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Sahara Occidental : Le Fardeau du Maroc (Document déclassifié de la CIA)

Les 3 000 à 5 000 combattants du POLISARIO exploitent les avantages tactiques du terrain désertique faiblement peuplé et, bien qu’ils ne puissent probablement pas chasser l’armée marocaine du Sahara occidental, ils peuvent néanmoins rendre le coût de son maintien inacceptable pour le Maroc.

Une évaluation du renseignement
Les recherches pour ce rapport ont été achevées le 23 mars 1979.

Principaux Jugements

Le Maroc a perdu l’initiative dans son effort pour maintenir son emprise sur l’ancien Sahara espagnol face au harcèlement incessant des guérilleros du Front POLISARIO. La dynamique du conflit tourne en faveur du POLISARIO, et nous ne pensons pas que le Maroc puisse inverser cette tendance tant que le flux d’approvisionnement militaire en provenance d’Algérie se poursuit et que le sanctuaire algérien pour les guérilleros du POLISARIO est maintenu. Les problèmes du Maroc se sont aggravés avec le retrait de la Mauritanie des combats, permettant aux guérilleros de concentrer leurs offensives contre le secteur du Sahara occidental administré par le Maroc.

Les 3 000 à 5 000 combattants du POLISARIO exploitent les avantages tactiques du terrain désertique faiblement peuplé et, bien qu’ils ne puissent probablement pas chasser l’armée marocaine du Sahara occidental, ils peuvent néanmoins rendre le coût de son maintien inacceptable pour le Maroc.

Le roi Hassan a gagné un soutien populaire grâce à l’annexion en 1975 de la partie marocaine du Sahara occidental, mais depuis, le coût en vies humaines et en ressources est devenu un handicap politique. Un règlement politique est urgent, mais s’il devait renoncer à ses revendications, il perdrait un prestige considérable—et possiblement son trône.

La nouvelle direction algérienne n’a pas dévié de l’engagement du défunt président Boumédiène en faveur du nationalisme sahraoui. L’Algérie refuse toujours de reconnaître les annexions marocaine et mauritanienne et continue d’offrir au POLISARIO un refuge et un soutien matériel. Il semble peu probable qu’un règlement négocié de ce conflit puisse intervenir sans une médiation extérieure.

Évolutions plausibles du conflit dans les prochaines années

Une opposition intérieure croissante à la guerre au Maroc pourrait, d’ici un an ou deux, affaiblir sérieusement la position de négociation de Hassan. En l’absence de négociations, les contraintes politiques, économiques et militaires empêcheront probablement le conflit de dégénérer en guerre conventionnelle.

Le POLISARIO continuera de se déplacer librement à travers la campagne, remportant des succès militaires occasionnels et infligeant de lourdes pertes aux forces marocaines. Certaines attaques de guérilla, notamment dans le sud du Maroc proprement dit, auront une forte valeur de propagande. De leur côté, les forces mauritaniennes continueront d’honorer leur cessez-le-feu avec les guérilleros et pourraient même se retirer totalement de leur secteur.

Forts de leurs succès sur le champ de bataille, l’Algérie et le POLISARIO pourraient être de moins en moins enclins à faire des compromis. Un règlement politique exigerait probablement que le Maroc reconnaisse l’autodétermination sahraouie et concède des territoires à un nouvel État sahraoui.

Si un mini-État sahraoui était créé dans le secteur mauritanien, cette configuration serait instable. Les dirigeants du POLISARIO considèreraient ce mini-État comme une zone libérée à partir de laquelle ils poursuivraient leur insurrection au Sahara marocain. Ils se tourneraient vers l’Algérie pour un soutien militaire en cas de menace marocaine.

La plupart des pays n’ont pas reconnu le partage du Sahara entre le Maroc et la Mauritanie, et le gouvernement en exil du POLISARIO gagnera progressivement en reconnaissance internationale.

Conclusion

Cette étude examine les principaux développements survenus depuis la publication du Mémorandum Inter-agences de Renseignement sur le Conflit au Sahara occidental, notamment les changements de leadership en Algérie et en Mauritanie, ainsi que le retrait de la Mauritanie du conflit.

Les attaques coûteuses et embarrassantes des guérilleros du POLISARIO basés en Algérie semblent devoir se poursuivre, et le roi Hassan pourrait être contraint d’adopter une politique plus agressive envers l’Algérie. Compte tenu du déséquilibre militaire, très défavorable au Maroc, Hassan limitera probablement les opérations transfrontalières à des raids commandos minimisant les risques de représailles majeures de la part des forces régulières algériennes, mais offrant également peu d’espoir de ralentir l’insurrection.

Après plus de trois ans de conflit, la capacité militaire du Maroc à mener une guerre efficace contre la guérilla s’est sérieusement dégradée. Les forces marocaines adoptent de plus en plus une posture défensive et montrent peu de capacité à détecter et répondre aux concentrations de forces du POLISARIO. D’autres facteurs contribuant à l’inefficacité marocaine incluent des défaillances en matière de maintenance, un manque de pièces détachées, une mauvaise gestion du renseignement et de la sécurité, des erreurs de commandement et un moral en berne.

Les forces du POLISARIO sont bien armées et bien approvisionnées. Elles n’ont pas encore tenté d’occuper et de tenir un territoire, préférant opérer à partir de bases en Algérie et ainsi priver les forces marocaines supérieures en nombre d’une cible fixe. Le POLISARIO espère probablement qu’une guerre de guérilla prolongée finira par forcer Rabat à accepter un règlement politique menant à la création d’un État sahraoui indépendant.

Avantages et Limitations Militaires du POLISARIO

Les guérilleros continuent de tirer parti de leur capacité à se déplacer pratiquement à leur guise dans le sud du Maroc, en Mauritanie et au Sahara occidental. Ils ont également bénéficié du coup d’État du 10 juillet en Mauritanie, qui a conduit à un cessez-le-feu en Mauritanie et dans la section du Sahara contrôlée par la Mauritanie, leur permettant ainsi d’améliorer leurs capacités logistiques grâce à l’établissement de nouveaux camps de base. Depuis le coup d’État en Mauritanie, les pertes marocaines ont augmenté pour atteindre environ 100 hommes tués par mois. Les troupes marocaines basées en Mauritanie ne devraient pas mener d’opérations offensives contre les forces du POLISARIO.

Le POLISARIO ne dispose pas d’une base démographique suffisante pour mener une autre stratégie que la guérilla. Son objectif n’est pas de vaincre les Marocains militairement, mais de les contraindre à négocier ou à se retirer. Les forces de guérilla dépendent principalement de l’aide militaire de l’Algérie, et dans une moindre mesure de la Libye, pour maintenir la pression actuelle sur les troupes marocaines. Si ces approvisionnements venaient à être réduits ou interrompus, les opérations du POLISARIO devraient être considérablement revues à la baisse. La perte du soutien militaire algérien ne signifierait pas la fin de la résistance du POLISARIO, mais elle réduirait probablement l’intensité du conflit à un niveau que les forces marocaines pourraient contenir.

Orientation Politique du Front POLISARIO

Le Front POLISARIO (Front Populaire pour la Libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro) a été formé en mai 1973 par d’anciens membres de son prédécesseur, le Front de Libération du Sahara, un mouvement de guérilla opposé au contrôle espagnol du territoire. L’objectif du POLISARIO, énoncé lors de son deuxième congrès en 1974, est l’établissement d’une république arabe indépendante, non alignée et socialiste. Dans leur lutte pour l’indépendance, les militants du POLISARIO ont mobilisé et politisé un grand nombre de Sahraouis et mené une campagne de relations publiques efficace. Plus important encore, avec un fort soutien algérien, le POLISARIO est passé en cinq ans d’un groupe insignifiant de combattants à une force bien organisée et équipée, qui a chassé la Mauritanie de la guerre et contraint le Maroc à adopter une posture défensive. Il est devenu une force politique et militaire relativement autonome qui devra être prise en compte dans tout futur règlement du conflit saharien.

La majorité des partisans du POLISARIO sont des membres de la tribu des Rguibats, probablement le groupe sahraoui le plus puissant. Traditionnellement nomades, ils parcourent à dos de chameau de vastes étendues du nord-ouest de l’Afrique. Ils sont connus pour leur férocité, leur fierté et leur habileté au maniement des armes, et dominent depuis longtemps la partie orientale du territoire.

Les informations fragmentaires sur la direction du POLISARIO permettent de tirer quelques conclusions provisoires sur son orientation politique, son idéologie et ses objectifs. Les figures clés sont de jeunes hommes d’une trentaine d’années, déterminés à se battre aussi longtemps que nécessaire pour obtenir l’indépendance. Le Front ne semble pas lié à une idéologie unique, mais représente une coalition de factions aux orientations politiques diverses.

L’idéologie dominante au sein de la direction du POLISARIO semble être le nationalisme arabe. Le secrétaire général Mohamed Abdelaziz et la plupart des dirigeants influents du POLISARIO mettent en avant un socialisme arabe non marxiste, l’unité, la lutte pour l’indépendance et le nationalisme comme principaux piliers de leur combat. Ils prônent une approche militaire intransigeante comme seul moyen efficace d’atteindre l’indépendance.

D’autres figures du POLISARIO sont associées à différentes tendances idéologiques : certaines sont pro-algériennes et non marxistes, d’autres pro-algériennes et marxistes, et d’autres encore pro-libyennes. Peu de dirigeants du POLISARIO semblent être des marxistes convaincus. Certains leaders du mouvement sont nés en Mauritanie et entretiennent des liens étroits avec une faction militante de la direction mauritanienne alignée sur l’Algérie.

Le Front POLISARIO s’est concentré sur le renforcement de sa légitimité politique tout en poursuivant ses opérations de guérilla contre le Maroc et, jusqu’en juillet dernier, contre la Mauritanie. En février 1976, le POLISARIO a annoncé la création de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD), qui fonctionne en pratique comme un gouvernement en exil. La RASD est dotée d’un cabinet restreint composé de figures peu connues et d’un conseil législatif, mais le Front POLISARIO demeure l’autorité dominante. Un Comité Exécutif de neuf membres est officiellement l’organe exécutif, mais il est probable qu’un Conseil de Commandement Révolutionnaire—peut-être une fusion des ailes politique et militaire du mouvement—soit le véritable centre de pouvoir. Il pourrait également exister d’autres instances influentes représentant des groupes d’intérêt spécifiques, comme les commandants des unités combattantes basées à Tindouf.

Dix-neuf gouvernements reconnaissent la République Arabe Sahraouie Démocratique. Huit d’entre eux, dont le Vietnam et l’Éthiopie, ont accordé leur reconnaissance au cours des treize derniers mois, ce qui suggère que la diplomatie du Front gagne du terrain. La décision du Maroc, en mars, de refuser toute discussion ultérieure sur la question du Sahara dans les forums internationaux renforcera inévitablement la position du POLISARIO. La rupture des relations diplomatiques entre Rabat et Alger en mars 1976 a dissuadé certains États, attachés à leurs relations avec le Maroc, de reconnaître le gouvernement sahraoui en exil. Parmi les États arabes, seul le Yémen du Sud a suivi l’Algérie en reconnaissant la RASD.

La direction du POLISARIO est politiquement proche de l’Algérie, avec qui elle partage l’objectif commun d’affaiblir le Maroc. Toutefois, ce lien ne doit pas occulter le fait que les nationalistes sahraouis poursuivent leurs propres intérêts et objectifs et ne sont pas de simples marionnettes d’Alger.

Un État sahraoui indépendant établirait des liens étroits avec l’Algérie et la Libye—cette dernière étant probablement son deuxième plus important soutien—et dépendrait fortement d’eux pour son assistance financière. Un nouveau régime sahraoui adopterait probablement un système politique et économique socialiste arabe, chercherait à entretenir des relations étroites avec les États progressistes du Tiers-Monde et adopterait une posture non alignée. Les dirigeants du POLISARIO conserveraient probablement un intérêt pour une relation avec les États-Unis, semblant apprécier la politique américaine consistant à refuser de fournir des armes au Maroc pour son usage au Sahara.

Les dirigeants d’un Sahara occidental indépendant—bien que vraisemblablement socialistes—ne seraient probablement pas orientés vers Moscou. Toutefois, ils pourraient être sensibles aux tentatives de l’Union soviétique et de Cuba d’exercer une influence locale. L’URSS, Cuba et d’autres États communistes apportent actuellement un soutien politique et non militaire limité à la cause du POLISARIO. Cela pourrait constituer une opportunité pour une pénétration communiste dans un nouvel État sahraoui. Toutefois, les Soviétiques et les Cubains pourraient avancer prudemment, de peur de provoquer des tensions dans leurs relations avec Alger et Rabat.

La Mauritanie se Retire

Coup d’État et Désengagement

Le coup d’État militaire en Mauritanie du 10 juillet 1978 a mis fin à 18 ans de règne de Mokhtar Ould Daddah et a porté au pouvoir un gouvernement déterminé à mettre fin à l’implication mauritanienne dans le conflit du Sahara occidental.

La décision de s’allier au Maroc pour se partager l’ancienne colonie espagnole s’est avérée fatale pour le gouvernement d’Ould Daddah. Le président algérien Houari Boumédiène avait averti Daddah en novembre 1975 que s’aligner sur le Maroc causerait sa perte. Au fur et à mesure du déroulement du conflit en 1976, le Front POLISARIO a redirigé ses attaques vers la Mauritanie, considérée comme le maillon le plus faible de ses deux adversaires. La pression incessante des guérilleros sur les forces mauritaniennes, mal entraînées et mal équipées, a fini par briser leur volonté de se battre.

Le nouveau gouvernement militaire, dirigé par le président Mohamed Mahmoud Ould Louly, s’est de fait déjà retiré de la guerre et semble déterminé à sortir totalement la Mauritanie du conflit. La Mauritanie a œuvré pour préserver un cessez-le-feu que les guérilleros ont déclaré unilatéralement en juillet dernier, peu après le coup d’État. Les dirigeants de Nouakchott ont fait de la paix définitive au Sahara occidental leur objectif principal, bien que de nombreux facteurs clés échappent à leur contrôle.

En avançant prudemment pour ne pas heurter Rabat, les Mauritaniens ont multiplié les contacts avec l’Algérie, le Front POLISARIO et plusieurs médiateurs potentiels, dont la France, la Libye et le Mali. Depuis le début de l’année, face à l’impatience croissante du POLISARIO, la Mauritanie s’est progressivement rapprochée d’un retrait unilatéral du Sahara. Les déclarations publiques et privées des responsables mauritaniens indiquent que Nouakchott :

-Accepte le principe de l’autodétermination sahraouie.

-Serait d’accord pour un référendum sous l’égide de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) ou de l’ONU.

-Reconnaît tacitement le contrôle du POLISARIO sur la partie mauritanienne du Sahara occidental.

Les guérilleros, encouragés par leurs récents succès militaires, exigent davantage. Ils estiment qu’un accord portant uniquement sur la portion mauritanienne du territoire affaiblirait leur revendication d’un État indépendant englobant l’ensemble du Sahara occidental. Ils auraient menacé de reprendre les attaques contre des cibles mauritaniennes si Nouakchott refuse de se plier à leur ultimatum, qui exige :

-Une déclaration publique de la Mauritanie annonçant qu’elle cède son secteur du Sahara occidental au Front POLISARIO.

-Le retrait des forces mauritaniennes du Sahara occidental.

-La reconnaissance diplomatique de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) par la Mauritanie.

Début mars, les négociations entre la Mauritanie, l’Algérie et les guérilleros semblaient être dans une impasse.

Relations Tendues avec le Maroc

Les efforts de la Mauritanie pour se rapprocher de l’Algérie et du Front POLISARIO ont tendu ses relations avec Rabat. Cette situation résulte d’une stratégie délibérée de l’Algérie et des guérilleros, qui exploitent chaque occasion pour creuser un fossé entre Rabat et Nouakchott.

L’incapacité évidente de la Mauritanie à poursuivre son rôle dans ce conflit coûteux a encouragé le Maroc à réévaluer sa position et à envisager une solution politique plutôt que militaire. Rabat et Nouakchott s’accordent désormais sur la nécessité d’un règlement négocié, mais ils divergent sur la manière de procéder, et le Maroc reste beaucoup plus exigeant sur les conditions. Le roi Hassan II reconnaît qu’une réaction trop sévère contre les tentatives mauritaniennes de paix pourrait se retourner contre lui et pousser Nouakchott à renoncer totalement à ses revendications sur sa portion du Sahara occidental, ce qui isolerait davantage Rabat sur la scène internationale. À court terme, la Mauritanie continuera probablement à faire pression sur le Maroc pour qu’il adopte une approche plus souple en matière de négociations, en échange de la garantie de Nouakchott de ne pas conclure un accord séparé avec le POLISARIO.

La principale contrainte qui limite la liberté d’action de la Mauritanie dans la recherche d’un règlement unilatéral est la présence sur son territoire de 6 000 à 8 000 soldats marocains, déployés en 1975-76 à la demande du gouvernement d’Ould Daddah. Après le coup d’État, le nouveau gouvernement mauritanien a demandé leur retrait. Le roi Hassan II y a consenti à contrecœur, apparemment convaincu que le coût politique international d’un maintien forcé de ses troupes en Mauritanie serait trop élevé.

Les Impératifs Économiques

Du point de vue de Nouakchott, la reprise des hostilités serait une catastrophe économique. La décision de la Mauritanie de se retirer du conflit saharien est en grande partie due à l’aggravation de sa situation économique. La guerre a exercé une pression considérable sur le budget ces deux dernières années, malgré une aide financière de 400 millions de dollars fournie par l’Arabie saoudite, le Koweït et d’autres pays. Durant cette période, environ 60 % du budget a été consacré aux dépenses militaires, tandis que les dépenses civiles ont été réduites d’au moins 20 %.

La guerre a durement frappé les revenus en devises étrangères de la Mauritanie. L’année dernière, les attaques répétées des guérilleros contre la ligne ferroviaire reliant les mines de fer de Zouérat au port de Nouadhibou ont considérablement réduit les exportations de minerai de fer. Combinée à la baisse des prix du fer sur le marché mondial, cette situation a affecté les recettes en devises étrangères. En 1977, les revenus d’exportation du minerai de fer ont été inférieurs de 1,27 million de dollars à la moyenne des quatre années précédentes.

Bien qu’un règlement du conflit saharien améliorerait les perspectives économiques de la Mauritanie à long terme, plusieurs facteurs empêchent une reprise rapide. Le prix du fer, qui représente 86 % des exportations mauritaniennes, est en baisse sur les marchés mondiaux et ne devrait pas remonter à court terme. La Mauritanie devra donc diversifier ses exportations et encourager davantage la participation du secteur privé, aussi bien étranger que national, dans ses projets de développement. L’Arabie saoudite et d’autres États arabes riches resteront des sources essentielles d’investissements et d’aide financière.

Vue d’Alger

La Position du Nouveau Régime Face au Conflit

Le soutien au Front POLISARIO ne faiblit pas sous le nouveau gouvernement algérien dirigé par Chadli Bendjedid, élu président le 7 février. Il est désormais évident que l’appui de l’Algérie au POLISARIO avant la mort du président Houari Boumédiène relevait à la fois d’une politique gouvernementale et d’un engagement personnel de Boumédiène.

La nouvelle direction a souligné la continuité avec la politique saharienne de Boumédiène, ce qui implique un soutien aux objectifs du POLISARIO. L’inflexibilité de l’Algérie quant à un compromis permettant au Maroc de sauver la face s’explique par des dynamiques internes de pouvoir. Le président Bendjedid ne jouit pas de l’autorité incontestée de Boumédiène et dépend du soutien de l’armée. Tant que les rapports de force ne seront pas clarifiés, Bendjedid et ses soutiens militaires s’en tiendront probablement à la ligne saharienne de Boumédiène afin d’éviter de donner à d’éventuels rivaux des ouvertures exploitables.

L’Algérie ne revendique aucun territoire au Sahara, mais elle a toujours affirmé être une partie prenante ayant des intérêts politiques et sécuritaires à défendre. Fidèle à son image soigneusement entretenue d’acteur anticolonialiste, l’Algérie a publiquement soutenu un référendum d’autodétermination pour le peuple sahraoui.

Cependant, la position algérienne est plus complexe. Le Sahara occidental n’est qu’un aspect des relations plus larges entre l’Algérie et le Maroc et de la stabilité du Maghreb. Alger s’oppose à l’annexion marocaine du nord du Sahara, riche en phosphates, car cela pourrait affaiblir la position dominante de l’Algérie en Afrique du Nord-Ouest. La divergence idéologique entre l’Algérie socialiste et la monarchie traditionnelle marocaine a intensifié leur rivalité géopolitique. De plus, la crainte d’un Maroc irrédentiste, qui a récemment réclamé une partie du territoire algérien, ainsi que le souvenir de la guerre frontalière de 1963, restent vivaces.

Perspectives d’un Règlement Pacifique

L’Algérie jouera un rôle crucial dans toute tentative de règlement négocié du conflit du Sahara occidental. Elle est la seule à pouvoir convaincre les guérilleros de s’asseoir à la table des négociations. Alger fournit au Front POLISARIO un soutien militaire vital – sanctuaire, armes et formation – sans lequel la capacité de combat des guérilleros serait gravement affaiblie.

Il y a peu de chances qu’Alger réduise son soutien aux guérilleros pour les forcer à accepter un règlement qui ne garantirait pas l’autodétermination sahraouie. L’Algérie n’a en effet aucun intérêt à abandonner une politique qui affaiblit son rival régional à un coût relativement faible.

Alger ne sera probablement intéressée par un compromis que si Rabat accepte de discuter de l’autodétermination du Sahara. Les dirigeants algériens ne pousseront vraisemblablement pas le POLISARIO à accepter un cessez-le-feu ou des négociations tant qu’ils n’auront pas consolidé une position militaire avantageuse.

Les dirigeants algériens n’ont aucun intérêt à sortir Hassan d’une guerre qui devient un fardeau politique de plus en plus lourd pour lui. Ils préféreraient voir l’armée marocaine empêtrée dans une insurrection longue et coûteuse, dans l’espoir qu’un coup d’État militaire, mené par des officiers fatigués de la guerre et mécontents de la détérioration économique du Maroc, renverse Hassan. La fin de la dynastie alaouite serait perçue par Alger comme un moyen d’écarter définitivement les ambitions marocaines de domination en Afrique du Nord et de renforcer la prééminence algérienne dans la région.

Le Faible Coût de la Guerre pour Alger

L’Algérie peut maintenir son engagement envers le POLISARIO à un coût relativement faible. Elle fournit actuellement un financement, une aide militaire, un soutien logistique et un refuge pour les combattants du POLISARIO ainsi que pour 20 000 à 40 000 réfugiés près de Tindouf. Le financement de l’insurrection n’a pas constitué une charge significative pour les ressources algériennes et n’a pas entravé les efforts de développement économique, qui restent la priorité absolue du pays.

La part du budget algérien consacrée à la défense nationale est passée de 14 % en 1976 à 10 % en 1978, soit 469 millions de dollars. Il n’est pas certain que ces chiffres incluent l’aide au POLISARIO, mais dans tous les cas, ces dépenses restent modestes, car les guérilleros ne reçoivent que des armes légères, des munitions et du matériel léger.

Les Options Limitées du Maroc

Répercussions Politiques

La stabilité du régime du roi Hassan est étroitement liée à l’issue de son aventure saharienne. Il a engagé son prestige personnel dans cette politique. Son succès initial en 1975, lorsqu’il a forcé l’Espagne à céder sa province saharienne au Maroc et à la Mauritanie, avait renforcé son image, mais l’enthousiasme a diminué face à l’enlisement militaire et à l’augmentation des coûts.

Malgré les revers militaires, la direction marocaine considère toujours l’annexion du Sahara comme un enjeu vital, tant sur le plan politique interne que stratégique national. Hassan lie l’absorption du Sahara occidental à sa capacité à rivaliser avec son principal adversaire géopolitique, l’Algérie. Ayant mis en jeu son propre prestige, il risquerait de perdre un soutien intérieur considérable – et peut-être même son trône – s’il revenait sur les revendications marocaines.

L’objectif du roi d’intégrer le nord du Sahara occidental comme partie intégrante du Maroc est populaire, mais son incapacité à obtenir des résultats ne l’est pas. Le conflit persistant pour le contrôle du Sahara occidental, riche en ressources minières, est devenu sa principale préoccupation. Les plaintes des citoyens marocains sur le coût de la guerre et celles des étudiants sur les sacrifices imposés pour conserver le Sahara se sont multipliées. La réaction modérée du roi à un raid du POLISARIO fin janvier contre la ville marocaine de Tan-Tan – bien qu’elle ait été destinée à maintenir la porte ouverte aux négociations – a été largement critiquée et a renforcé l’image d’un souverain faible et indécis.

Le principal facteur qui limite Hassan dans son maintien au pouvoir est la loyauté de l’armée. Cette loyauté ne peut être tenue pour acquise, car les leaders des tentatives de coups d’État de 1971 et 1972 étaient issus du haut commandement militaire. Comme leurs homologues civils, les officiers militaires soutiennent l’annexion du Sahara, mais ils sont de plus en plus frustrés par une guerre de guérilla interminable. L’enlisement des troupes dans un conflit sans issue, dans les conditions difficiles du Sahara, s’ajoute à d’autres problèmes de moral – discipline déficiente, leadership médiocre et logistique insuffisante.

Les Perspectives d’un Règlement Politique

Les options de Hassan pour résoudre un conflit qui dure depuis trois ans tout en maintenant son pouvoir sont extrêmement limitées. L’armée marocaine a démontré son incapacité à contrôler l’insurrection et perd progressivement du terrain face aux guérilleros. Hassan comprend qu’un règlement politique est sa seule issue, mais il est difficile d’imaginer des négociations fructueuses, compte tenu de l’intransigeance de ses adversaires et de leur manque d’incitation à faire des concessions.

La capacité de Hassan à obtenir un règlement politique repose sur une perception commune par toutes les parties qu’une solution militaire est impossible et sur la volonté du Maroc d’accepter des concessions territoriales jusque-là inacceptables. Or, l’Algérie et le POLISARIO semblent de plus en plus convaincus qu’une victoire militaire est envisageable. La réaction froide du nouveau gouvernement algérien à l’appel à la paix du ministre marocain des Affaires étrangères, dans une lettre ouverte du 1er février, ne laisse rien présager de bon pour une résolution négociée à court terme.

Les Contraintes Économiques

Les malheurs du régime militaire marocain se conjuguent avec des problèmes internes de plus en plus pressants, ce qui encourage l’opposition intérieure et affaiblit la position du roi. En l’absence d’une solution politique, les compétences politiques du roi seront sévèrement mises à l’épreuve dans l’année à venir.

À un moment donné, Hassan pourrait conclure que les risques liés à la poursuite de la politique actuelle l’emportent sur ceux d’un changement de cap. Avec la coopération de l’armée ou sous contrainte, il pourrait finalement tenter une initiative audacieuse, y compris des concessions majeures, pour sortir de cette situation de plus en plus contraignante.

Contraintes Économiques

Il est peu probable que l’aventure saharienne détourne l’opinion publique des problèmes économiques chroniques du Maroc, tels que le chômage, l’inflation et les salaires déprimés, qui provoquent des troubles sociaux. Le conflit du Sahara occidental a contribué à un net ralentissement de la croissance économique marocaine depuis fin 1977, après cinq années d’expansion. D’autres facteurs ayant contribué au ralentissement économique sont la baisse des prix des phosphates – le principal produit d’exportation du Maroc – et les restrictions imposées par la Communauté Européenne sur d’autres exportations marocaines, comme les textiles.

La situation économique globale du Maroc en 1979 semble considérablement moins favorable qu’il y a deux ans. Les réserves de devises ont chuté de manière importante depuis la mi-1977. Rabat a été contraint de recourir à un emprunt extérieur de grande envergure pour financer une version réduite d’un ambitieux programme de développement lancé en 1975. La dette extérieure du Maroc a augmenté d’environ 50 % pour atteindre 4 milliards de dollars en 1977 et, en septembre 1978, elle avoisinait les 5 milliards de dollars.

Les dépenses considérables pour les opérations militaires au Sahara occidental ont aggravé les problèmes budgétaires. Bien qu’un budget de défense financé par des fonds étrangers — 800 millions de dollars venant uniquement d’Arabie Saoudite — ait couvert une grande partie des dépenses jusqu’en 1977, il existe des coûts indirects importants qui sont à la charge du Maroc. On estime qu’environ 40 % du budget du Maroc en 1978, qui s’élevait à 4,3 milliards de dollars, a été consacré à des dépenses militaires, et cette proportion pourrait être similaire cette année.

Les problèmes financiers du Maroc ont atteint des proportions de crise après la coupure des aides saoudiennes au début de 1978. Depuis lors, le fardeau de la guerre saharienne et du programme de modernisation militaire a pesé lourdement sur le Maroc. Si ce revers n’est pas surmonté, il obligera le roi Hassan à reconsidérer combien de temps le Maroc pourra financer la guerre.

Implication de Puissances Extérieures

Rôle des Soviétiques

La sympathie soviétique pour la position algérienne sur la question du Sahara est évidente. Les Soviétiques ont soutenu les appels de l’Algérie à l’ONU pour l’autodétermination du Sahara et ont collaboré avec la Libye pour soutenir l’Algérie et le POLISARIO. Moscou a, par exemple, autorisé le transfert d’armes des stocks libyens vers l’Algérie pour être utilisées dans le Sahara et dans la région frontalière. Cette méthode permet à Moscou de rester à l’écart d’une implication directe.

Le soutien indirect au POLISARIO présente plusieurs avantages pour les Soviétiques. Ils ont ainsi pu éviter de s’engager davantage dans la crise, notamment lorsqu’il y a eu des affrontements directs entre les forces algériennes/POLISARIO et les forces marocaines dans le Sahara. Les Soviétiques ont également pu éviter de s’aliéner inutilement les Marocains, avec qui ils ont négocié un important contrat impliquant des phosphates. De plus, ni les nations arabes ni africaines ne soutenaient la position algérienne, et les Soviétiques ne voulaient pas être publiquement identifiés avec une cause impopulaire.

Les Soviétiques ont des programmes d’assistance militaire de longue date et en expansion, un programme substantiel d’aide économique et des liens commerciaux importants avec l’Algérie. L’intégration de l’équipement militaire soviétique dans les forces armées algériennes et la dépendance de l’Algérie à l’expertise technique soviétique ont conduit à un renforcement de la présence soviétique en Algérie. Actuellement, on estime qu’environ 1000 militaires soviétiques et 2500 civils se trouvent en Algérie.

Cependant, Alger a été un ami inconsistant. Elle a publiquement attaqué les ambitions soviétiques au Moyen-Orient et rejeté un rôle spécial de l’URSS parmi les non-alignés. Le président Boumédiène a périodiquement appelé au retrait des Soviétiques ainsi que des marines américaines de la Méditerranée. Les Soviétiques ont été déçus par la nomination de Chadli Bendjedid comme nouveau président algérien, préférant le coordinateur du parti Yahiaoui, qu’ils pensaient être plus enclin à favoriser des liens militaires plus étroits avec l’URSS.

Les Soviétiques ont apparemment décidé qu’ils n’avaient que peu à gagner à soutenir plus ouvertement Alger, bien qu’ils demeurent une source fiable d’approvisionnement militaire. Bien que sympathiques à l’intérêt de l’Algérie pour refuser le Sahara occidental au Maroc, Moscou est resté publiquement neutre sur la question ces dernières années et a évité de reconnaître la République Arabe Sahraouie Démocratique. Les Soviétiques ne veulent pas risquer leurs liens économiques croissants avec le Maroc et garderont probablement Alger dans l’incertitude quant au soutien soviétique en cas d’hostilités.

Les guérilleros du POLISARIO comptent actuellement peu dans les calculs soviétiques. Les Soviétiques sont sans doute conscients de la valeur potentielle du mouvement, mais ils reconnaissent que l’Algérie veut rester le principal soutien étranger du POLISARIO. Moscou ne voudrait probablement pas compromettre ses relations avec l’Algérie en cherchant à influencer les clients algériens du POLISARIO. Moscou n’a pas fourni de soutien militaire direct au POLISARIO, mais il n’a pas non plus cherché à bloquer le transfert d’armement soviétique de l’Algérie vers les guérilleros.

Les différences politiques entre le Maroc et l’URSS sur les activités soviétiques et cubaines en Afrique n’ont pas freiné la croissance des échanges commerciaux qui pourraient faire du Maroc le principal partenaire commercial de l’Union soviétique en Afrique. Les perspectives à court terme de gains politiques soviétiques au Maroc ne sont pas bonnes, mais les Soviétiques pourraient voir dans leurs relations commerciales la base d’une influence à long terme.

Les Accords Économiques et les Intérêts Soviétiques

D’une importance durable pour les deux pays, il convient de souligner l’accord d’aide économique de 2 milliards de dollars signé en mars 1978 pour le développement des gisements de phosphates de Meskala. Cet accord de 30 ans, qui pourrait atteindre 9 milliards de dollars avec les transactions commerciales et de crédit, est le plus grand accord que Moscou ait jamais négocié avec un pays du Tiers-Monde. Il souligne l’importance du programme agricole soviétique visant à développer une source de phosphates pour ce composant essentiel des engrais. Un accord de pêche a été signé le mois suivant après que Moscou ait assuré à l’Algérie que cet accord ne contenait aucune reconnaissance implicite des revendications marocaines sur les eaux territoriales du Sahara occidental. Moscou a également fourni au Maroc de petites quantités d’équipement militaire.

Si le niveau actuel des combats dans le Sahara persiste, les Soviétiques tenteront probablement de maintenir leur équilibre. Afin de réaffirmer leurs relations avec le nouveau régime à Alger, ils pourraient accélérer les livraisons d’armements à l’Algérie, mais ils coupleront probablement cela avec des efforts intensifiés pour apaiser Rabat.

Si un conflit à grande échelle éclate, les Soviétiques offriraient un soutien politique à l’Algérie et probablement feraient au moins un effort limité pour réapprovisionner les arsenaux algériens. Cela pourrait consister en quelques vols de réapprovisionnement et un flux accru de livraisons d’armements par mer. Néanmoins, Moscou n’est probablement pas disposé à soutenir une offensive militaire totale de l’Algérie contre le Maroc.

L’attitude des États-Unis vis-à-vis d’un conflit marocain-algérien aurait une grande influence sur la politique soviétique. Les Soviétiques ne considèrent pas actuellement la question du Sahara comme un affrontement entre superpuissances. Mais si les États-Unis augmentaient de manière significative les envois militaires à Rabat, les Soviétiques seraient soumis à une pression beaucoup plus forte pour répondre par un réapprovisionnement substantiel de l’Algérie.

Les Intérêts Français

Le Président Giscard, comme ses prédécesseurs, considère l’Afrique du Nord comme la sphère d’influence nationale de la France et estime que la France a une responsabilité particulière pour garantir la stabilité et préserver ses intérêts, ainsi que ceux de l’Occident, dans cette région. Une solution durable permettrait à la France de se sortir d’un conflit qui menace des intérêts français extrêmement importants, voire vitaux. Des milliers de Français vivent et travaillent dans les anciennes colonies nord-africaines, dans des postes allant de conseillers principaux et directeurs d’entreprises à mécaniciens et commis de magasin.

Paris se préoccupe principalement du fait que le gouvernement modéré du roi Hassan, qui fait face à de nombreux problèmes intérieurs et extérieurs, y compris la question du Sahara occidental, soit remplacé par un régime « progressiste » aussi difficile à traiter que l’Algérie. Bien qu’officiellement neutre dans le différend sur le Sahara occidental, la France est pro-marocaine en raison de ses intérêts économiques au Maroc, de ses relations militaires avec ce pays et de la convergence des intérêts sécuritaires français et marocains ailleurs en Afrique.

Les Français ne souhaitent pas l’élargissement des combats dans le Sahara ni un rôle militaire français accru, mais ils ont été frustrés par l’impuissance de l’armée mauritanienne qu’ils ont aidée à former pour contrôler le POLISARIO ou protéger les intérêts français en Mauritanie.

Avec les changements de gouvernement en Algérie et en Mauritanie, la France a tenté d’adopter une position plus équilibrée. Elle a agi en tant que médiateur, mais sans grand succès. Paris veut continuer à améliorer ses relations avec l’Algérie, avec laquelle elle entretient des liens commerciaux plus importants qu’avec le Maroc.

Cependant, la France a déjà démontré par le passé qu’elle était prête à risquer l’hostilité algérienne ainsi que les critiques nationales et internationales en prenant des mesures militaires contre le POLISARIO lorsqu’elle estime que ses intérêts sont menacés. En hiver 1977-78 et à nouveau en mai, la côte méditerranéenne du Maroc est convoitée par les Marocains, et Madrid craint que des frictions avec Rabat ne provoquent une « marche verte » contre les enclaves. L’Espagne est encore plus déterminée, cependant, à maintenir ses îles Canaries — où Alger a démontré sa capacité à semer des troubles parmi un petit groupe séparatiste afin de faire pression sur Madrid pour renoncer à un règlement sur le Sahara. De plus, les pêcheurs espagnols sont vulnérables aux attaques marocaines, algériennes et sponsorisées par le POLISARIO lorsqu’ils pêchent au large de la côte saharienne.

La transition vers la démocratie en Espagne a également exercé des pressions sur le gouvernement de la part des socialistes, le principal parti d’opposition, qui ont soutenu le Front POLISARIO soutenu par l’Algérie en 1977. En partie pour protéger son gouvernement des accusations de favoriser la monarchie marocaine, le Premier ministre Suarez a encouragé des contacts publics informels entre les dirigeants de son parti et le POLISARIO ; il semblait également se diriger vers un rapprochement avec l’Algérie l’automne dernier, lorsque la santé déclinante de Boumédiène a interrompu les négociations.

Déchirée par des pressions contradictoires, Madrid devrait rester à l’écart d’une implication directe dans des négociations. Le gouvernement espagnol estime que l’Espagne s’est retirée du Sahara juste à temps pour éviter une guerre coloniale et qu’il est déterminé à ne pas être réengagé dans le conflit. En cas d’hostilités entre le Maroc et l’Algérie, l’Espagne garderait ses distances, tout en offrant peut-être de servir de médiateur.

Si un règlement aboutit à la création d’un État sahraoui indépendant, Madrid offrirait probablement l’aide financière et technique limitée qu’il pourrait fournir pour soutenir le nouveau régime. Le gouvernement espagnol espérerait que ce soutien serait bien accueilli au niveau international. Le soutien espagnol à un Sahara occidental indépendant apaiserait également les sentiments de culpabilité concernant le retrait précipité des forces espagnoles au début de 1976 et pourrait faciliter l’accès espagnol aux gisements de phosphates dans le Sahara.

Aucune Solution en Vue

Il semble qu’il n’y ait guère de perspectives immédiates de solution pacifique au différend saharien, et la guerre risque de se prolonger au-delà de sa quatrième année. Les efforts sporadiques pour trouver une solution entre le Maroc et l’Algérie avaient échoué au moment du décès du président algérien Boumédiène en décembre dernier. Ni le Maroc ni l’Algérie n’ont montré jusqu’à présent de volonté de se départir de leurs positions fondamentales. Bien que les changements de gouvernement en Algérie et en Mauritanie aient pu être attendus pour briser l’impasse, le différend semble désormais encore moins facile à résoudre qu’au début de la guerre, il y a plus de trois ans.

Le blocage continu des négociations est dû à plusieurs facteurs. Les capacités militaires du POLISARIO dans le Sahara occidental croissent par rapport à celles de l’armée marocaine, de plus en plus frustrée, démoralisée et inefficace. Les succès militaires des guérilleros renforcent les Algériens dans leur politique rigide concernant le Sahara. Les Algériens ne montrent aucun signe de vouloir retirer leur soutien aux guérilleros, la seule tactique de pression qui pourrait contraindre ces derniers à accepter quelque chose de moins que l’indépendance sur l’ensemble de l’ex-Sahara espagnol. Le Front POLISARIO semble plus préoccupé par la consolidation de ses gains militaires et par le Maroc, de plus en plus isolé, que par l’élaboration d’une position de négociation.

De son côté, le roi Hassan est actuellement réticent à envisager des compromis — autodétermination et concessions territoriales — qui pourraient inciter Alger à faire pression sur les guérilleros pour adopter une posture plus flexible. Hassan continuera probablement à temporiser, espérant peut-être que des puissances extérieures — la France ou les États-Unis, par exemple — encourageront l’Algérie à modifier ses politiques. Il pourrait aussi croire qu’il a besoin d’une médiation arabe pour fournir un cadre approprié afin de rationaliser les concessions territoriales dans l’intérêt de l’unité arabe.

Les contours d’un règlement politique sont difficiles à envisager, étant donné les positions actuelles des parties, et la probabilité est élevée que l’insurrection continue à menacer la stabilité régionale pendant un certain temps.

Les Contraintes contre une Guerre Maroc-Algerie

Les attaques coûteuses et embarrassantes contre le territoire marocain par les guérilleros du POLISARIO basés en Algérie continueront sans doute, et le roi Hassan pourrait être poussé à adopter une politique militaire plus agressive envers l’Algérie. Il existe un large soutien au Maroc pour mener des frappes directes contre les sanctuaires du POLISARIO près de Tindouf en Algérie, même au risque de guerre avec l’Algérie. Des rapports occasionnels indiquent que certains membres de l’armée marocaine partagent ce sentiment, bien que la supériorité de l’équipement militaire algérien ne soit pas remise en question.

Les alternatives militaires de Hassan pour mener une opération punitive contre l’Algérie semblent aussi sombres que ses options pour parvenir à un règlement politique du conflit avec le POLISARIO. Bien que le roi puisse permettre des raids commando contre les postes du POLISARIO près de la frontière algérienne pour apaiser l’opinion publique, il est peu probable qu’il lance des opérations qui attireraient les forces régulières algériennes dans les combats. Étant donné la puissance militaire de l’Algérie dans la région de Tindouf, les chances de succès d’une attaque conventionnelle marocaine sont minces, et les coûts risquent d’être élevés.

Hassan reconnaît sans doute qu’une défaite humiliante ou une impasse avec l’Algérie pourrait lui coûter son trône. De plus, il est conscient qu’une offensive militaire ouverte en Algérie ferait échouer les efforts en vue d’un règlement négocié et saperait le soutien diplomatique pour la position du Maroc sur le Sahara occidental, que ce dernier a œuvré dur à obtenir dans les forums internationaux, notamment dans le monde arabe.

Une décision marocaine de porter la guerre dans les sanctuaires algériens serait influencée par plusieurs considérations. Celles-ci comprennent l’équilibre militaire entre le Maroc et l’Algérie, qui est largement défavorable au Maroc dans les airs, le nombre et les capacités des unités disponibles, le moral des troupes et leur condition physique (la plupart des troupes marocaines sont engagées dans des opérations depuis plus d’un an), la logistique et le retrait de la Mauritanie des combats.

Il existe deux autres options ouvertes aux Marocains, toutes deux hautement provocatrices et impliquant l’utilisation des forces régulières en collaboration avec les irréguliers. La première consiste à exercer le droit de « poursuite chaude » qu’Hassan a proclamé en septembre 1977 et qu’il a réitéré à plusieurs reprises. À notre connaissance, les Marocains n’ont jamais poursuivi une force du POLISARIO en Algérie. Les forces du POLISARIO n’ont manifestement pas été ébranlées par cette menace, et il est peu probable qu’elle les dissuade à l’avenir.

Il est presque inconcevable qu’Hassan autorise une offensive militaire à grande échelle contre les havres du POLISARIO en Algérie en sachant que cela entraînerait des affrontements avec les réguliers algériens. Cette ligne de conduite a été prônée par certains de ses dirigeants militaires presque depuis le début de la guerre. Leur raisonnement est que, sans les havres en Algérie, le POLISARIO ne serait pas en mesure de mener des opérations dans le Sahara. Selon eux, la façon de mettre fin à l’insurrection du POLISARIO serait de détruire ses moyens de sanctuaire et de soutien.

Il est peu probable que les Marocains réussissent à détruire les bases des guérilleros en raison de la supériorité en puissance de feu et de la mobilité des forces algériennes à Tindouf. L’avantage de l’Algérie en nombre d’avions de combat devrait garantir sa suprématie aérienne et offrir des opportunités de soutien aérien rapproché efficace.

Recherche d’une Solution

Les chances limitées d’une solution pacifique dépendent des efforts de médiation des puissances extérieures, en particulier arabes. Les efforts de médiation de l’Arabie saoudite, entamés en 1976, semblent offrir des perspectives de progrès : les efforts de médiation d’organisations internationales telles que l’OUA ont eu peu de succès, et l’Assemblée générale de l’ONU n’a pas pris position. En décembre 1978, l’ONU a de nouveau adopté des résolutions contradictoires sur le Sahara occidental.

La meilleure chance, mais elle est mince, pourrait être de persuader le Maroc et le POLISARIO d’accepter un accord prévoyant un ministat indépendant situé principalement dans la partie mauritanienne du Sahara occidental. Le rôle de l’Algérie pour persuader les guérilleros d’accepter une telle solution serait crucial. Vu l’élan diplomatique et militaire des guérilleros, il est douteux qu’Alger et le POLISARIO se contentent d’une formule qui donnerait aux Sahraouis une autonomie régionale dans une entité liée soit au Maroc, soit à la Mauritanie. Nous pensons que toute solution devrait contenir les éléments supplémentaires suivants :

-Des concessions territoriales de la part de Rabat, dont une portion du secteur marocain au nord de la ligne de partition serait cédée au ministat.

-La reconnaissance par l’Algérie de la souveraineté marocaine sur une portion tronquée du Sahara occidental.

-Des incitations économiques pour les protagonistes, y compris une aide financière de parties extérieures — par exemple, l’Arabie saoudite — en vue du rétablissement des réfugiés sahraouis à Tindouf et de l’exploitation conjointe des richesses minérales du Sahara.

-Une garantie pour l’Algérie d’une route d’accès à l’Atlantique.

-La ratification par le Maroc de l’accord frontalier de 1972 avec l’Algérie.

L’acceptation par le Maroc de toute formule de ce type comporterait de graves risques politiques internes pour le roi Hassan, et nous jugeons que les chances de son accord sont faibles. Il est concevable qu’il puisse vendre aux Marocains, en particulier à l’armée, un compromis qui laisserait sous contrôle marocain les vastes réserves de gisements de phosphates de haute qualité autour de Bucraa. Même si un ministat sahraoui était créé malgré les obstacles manifestes, un tel arrangement serait instable. Les dirigeants du POLISARIO :

-Résisteraient à la confination dans un État tronqué du Sahara occidental du sud.

-Ignoreraient tout accord dans les négociations de règlement sur le respect de l’intégrité territoriale du Sahara marocain et de la Mauritanie.

-Voudraient voir leur ministat comme une zone libérée, qu’ils utiliseraient comme un point de départ pour poursuivre leur insurrection dans le Sahara marocain.

-Se tourner vers l’Algérie pour un soutien militaire lorsqu’il est menacé par le Maroc.

-Chercher à construire une alliance avec la faction de gauche dans la direction mauritanienne dans des efforts secrets pour créer un état islamo-socialiste comprenant la Mauritanie et le Sahara Occidental, aligné avec l’Algérie.

Tout paquet de règlement prévisible serait intrinsèquement instable et peu susceptible d’apporter une paix durable au nord-ouest de l’Afrique, car les guérilleros peuvent désormais croire qu’ils peuvent forcer les Marocains à couper leurs pertes et à se retirer totalement du Sahara Occidental. Le mouvement POLISARIO a démontré sa capacité à détourner une partie importante des ressources humaines et économiques marocaines. Une guerre de guérilla prolongée et de plus en plus efficace semble inévitable en l’absence d’une capitulation marocaine ou d’une intervention majeure de puissances extérieures.

Les relations entre le Maroc et l’Algérie resteront tendues, et le risque persistera que les opérations transfrontalières puissent entraîner une escalade involontaire des tensions. Cependant, les facteurs politiques, économiques et militaires prévalant dissuaderont les deux parties de s’engager dans la voie d’une guerre conventionnelle à grande échelle à court terme.

Les relations entre le Maroc et l’Algérie resteront tendues, et le risque persistera que les opérations transfrontalières puissent entraîner une escalade involontaire des tensions. Cependant, les facteurs politiques, économiques et militaires prévalant dissuaderont les deux parties de s’engager dans la voie d’une guerre conventionnelle à grande échelle à court terme.

Chronologie

1963 : Découverte de grandes réserves de phosphate dans le Sahara espagnol.

1970-1973 : Le Maroc, l’Algérie et la Mauritanie tiennent une série de sommets professant leur accord sur la décolonisation du Sahara espagnol.

Mai 1973 : Le Front POLISARIO est officiellement établi.

Avril-Mai 1974 : Le coup d’État au Portugal et la dégradation de la santé de Franco poussent le roi Hassan à intensifier la pression sur Madrid pour qu’il honore l’irréductibilité marocaine.

Juillet 1974 : Le roi Hassan annonce qu’il ne permettra pas l’établissement d’un État fantoche dans le Sahara.

Octobre 1974 : Le Maroc et la Mauritanie proposent à l’Assemblée générale de l’ONU de solliciter un avis consultatif sur le Sahara espagnol auprès de la Cour internationale de Justice.

Décembre 1974 : L’Assemblée générale de l’ONU adopte une résolution demandant un avis consultatif sur le Sahara Occidental à la Cour internationale de Justice.

16 octobre 1975 : L’avis de la CIJ ne soutient pas les revendications marocaines et mauritaniennes de souveraineté. Le roi Hassan annonce des projets pour une marche de masse de 350 000 Marocains non armés vers le Sahara Occidental.

6 novembre 1975 : La « Marche verte » des Marocains commence et dure trois jours sans incident majeur.

14 novembre 1975 : L’Espagne, le Maroc et la Mauritanie signent les accords de Madrid prévoyant un transfert progressif du territoire à Rabat et Nouakchott.

Décembre 1975 : L’Assemblée générale de l’ONU adopte deux résolutions contradictoires, l’une prenant acte des accords de Madrid.

Le premier contingent de troupes marocaines, une force de 250 hommes, arrive à Bir Mogrein.

26 février 1976 : L’Espagne retire l’administration tripartite du Sahara Occidental, et le Maroc et la Mauritanie organisent une session restreinte de l’assemblée territoriale pour approuver l’intégration du territoire dans le Maroc et la Mauritanie.

27 février 1976 : Le Front POLISARIO proclame la République Démocratique Arabe Sahraouie.

Mars 1976 : Le Maroc et la Mauritanie rompent leurs relations avec l’Algérie après que cette dernière ait reconnu le gouvernement en exil du POLISARIO.

14 avril 1976 : Partition formelle du Sahara Occidental par le Maroc et la Mauritanie.

Mi-avril 1976 : Premier attentat guérillero contre la ligne ferroviaire en Mauritanie.

Juin 1976 : Premier attentat guérillero contre Nouakchott.

Janvier 1977 : Premier contingent substantiel de troupes marocaines stationnées en Mauritanie arrive à Bir Mogrein, portant les effectifs à 1 300 hommes.

Premières opérations de balayage conjointes marocaines-mauritaniennes contre les guérilleros en Mauritanie.

1er mai 1977 : Attaque contre la ville mauritanienne de Zouérate, avec six otages français.

13 mai 1977 : Le Maroc et la Mauritanie signent un accord de défense mutuelle, fournissant le cadre de coopération militaire contre les guérilleros.

Juillet 1977 : Deuxième attaque contre Nouakchott.

Octobre 1977 : Deux autres otages sont pris lors d’une attaque contre Zouérate.

Décembre 1977 : Les attaques aériennes françaises contre les guérilleros du POLISARIO en Mauritanie commencent.

Mai 1978 : Dernières attaques aériennes françaises contre les formations guérilleros en Mauritanie.

19 juillet 1978 : Un coup d’État militaire en Mauritanie amène un nouveau régime au pouvoir qui souhaite un règlement rapide de la paix.

1er-3 août 1978 : Des émissaires algériens et marocains se rencontrent sous les auspices françaises.

Septembre 1978 : Le roi Hassan devait rencontrer le président Boumediene en Belgique pour des négociations directes sur le différend du Sahara, mais la maladie de Boumediene empêche cette rencontre.

18 novembre 1978 : Le président algérien Boumediene tombe dans le coma quatre jours après son retour d’un séjour de sept semaines en Union Soviétique pour traitement médical.

Décembre 1978 : L’Assemblée générale de l’ONU répète l’action de décembre 1975, en adoptant deux résolutions contradictoires sur le Sahara Occidental. La résolution pro-algérienne appelle à l’autodétermination des Sahraouis.

27 décembre 1978 : Décès du président algérien Boumediene. Le processus de succession constitutionnelle commence.

28 janvier 1979 : Les guérilleros du POLISARIO prennent la ville marocaine de Tantan, puis se retirent. Cet événement marque la première fois que les guérilleros ont envahi un centre de population marocain de taille importante.

9 février 1979 : Chadli Bendjedid est inauguré président de l’Algérie. L’Algérie entre officiellement dans l’ère post-Boumediene.

Cette chronologie est secrète.

Notes :

(1) Saguia el Hamra et Rio de Oro étaient les anciens noms des deux régions composant le Sahara espagnol. L’acronyme est dérivé de la traduction espagnole Frente Popular para la Liberacion de Saguiu el Hamra y Rio de Oro.

(2) Pour des détails sur les origines du POLISARIO et le contexte du conflit, consultez le mémorandum d’intelligence inter-agences The Conflict in the Western Sahara.

(3) Le recensement de 1974 donne la population du Sahara Occidental à 75 000. Une estimation plus récente donne une fourchette de 50 000 à 60 000. De plus, on estime qu’il y a entre 20 000 et 40 000 réfugiés sahraouis dans la région de Tindouf, au sud de l’Algérie.

Approbation pour publication le 10/08/2001 : CIA-RDP80T00942A000800130001-2.

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