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Portrait du prince héritier du Maroc. Il régnera sous l’influence de sa mère

Pour les Marocains, le prince héritier Moulay El Hassan demeure un grand inconnu. Ils l’ont vu à la télévision représenter son père lors d’événements officiels, la dernière fois en novembre, lorsque le président chinois Xi Jinping a effectué une brève visite privée au Maroc.

« C’est un jeune homme bien éduqué, froid, taciturne peut-être »

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La santé fragile de Mohammed VI a relancé les spéculations sur la personnalité du prince. Il régnera sous l’influence de sa mère, Lalla Salma, qui a des comptes à régler avec une partie de l’entourage de son père.

Par Ignacio Cembrero

Les images ont été enregistrées il y a près de deux ans, en avril 2023, à la sortie de la mosquée Hassan II à Casablanca, après une veillée religieuse présidée par le roi Mohammed VI. On y voit le ministre des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, enfreindre par erreur le protocole en se plaçant juste derrière le monarque. Moulay Hassan, le prince héritier, lui rappelle d’un geste de la main que ce n’est pas sa place et qu’il doit se tenir derrière lui. Le ministre octogénaire obéit immédiatement et regagne sa position dans le cortège.

C’est l’un des rares épisodes, avec un autre où il repousse un garde du corps, où l’on a vu Moulay Hassan, 21 ans, agir spontanément, en dehors de la rigidité du protocole. À partir de ces images et d’innombrables rumeurs, les élites marocaines soupçonnent qu’il a du caractère et se demandent comment il se comportera une fois monté sur le trône.

La santé de son père, âgé de 61 ans, est fragile. Même l’agence de presse espagnole EFE, habituellement prudente, soulignait dans son compte rendu du dernier discours du Trône de Mohammed VI, le 30 juillet dernier, que « le roi est apparu plus maigre et plus pâle que d’habitude, avec une voix cassée et plusieurs erreurs de lecture ». Fin octobre, lorsqu’il a reçu le président Emmanuel Macron à Rabat, il marchait en s’appuyant sur une canne. Début décembre, il a chuté et s’est fracturé l’humérus, nécessitant une opération immédiate. C’était sa quatrième intervention chirurgicale depuis 2018, date à laquelle il avait subi une ablation d’une arythmie cardiaque dans un hôpital de Paris.

Une succession évoquée depuis longtemps

« Les Marocains s’inquiètent de la santé de Mohammed VI depuis près de 10 ans », commentait en novembre Pierre Vermeren, professeur d’histoire du Maghreb à la Sorbonne. « La question de la succession est évoquée depuis longtemps », ajoutait-il. Depuis l’été dernier, les discussions sur le sujet ont pris de l’ampleur.

L’héritier lui-même est conscient de la fragilité de son père. Il suffit d’observer son attention lorsqu’il veille à ce que le roi ne trébuche pas en se levant de son siège, malgré la présence de ses aides de camp, après son discours du Trône ou lors de l’inauguration de l’année législative en octobre au Parlement.

Contrairement aux époques précédentes, il n’y a aujourd’hui aucun dilemme quant à la succession. Moulay Hassan est fils unique et, depuis huit mois, il a atteint l’âge de 21 ans. Il n’a donc plus besoin d’être encadré par le Conseil de Régence prévu par la Constitution marocaine.

Pour les Marocains, l’héritier demeure un grand inconnu. Ils l’ont vu à la télévision représenter son père lors d’événements officiels, la dernière fois en novembre, lorsque le président chinois Xi Jinping a effectué une brève visite privée au Maroc. Il a présidé plusieurs cérémonies, notamment la remise des diplômes du Cours d’État-Major à Kénitra et l’inauguration de l’extension du port Tanger Med en 2019.

Une opportunité manquée ?

Le tremblement de terre qui a frappé le Haut Atlas en septembre 2023, causant près de 3 000 morts, aurait pu être l’occasion idéale de rapprocher le prince du peuple. Moulay Hassan est apparu aux côtés de son père lors de la première réunion de crise à Rabat, après son retour de vacances à Paris, mais on ne l’a plus revu par la suite.

Ni lui ni son père ne se sont rendus sur place pour constater les dégâts et réconforter les victimes. Ce contraste avec la réponse des souverains espagnols lors des intempéries à Valence en octobre a marqué les esprits. « Moulay Hassan aurait pu se rendre dans le Haut Atlas distribuer de l’aide et ainsi apparaître dans les journaux télévisés, mais on a préféré qu’il ne le fasse pas », regrette un diplomate marocain à la retraite.

Même les responsables étrangers reçus par le prince en l’absence de son père peinent à cerner sa personnalité. « C’est un jeune homme bien éduqué, froid, taciturne, peut-être un peu timide », a confié l’accompagnateur d’un ancien dirigeant européen en visite privée au Maroc. « Il ne déborde pas de sympathie, il a du mal à sourire, mais il reste courtois », ajoutait-il.

Une vie discrète à Rabat

Moulay Hassan vit avec sa mère, Lalla Salma, 46 ans, et sa sœur, Lalla Khadija, 17 ans, dans le palais Dar Es Salam, aux abords d’un vaste golf. Contrairement aux attentes, il a refusé d’étudier à Benguerir, près de Marrakech, dans une annexe de l’Université Polytechnique Mohammed VI, préférant rester à Rabat. Il y suit des études à la Faculté de Gouvernance, Sciences Économiques et Sociales, tout en prenant quelques cours de droit à l’Université Mohammed V.

En dehors de l’université, il bénéficie d’un professeur particulier en économie, Noureddine Bensouda, actuel Trésorier Général du Royaume et grand admirateur du modèle chinois.

Contrairement à son père, il n’a pas étudié à l’étranger, ce qui aurait enrichi sa vision du monde. Il n’a pas non plus suivi de formation militaire à l’Académie Royale de Meknès, ce qui déplaît aux officiers marocains.

L’influence de sa mère

Moulay Hassan est très proche de sa mère, qui a souffert après son divorce en 2018. À mesure qu’il grandissait, il a pris conscience des humiliations qu’elle a subies de la part du cercle proche du roi.

Son aversion pour certains membres du « makhzen » (l’élite dirigeante marocaine) est connue. Une fois sur le trône, il est probable qu’il évince une partie de l’entourage de son père, notamment les frères Azaitar, combattants de MMA devenus très influents auprès de Mohammed VI.

Quel avenir pour son règne ?

À qui s’appuiera-t-il pour gouverner ? Au Maroc, le roi détient l’essentiel du pouvoir exécutif et reste le Commandeur des Croyants. Ses amis sont encore trop jeunes et inexpérimentés. Sa mère, bien que proche de lui, n’a aucun rôle politique officiel.

Comme le souligne Pierre Vermeren, « personne ne sait vraiment comment un homme réagira une fois au pouvoir absolu ». Et au Maroc, le roi détient encore un pouvoir quasi absolu.

El Confidencial, 12/01/2025

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