhachem semblait faire confiance à ses idées et lui déléguait facilement des tâches. Le personnel de la Mission n’a pas rencontré Ouamrou et on sait peu de choses de lui.
Conditions actuelles
15. (C) La surpopulation carcérale demeure le principal défi du système pénitentiaire marocain. Ses 59 prisons, dont beaucoup sont vétustes et mal entretenues, accueillent 60 000 détenus, soit 40 % de plus que prévu. Près de la moitié des personnes détenues sont en détention provisoire. La loi marocaine autorisant jusqu’à un an de détention provisoire et l’absence de prisons où les prévenus peuvent être séparés des condamnés, cette catégorie de détenus contribue fortement au problème de surpopulation.
16. (C) Selon l’Observatoire marocain des prisons (OMP), une organisation indépendante à but non lucratif, les plaintes des détenus pour abus ou conditions de détention inadéquates ont augmenté de 22,48 % en 2008, contre 19 % en 2007. L’OMP a reçu 520 lettres de détenus ou de leurs proches concernant des mauvais traitements, de mauvaises conditions de détention, la malnutrition, le manque de soins médicaux, des agressions sexuelles et des violences. Le rapport de l’OMP a établi un lien direct entre 18 décès et les conditions de détention inadéquates et la violence des détenus, résultant de la surpopulation, et a fait état de plus de 100 décès de détenus au total. L’OMP a également vivement critiqué les mauvaises conditions de travail des 5 228 gardiens du système, dont la plupart ne gagnent que 240 dollars par mois. Dans des déclarations à la presse, Abderrahim Jamai, membre du conseil d’administration de l’OMP, a déclaré que les tentatives de l’organisation de soulever des questions préoccupantes auprès de Benhachem avaient été repoussées et que leurs lettres à la DGAP étaient restées sans réponse.
17. (C) Hilmi, de la DGAP, a rétorqué publiquement que les cas de violence avaient diminué de 12 % en 2008 par rapport à la période 2003-2007. Dans une autre déclaration, Benhachem a déclaré que le taux de mortalité des détenus en 2008, bien qu’élevé, était inférieur à celui de l’année précédente (125 décès), et se situait dans les normes pour un système pénitentiaire de cette taille. Il a ajouté que 32 % des cas de mortalité étaient dus à des maladies chroniques et que 66 % des décès de détenus étaient enregistrés à l’hôpital. Benhachem a indiqué qu’il y avait un suicide tous les deux mois en 2008.
Statut des prisonniers islamistes
18. (C) La majorité des détenus salafistes ou liés au terrorisme sont incarcérés dans les prisons de Tétouan, Salé et Aïn Sebaâ, près de Casablanca. Bien qu’ils ne bénéficient plus des larges privilèges dont ils bénéficiaient autrefois, ils ont, comme la plupart des détenus, facilement accès aux téléphones portables et aux produits de contrebande introduits clandestinement lorsque des membres de leur famille leur apportent de la nourriture. Le 29 janvier, l’ambassade a reçu une lettre de Reda Ben Othman, un « détenu musulman de la prison locale d’Aïn Sebaâ ». Il alléguait que lui et ses codétenus religieux subissaient encore « des agressions et des tortures » de la part des autorités en raison de leurs convictions.
Il existe une ONG officiellement reconnue, « Anassir » (victoire), qui défend les prisonniers individuellement ou collectivement. En 2007, une photographie d’un policier frappant l’épouse d’un prisonnier salafiste lors d’une manifestation d’Anassir a été diffusée sur les sites web d’Al-Qaïda, accompagnée de menaces contre les autorités marocaines perfides. Benhachem aurait dispersé certains prisonniers salafistes, mais la plupart restent concentrés dans quelques prisons de haute sécurité.
Plan d’action
19. (C) Dans un discours prononcé lors d’un atelier national sur la mise en œuvre de la Convention internationale contre la torture (CIAT) au Maroc, Benhachem a déclaré que l’harmonisation de la législation marocaine avec la CIAT était dans l’intérêt de la société et que la protection des droits de l’homme était un aspect central de son mandat. Il a déclaré avoir émis des directives sur le respect des droits à l’intention de tous les membres du personnel et n’hésiterait pas à sanctionner les contrevenants. Il a également encouragé l’ensemble du personnel du secteur de la sécurité à respecter l’esprit et la lettre des lois et des accords. Depuis sa nomination, Benhachem a suspendu ou licencié cinq directeurs de prison et plus de 20 gardiens et fonctionnaires pour manquement au devoir ou faute professionnelle.
20. (C) Lors de l’atelier de l’ICAT, Benhachem a indiqué qu’une allocation spéciale de 240 millions de dirhams (30 millions de dollars américains) était utilisée pour achever la construction de six nouvelles prisons au cours du premier semestre 2009. Il a ajouté que les rénovations des « prisons prioritaires » d’Oukacha à Casablanca et de Kénitra étaient bien avancées. Cet investissement, a-t-il expliqué, permettrait d’augmenter l’espace de vie des détenus de 1,6 mètre par personne à trois mètres (Note : les normes internationales exigent neuf mètres. Note finale.) Les nouvelles installations comprendront des espaces destinés à la formation et à l’accompagnement renforcés des détenus. Benhachem a indiqué que la DGAP commencerait à recruter 6 000 gardiens supplémentaires en 2012.
21. (C) En matière de services de santé, Benhachem a indiqué que la DGAP emploie directement 107 médecins généralistes et dispose d’un grand nombre de médecins spécialistes sous contrat pour prodiguer aux détenus des soins complémentaires en fonction de leurs besoins. Selon Benhachem, la DGAP a également augmenté les dépenses médicales par personne, de moins de 0,01 USD à 0,50 USD par jour.
22. (C) Dans le cadre d’une stratégie à long terme visant à réduire la surpopulation carcérale et à proposer des programmes de réinsertion incitatifs, le gouvernement marocain, sous la direction du ministère de la Justice, révise actuellement le code pénal afin de permettre la libération conditionnelle et la libération conditionnelle des condamnés. La législation actuelle ne prévoit pas une telle disposition ; les détenus doivent donc soit purger l’intégralité de leur peine, soit espérer bénéficier d’une grâce royale. Certains prisonniers condamnés pour terrorisme ont bénéficié d’une libération anticipée grâce à des grâces, parfois grâce à une vaste campagne de grâce après les attentats de Casablanca de 2003. Benhachem et Abdenabaoui, du ministère de la Justice, ont chacun déclaré à EmbOffs que la création d’un système de libération conditionnelle et de probation est un aspect crucial de la réforme pénitentiaire au Maroc. Abdenabaoui, qui serait investi de l’autorité du ministère de la Justice sur toute structure de libération conditionnelle, a officieusement sollicité l’aide du gouvernement américain pour la mise en place d’un tel système en 2007, 2008 et 2009.
Abdelaziz Nouyaidi, président de l’ONG Adala (Justice), a déclaré à EmbOffs en avril que le gouvernement du Mozambique n’avait pas encore invité la société civile à commenter le projet de code pénal et qu’il jouait ses cartes près de la poitrine.
Partenaires et autres acteurs
23. (C) Le principal acteur œuvrant sur les questions de réinsertion et de correction en dehors de la DGAP est la Fondation Mohammed VI pour la Réinsertion. Fondée en 2002 avec un fort soutien royal, cette fondation privée, financée par le gouvernement du Maroc, vise à piloter les efforts visant à améliorer la réforme professionnelle et éducative dans les prisons. Supervisée par un conseil d’administration composé de militants des droits de l’homme et de dirigeants du secteur privé, la Fondation a élaboré un plan visant à offrir une formation professionnelle à 26 570 détenus (dont 11 % de femmes) entre 2008 et 2012. Elle a également créé des centres d’accompagnement post-libération destinés à faciliter la transition vers la liberté.
24. (C) D’autres partenaires potentiels incluent :
– L’Observatoire des prisons marocaines (mentionné précédemment). L’OMP a bénéficié de la première assistance pénitentiaire financée par le gouvernement américain au Maroc, initialement en 2006, grâce à une subvention du Bureau de la démocratie, des droits de l’homme et du travail pour l’assistance technique à cette organisation de la société civile de défense des droits de l’homme, puis, en 2008, grâce à une modeste subvention de 80 000 dollars américains provenant du Fonds de lutte contre le terrorisme (S/CT) administré par l’Initiative de partenariat pour le Moyen-Orient (MEPI) ;
– Relais Prison, une organisation de travail social dirigée par Fatna Elbouih, une ancienne prisonnière politique éminente, qui travaille avec les détenus sur des questions de formation professionnelle, de santé et de conseil ;
– Association Annasir (ou Al Nasir), organisation de soutien et de défense des prisonniers islamistes ;
– D’autres petites ONG, dont une au Sahara occidental, soutiennent le bien-être et l’éducation des prisonniers ;
– L’Ambassade de Belgique, qui travaille avec les prisonniers libérés ;
– L’ambassade britannique, qui finance un programme de formation à la médiation dans les prisons par l’intermédiaire de l’ONG américaine Search for Common Ground et a financé dans le passé des programmes de développement de programmes à l’Académie de formation de la DGAP à Ifrane ;
– L’ambassade du Danemark, qui finance un programme de formation professionnelle agricole dans une prison à sécurité minimale du centre du Maroc ; et
– L’Union européenne, qui a manifesté son intérêt à travailler sur les questions pénales au Maroc.
25. (C) Commentaire : Bien qu’il maintienne une ligne de conduite résolument axée sur la sécurité, Benhachem semble avoir quelque peu apaisé ceux qui craignaient qu’il ne se concentre uniquement sur les murs et les gardes, sans se préoccuper de la réhabilitation ou de la réforme. Une fois le contrôle établi, il semble prêt à engager le dialogue avec les donateurs. Compte tenu de son manque apparent de confiance quant aux motivations du gouvernement américain à financer des programmes pénitentiaires, il serait judicieux d’avancer lentement et de ne collaborer étroitement que si des fonds identifiables sont déjà disponibles pour un programme pouvant être mis en œuvre avec la contribution de la DGAP. À l’inverse, une assistance au ministère de la Justice, avec lequel nos relations sont bonnes et se développent, pour la révision du code pénal et la mise en place de programmes de libération conditionnelle pourrait constituer une première étape plus facile et moins controversée vers l’instauration d’une confiance et d’une programmation plus larges. La Mission a également sollicité un financement de Washington pour une approche plus globale et à plus long terme, notamment au titre de l’article 1207 et/ou du MEPI, qui se concentrerait également sur la préadmission, les conditions de détention et le soutien essentiel à la réinsertion sociale des personnes purgées. Fin du commentaire.
#Maroc #Prisons #Wikileaks #Benhachem #Salafistes
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