Les explosions nucléaires du Sahara résonnent encore entre la France et l’Algérie

« Si la France souhaite la réconciliation, elle ne pourra être réalisée sans une prise en compte sérieuse de la question nucléaire », affirme l’historien algérien Hosni Kitouni à EFE, rappelant que les essais se sont poursuivis jusqu’en 1966, après l’indépendance de l’Algérie.

Selon Efe, l’Algérie ravive son passé nucléaire en tant qu’ancienne colonie française afin de redéfinir sa relation avec Paris, 65 ans après les premiers essais réalisés dans le désert du Sahara, et exige une décontamination : « un impératif », a averti le président algérien, Abdelmadjid Tebboune.

L’agence espagnole rappelle que la première explosion nucléaire du 13 février 1960 avait une puissance quatre fois supérieure à celle de la bombe d’Hiroshima. Ses conséquences environnementales et humaines perdurent encore aujourd’hui, tout comme ses répercussions politiques dans les relations sensibles entre Alger et son ancienne puissance coloniale, qui traversent actuellement une nouvelle crise.

Les essais nucléaires constituent un axe central de la « Déclaration d’Alger », dans laquelle Tebboune et le président français Emmanuel Macron avaient affiché leur bonne entente en 2022 en annonçant une coopération bilatérale renouvelée, indique EFE.

Mais cette nouvelle étape a été mise à mal l’année dernière, lorsque Paris a défini la proposition d’autonomie marocaine sur le Sahara occidental comme la « seule base » pour résoudre le conflit. Alger a alors rappelé son ambassadeur, et depuis, la tension n’a cessé de monter, atteignant désormais la question du passé nucléaire, précise la même source.

« Dis-moi où et quand »

« Si la France souhaite la réconciliation, elle ne pourra être réalisée sans une prise en compte sérieuse de la question nucléaire », affirme l’historien algérien Hosni Kitouni à EFE, rappelant que les essais se sont poursuivis jusqu’en 1966, après l’indépendance de l’Algérie.

« La position du président algérien est claire : nous ne voulons pas de compensations financières, mais une assistance technique pour la décontamination. La France n’a même pas répondu favorablement à cette dernière demande », déplore Kitouni, soulignant l’absence de cartographie et d’informations précises sur les sites contaminés.

Le premier essai nucléaire a eu lieu dans la région de Reggane, dans le désert algérien, sous le nom de « Gerboise Bleue » (rat du désert bleu), avec une puissance explosive d’environ 70 kilotonnes.

Les essais ont continué jusqu’en 1966, soit quatre ans après l’indépendance de l’Algérie, car « la France contrôlait encore certaines zones du sud algérien. Alger n’avait ni les moyens ni la capacité d’examiner la situation », explique-t-il.

Lors de son départ en 1967, la France « n’a pas décontaminé les zones d’essais, a laissé des matériaux radioactifs à l’air libre et a enterré des déchets hautement radioactifs sur place ».

Les conséquences : la vie de « nombreux êtres humains, animaux et plantes a été affectée, et des centaines de milliers de kilomètres carrés du Sahara algérien et d’autres régions ont été contaminés », selon un rapport d’experts mandaté par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU en septembre 2024.

Les retombées radioactives ne se sont pas limitées au désert, elles ont atteint l’Afrique de l’Ouest et la Méditerranée.

Urgent et crucial

Aujourd’hui, l’Algérie maintient les zones d’essais nucléaires clôturées dans le désert, accessibles uniquement avec une protection et pour un temps limité.

« Les armes nucléaires ont eu des effets durables et profonds sur les communautés locales et l’environnement, entraînant une hausse des cancers, des malformations et d’autres problèmes de santé congénitaux parmi les populations vivant à proximité des sites d’essais », précise le rapport de 2024.

La loi Morin, promulguée par la France en 2010, a créé le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), incluant également les victimes en Polynésie française, autre territoire d’essais. Mais jusqu’à présent, seules deux victimes algériennes ont été reconnues, malgré des milliers de demandes.

« Nous ne devons pas cacher la poussière sous le tapis. Ces différends doivent être réglés une fois pour toutes », a déclaré Tebboune ce mois de février dans une interview exclusive au journal français L’Opinion.

Les autorités algériennes remettent en lumière cet épisode, l’un des plus grands points de friction avec Paris.

Le président du Parlement algérien, Ibrahim Boughali, a organisé ce jeudi une journée d’études intitulée « Les explosions nucléaires françaises en Algérie : un crime contre l’humanité et l’environnement », au cours de laquelle des invités internationaux et diplomates ont visionné des images d’archives, notamment d’Algériens atteints de malformations.

« La question nucléaire est un enjeu majeur dans la dispute entre l’Algérie et la France, au même titre que les archives ou la restitution des biens culturels pillés durant la guerre d’indépendance. Mais contrairement à ces derniers, la contamination des zones d’essais pose des problèmes bien plus graves et urgents », prévient Kitouni.

#Algérie #France #Colonisation #Mémoire #Gerboise #DéchetsNucleaires #Maroc #SaharaOccidental #Bombeatomique #FranceAlgérienucléaire

Be the first to comment on "Les explosions nucléaires du Sahara résonnent encore entre la France et l’Algérie"

Leave a comment

Your email address will not be published.


*