Maroc : Quand la DGED atribuait au Premier Ministre espagnol la paternité de la fille de Rachida Dati

La publication en ligne française Bakchich Info a révélé ce week-end que les services secrets marocains enquêtaient sur la vie privée de Rachida Dati. Fondé par des journalistes dissidents chevronnés du célèbre hebdomadaire Le Canard Enchaîné, le site s'est fait connaître pour ses informations exclusives, dont plusieurs sur la France et le Maghreb.

Le renseignement marocain a enquêté pour savoir qui est le père de l’enfant de Rachida Dati
La ministre française de la Justice, qui doit accoucher le mois prochain, préfère garder secret le nom du père.

Rachida Dati, 43 ans, est la fille d’une mère algérienne et d’un père marocain, tous deux immigrés en France. C’est pourquoi les Marocains la considèrent un peu comme l’une des leurs, et que leur service de renseignement extérieur – la Direction générale des études et de la documentation (DGED) – a enquêté pour savoir qui est le père de l’enfant que la ministre française de la Justice doit mettre au monde en janvier. Elle a refusé de le révéler.

La conclusion surprenante des investigations des espions marocains est que le père serait l’ancien président José María Aznar, probablement le politicien étranger le plus détesté par le palais royal de Rabat. Le média en ligne marocain L’Observateur l’a écrit sur son site en septembre, mais Aznar s’est empressé de démentir sa paternité via un communiqué de la FAES, la fondation qu’il préside.

Le média en ligne français Bakchich Info a révélé ce week-end que les services secrets marocains ont enquêté sur la vie privée de Dati. Fondé par d’anciens journalistes dissidents du célèbre hebdomadaire Le Canard Enchaîné, le site s’est fait connaître pour ses informations exclusives, dont plusieurs concernant la France et le Maghreb.

Son directeur, Nicolas Beau, et sa rédactrice, Catherine Graciet, ont publié en 2006 un livre (Quand le Maroc sera islamiste, éditions La Découverte) dans lequel ils racontent la « pince » formée par le roi du Maroc, Mohamed VI, et l’ancien président français, Jacques Chirac, contre Aznar après l’expulsion, en juillet 2002, des Marocains de l’îlot du Persil dont ils s’étaient emparés.

Leurs affirmations sur la « pince » s’appuyaient sur plusieurs rapports de la Direction générale de la sécurité extérieure, les services secrets français. Ceux-ci attribuaient à Chirac la phrase suivante, adressée à Mohamed VI en octobre 2002 : « C’est maintenant ou jamais qu’il faut agir pour s’opposer à la pénétration espagnole au Maroc. » L’action de la DGED marocaine a été critiquée cet automne par les autorités des Pays-Bas et de Belgique.

Source : El País, 15/12/2008

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Rachida Dati, la fausse fille d’Aznar et le journaliste démuni

Ce mercredi commence le procès contre le journaliste Ignacio Cembrero, qui place le ministère des Affaires étrangères dans une position inconfortable.

C’est une histoire quelque peu rocambolesque, avec divers protagonistes, plaintes et demandes : la députée européenne française Rachida Dati ; l’ancien président José María Aznar ; un homme de presse marocain, Ahmed Charai, condamné pour diffamation envers Aznar ; le consul d’Espagne à Paris, Javier Conde ; le journaliste Ignacio Cembrero ; et les ministres José Manuel García-Margallo (Affaires étrangères) et Jorge Fernández Díaz (Intérieur).

L’histoire commence en septembre 2008, lorsque le magazine L’Observateur du Maroc a surpris l’Espagne – et une bonne partie du monde – avec la une suivante : « Rachida Dati… enceinte d’Aznar ». Dati, une Française d’origine marocaine attrayante, était alors ministre de la Justice en France, et sa grossesse, dont le père était inconnu, suscitait un énorme intérêt au Maroc, où Aznar, post-crise du Persil, n’était ni n’est un homme particulièrement apprécié par le makhzen.

Trois ans plus tard, en octobre 2011, Ahmed Charai, propriétaire et directeur du magazine, a été condamné par l’Audience provinciale pour diffamation et contraint de payer 90 000 euros à Aznar. Trois ans plus tard encore, en octobre 2014, on a appris que le père de l’enfant était un millionnaire français du nom de Dominique Desseigne. Ce même mois, on a également découvert ce qui pourrait être la véritable identité du directeur-propriétaire du magazine et diffamateur d’Aznar : le journaliste Ignacio Cembrero a révélé dans le journal El Mundo qu’il s’agirait d’un proche collaborateur des services secrets marocains (DGED), selon des dizaines de documents publiés sur Internet et dont l’authenticité n’a pas été contestée par les autorités de Rabat.

Cependant, Charai a maintenu que les documents avaient été manipulés et a déposé une plainte pour atteinte à l’honneur contre Cembrero et El Mundo. Sa réputation de diffamateur d’Aznar ne semblait pas trop préoccuper le gouvernement espagnol : en décembre 2014, Charai est devenu le seul journaliste marocain à qui le ministre de l’Intérieur, Jorge Fernández Díaz, a accordé une interview pendant cette législature. Il l’a fait, de plus, non pas dans son bureau officiel, mais à son domicile privé, en compagnie de sa chienne Lola, comme l’a documenté Charai avec des photographies.

Un procès contre un journaliste réputé

Ce mercredi commence le procès contre Cembrero, un spécialiste réputé du Maghreb qui a travaillé 30 ans pour El País, un an pour El Mundo et qui rejoindra El Español une fois terminé le livre qu’il est en train d’écrire. Pour préparer sa défense, Cembrero a demandé le témoignage de l’écrivain et journaliste français Jean-Pierre Tuquoi, auteur entre autres du livre Le Dernier Roi (Galaxia Gutenberg, 2002), une description désenchantée du début du règne de Mohammed VI. Comme Tuquoi ne pouvait pas témoigner au procès qui commence ce mercredi, il s’est rendu au Consulat général d’Espagne à Paris pour faire une déclaration sous serment (acte de manifestations, selon le jargon diplomatique) devant le consul, Javier Conde.

Tuquoi a relu avec un officier de notariat le texte en espagnol de sa déclaration, dans laquelle il a souligné le « professionnalisme » de Cembrero et a considéré comme « authentiques » les documents liant Charai aux services secrets marocains, pour lesquels il a mené des missions en France, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Ensuite, il a payé les frais et a finalement été reçu par Conde dans son bureau. À sa grande surprise, le consul lui a annoncé qu’il ne signerait pas sa déclaration, car il s’agissait, selon lui, « d’une affaire politique entre Cembrero et le Maroc » dans laquelle il ne voulait pas « s’immiscer ».

La relation avec le Maroc, prioritaire

« Avec son action, le ministère des Affaires étrangères bafoue mes droits en tant que citoyen et me place dans une situation de vulnérabilité », déclare Cembrero, qui a demandé le soutien du ministre José Manuel García-Margallo, car les consuls sont soumis à l’article 145 du Règlement notarial qui les oblige à signer l’acte de manifestations, sauf si celui-ci va à l’encontre de la loi ou pourrait perturber l’ordre public. Le ministère des Affaires étrangères a répondu à Cembrero par une lettre du sous-secrétaire, Cristóbal González-Aller, arguant qu’un consul n’est pas un notaire « mais un officier public dont les fonctions (…) sont principalement de nature consulaire ou diplomatique ». Par conséquent, ajoute-t-il, « il faut se conformer (…) au cadre des relations internationales ». Autrement dit, privilégier les bonnes relations avec le Maroc plutôt que le rôle du consul en tant qu’officier public.

Le Défenseur du peuple, la Fédération des associations de la presse d’Espagne (FAPE) et trois parlementaires se sont adressés en septembre au ministère des Affaires étrangères pour qu’il explique les raisons de son refus, mais ils n’ont pas reçu de réponse. L’ONG Reporters sans frontières et l’Association de la presse de Madrid (APM) ont publié des communiqués dans lesquels ils demandent au ministre de revenir sur sa décision et de ne pas laisser Cembrero dans une situation de vulnérabilité juridique.

Pour Malén Aznárez, présidente de la section espagnole de Reporters sans frontières, « il est difficile de comprendre la position du ministère des Affaires étrangères. Notaire et officier public sont synonymes. Une fois de plus, il semble que des intérêts politiques aient prévalu sur la défense de la liberté d’information. »

Source : El Espanol, 19/10/2015

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