Tags : France, Charles de Gaulle, États-Unis, Royaume-Uni, axe anglo-saxon, Algérie, bombe atomique, OTAN
Résumé
Selon un câble de la CIA de 1959, la politique étrangère de De Gaulle visait à positionner la France comme une puissance dominante au sein d’un bloc eurafricain indépendant, capable de contrebalancer les sphères d’influence américano-britannique, soviétique et chinoise. Il croyait que l’ascension de la Chine pousserait la Russie à coopérer avec l’Occident et considérait l’expansion soviétique comme une forme de nationalisme plutôt que de communisme idéologique. La France supportait mal la domination américaine dans le leadership occidental et exigeait une voix égale dans les politiques mondiales, notamment par le biais de réformes de l’OTAN.
La France se préparait à faire exploser son premier engin nucléaire d’ici 1960, cherchant à la fois le prestige et l’autonomie dans les affaires nucléaires. Si l’accès aux connaissances nucléaires lui était refusé après cette explosion, la France pourrait réagir vivement, réduisant potentiellement ses engagements envers l’OTAN. Le gouvernement de De Gaulle cherchait également un soutien accru des États-Unis pour ses politiques en Algérie, croyant qu’une victoire militaire était possible si l’aide étrangère aux rebelles était coupée. Les ressources de l’Algérie, notamment le pétrole saharien, étaient essentielles à l’indépendance économique de la France et à sa vision d’une « Troisième Force » européenne.
De plus, De Gaulle a promu un programme d’aide internationale pour les pays en développement comme alternative à la Guerre froide, à la fois comme un effort sincère de détente et comme une manœuvre stratégique pour défier l’Union soviétique. Cependant, cette initiative risquait d’être récupérée par la propagande soviétique.
Texte intégral du câble de la CIA
Briefing du NSC, 18 août 1959
LES INTENTIONS DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DE DE GAULLE
Bien que De Gaulle soutienne pleinement une position ferme de l’Occident face à l’URSS, il envisage la France comme le leader potentiel d’un regroupement eurafricain suffisamment fort pour faire face à trois autres grands blocs de puissance : américano-britannique, soviétique et chinois.
De Gaulle est convaincu que l’expansion chinoise forcera une Russie « américanisée » à coopérer avec l’Occident.
Il considère le communisme comme un phénomène transitoire, et la quête de pouvoir soviétique comme une autre forme de nationalisme russe.
En raison du ressentiment lié au fait que les États-Unis soient considérés comme le seul porte-parole de l’Occident, le ministre de l’Information Frey a déclaré que De Gaulle et Eisenhower discuteraient des problèmes purement franco-américains, et il supposait que Eisenhower et Khrouchtchev limiteraient leurs échanges de vues aux questions américano-soviétiques.
Entre-temps, le Premier ministre Debré insiste de plus en plus publiquement sur la demande de De Gaulle d’avoir une voix égale à celle des États-Unis et du Royaume-Uni dans la détermination de la politique occidentale partout dans le monde.
Dans un discours du 16 août, Debré a déclaré que la France réagissait contre des alliances qui la conduisaient à la « servitude ».
Il a insisté sur le fait que la France devait jouer un rôle plus important dans les affaires mondiales et être entendue afin « d’éviter d’être écrasée par des accords entre de très grandes puissances ».
La pression pour une détermination tripartite de la politique mondiale s’intensifiera probablement à l’approche de l’explosion du premier engin nucléaire français (probablement au printemps 1960).
Paris semble maintenant voir un prestige et des avantages de négociation dans le développement de sa première bombe sans assistance étrangère.
La France s’attend apparemment à avoir un accès immédiat aux connaissances sur les armes nucléaires une fois qu’un engin français aura explosé.
La pression pour un accord préalable sur la portée de ces connaissances pourrait précéder les tests.
La déception des espoirs français à cet égard déclencherait une réaction violente de la France.
Les engagements de la France envers l’OTAN (forces et programme d’armement) pourraient être encore réduits.
Paris pourrait exiger formellement une réorganisation de l’OTAN, avec une voix plus importante pour l’Europe.
Les éléments nationalistes extrémistes dans l’entourage de De Gaulle se sentiront de plus en plus libres de prendre des mesures nuisibles aux intérêts américains.
Alors que l’examen de la question algérienne par l’Assemblée générale des Nations Unies approche, la pression sur les États-Unis pour un soutien plus direct à la politique française en Afrique du Nord augmentera.
Paris soutient qu’une victoire militaire totale en Algérie pourrait être rapidement obtenue si les rebelles étaient coupés de l’aide étrangère.
Les résultats décevants des opérations de ratissage à grande échelle actuellement médiatisées dans les montagnes à l’est d’Alger renforceront probablement l’offensive diplomatique de la France.
Néanmoins, De Gaulle est peu susceptible de lancer un nouvel appel au cessez-le-feu qui impliquerait une reconnaissance du Gouvernement provisoire algérien comme seul représentant du peuple algérien.
L’espoir des rebelles d’un soutien fort à l’ONU les rendra probablement réticents à accepter quoi que ce soit de moins.
Le discours de Debré du 16 août a souligné l’importance de l’Algérie dans le rêve français d’indépendance économique.
De Gaulle espère probablement voir le Sahara renforcer l’hégémonie française sur les zones africaines contiguës.
Les Français voient dans le pétrole saharien une solution à leur problème de déficit commercial en dollars. Ils comptent sur le Sahara pour assurer la prééminence de la France dans une « Troisième Force » européenne capable de médier entre le bloc soviétique et les « Anglo-Saxons ».
Entre-temps, De Gaulle cherche encore à définir plus précisément sa proposition vague d’un programme international d’aide aux zones sous-développées.
Il poussera probablement cette proposition avec une insistance croissante comme le seul substitut réaliste à la Guerre froide.
Il semble sincère en présentant cette idée comme un moyen d’atteindre une détente, mais il l’a également qualifiée de manœuvre tactique astucieuse qui « embarrasserait » les Russes car ils devraient la rejeter.
Il pourrait cependant la présenter de manière à ce que l’URSS puisse facilement la récupérer à des fins de propagande soviétique.
Source :
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