Maroc Leaks : Réserves du HCDH sur les propositions marocaines au sujet des droits de l’homme au Sahara Occidental

L’OHCHR considère que les propositions marocaines ne répondent pas aux exigences d’une surveillance véritablement indépendante des droits humains au Sahara occidental. Un mécanisme neutre, régulier et couvrant l’ensemble du territoire et des camps est nécessaire pour garantir une protection efficace des droits humains sans interférences politiques.

Résumé

Le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDH) soutient que la surveillance indépendante des droits de l’homme au Sahara Occidental est cruciale en raison de son statut contesté. Il souligne la nécessité d’un mécanisme indépendant, impartial, régulier et doté d’un mandat approprié, couvrant à la fois le Sahara occidental et les camps réfugiés sahraouis de Tindouf. Tout en saluant les réformes marocaines en matière de droits de l’homme, le HCDH estime que les propositions du Maroc (extension du mandat du Conseil national marocain des droits de l’homme, invitation des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et établissement d’un bureau régional du HCDH à Rabat) posent problème. Ces propositions soulèvent des inquiétudes quant à l’indépendance, l’impartialité (en particulier en ce qui concerne les camps de Tindouf), et la préemption des négociations politiques sur le statut du Sahara Occidental. Le HCDH précise que son appel à la surveillance est indépendant de tout agenda politique et vise à éliminer les droits de l’homme comme point de discorde dans les négociations. Ils suggèrent qu’un rapporteur spécial dédié au Sahara Occidental pourrait être une solution mais nécessite une discussion plus approfondie. En fin de compte, le HCDH souligne l’importance d’un véritable suivi indépendant pour garantir les droits de l’homme du peuple sahraoui.

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Observations du HCDH sur les propositions marocaines de surveillance des droits humains au Sahara occidental

Le HCDH estime que l’absence de surveillance indépendante des droits de l’homme au Sahara Occidental, due à son statut de territoire non autonome, est intenable. Il considère qu’il incombe aux Nations Unies de combler cette lacune en matière de surveillance afin de garantir que les habitants du Sahara Occidental puissent jouir de leurs droits humains fondamentaux et des protections et garanties offertes par les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. Une surveillance adéquate des droits de l’homme peut contribuer à retirer les allégations et contre-allégations de violations des droits de l’homme du processus de négociation politique.

Justification du plaidoyer pour la surveillance

Il a été suggéré que si le HCDH/l’ONU appelaient à une surveillance des droits de l’homme, ils agiraient en quelque sorte sur ordre des opposants du Maroc dans le cadre d’une stratégie visant à saper les propositions d’autonomie du Maroc. Le HCDH, dans son plaidoyer, doit clairement indiquer que sa position a été déterminée indépendamment de toute position similaire adoptée par les parties en réponse à la situation des droits de l’homme sur le terrain dans le territoire et aux responsabilités des Nations Unies en termes de protection et de promotion mondiales des droits de l’homme. Le HCDH ne souhaite pas s’engager dans l’arène politique – l’une des raisons de son appel à la surveillance des droits de l’homme est précisément de retirer les droits de l’homme du jeu politique dans le processus de négociation politique. L’Ambassadeur Ross partage l’avis qu’une détermination objective de la situation des droits de l’homme des deux côtés faciliterait le processus politique et pourrait contribuer à instaurer la confiance entre les deux parties.

Exigences minimales pour une surveillance efficace

Au minimum, tout mécanisme de surveillance des droits de l’homme doit satisfaire aux exigences minimales suivantes :

Indépendance – la surveillance doit être entreprise ou supervisée par une entité indépendante, non liée à l’une ou l’autre des parties au différend sur le territoire.

Impartialité et équilibre – la surveillance doit être impartiale, examinant toutes les allégations de violations des droits de l’homme, quel que soit l’auteur présumé, et équilibrée, couvrant les allégations commises sur le territoire du Sahara Occidental ainsi que dans les camps de Tindouf.

Régulière et soutenue – la surveillance doit être entreprise régulièrement et de manière soutenue, y compris la possibilité d’un suivi efficace des conclusions et d’un engagement avec les autorités responsables pour rechercher des solutions et des recours.

Mandat approprié – la surveillance doit se dérouler sur la base d’un mandat juridique clair avec des modalités d’accès aux lieux et aux individus dûment convenues.

Surveillance des droits de l’homme par le Conseil national des droits de l’homme marocain réformé

Le gouvernement marocain a annoncé un ensemble de réformes constitutionnelles qui incluent la création d’une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris relatifs aux INDH et un processus de régionalisation s’étendant au territoire contesté du Sahara Occidental. Il est proposé que l’INDH marocaine ait une présence régionale au Sahara Occidental et un large mandat pour promouvoir et protéger les droits de l’homme, ce qui inclurait la surveillance et l’établissement de rapports.

Le HCDH se félicite des réformes et attend avec intérêt leur mise en œuvre effective au Maroc au profit des citoyens du pays.

L’extension de ces réformes et du mandat de l’INDH au territoire du Sahara Occidental soulève cependant un certain nombre de questions politiques et pratiques qui les rendent problématiques en tant que réponse à l’appel à une surveillance indépendante des droits de l’homme dans le territoire :

Le Sahara Occidental est considéré par les Nations Unies comme un territoire non autonome dont le statut souverain n’a pas encore été déterminé. Il est donc inapproprié que le Maroc cherche à étendre le mandat de ses institutions nationales au territoire, car cela pourrait être considéré comme une tentative de préempter le résultat des négociations politiques.

La surveillance exercée par l’INDH marocaine au Sahara Occidental, nonobstant l’indépendance et l’impartialité de cette institution dans le contexte national du Maroc, ne satisferait pas aux exigences internationales énoncées ci-dessus. En particulier, elle ne pourrait pas, en tant qu’institution nationale marocaine, être considérée comme indépendante des parties au différend. En outre, elle n’aurait aucune compétence dans les camps de Tindouf et ne serait donc pas en mesure de surveiller l’ensemble de la situation des droits de l’homme de manière impartiale.

Accepter les propositions marocaines comme une réponse à la question de la surveillance des droits de l’homme au Sahara Occidental – distinctement de leur rôle en tant que réponse aux demandes internes de réforme et de respect des droits de l’homme au Maroc proprement dit – reviendrait en quelque sorte à entériner la légitimité de la revendication marocaine sur le territoire et, par conséquent, à préempter le résultat des négociations politiques.

Surveillance des droits de l’homme au Sahara Occidental par les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme par le biais d’une invitation permanente du gouvernement marocain

Il a en outre été proposé que, en complément international du mandat de l’INDH marocaine, le gouvernement marocain adresse une invitation ouverte et permanente aux procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme à se rendre sur le territoire et à rendre compte de leurs conclusions. Il existe 33 (?) mandats de procédures spéciales couvrant un éventail de questions spécifiques relatives aux droits de l’homme, dont beaucoup seraient directement pertinentes pour la situation au Sahara Occidental.

Le HCDH se félicite de l’engagement du Maroc à renforcer la coopération avec le HCDH et le Conseil des droits de l’homme en ce qui concerne la protection et la promotion des droits de l’homme au Maroc.

La proposition soulève cependant un certain nombre de questions pratiques et politiques qui la rendent problématique en tant que réponse au besoin d’une surveillance indépendante des droits de l’homme dans le territoire :

L’invitation serait adressée par le gouvernement marocain à se rendre au Maroc. Il y aurait donc des objections à l’idée que le gouvernement marocain a l’autorité d’inviter les procédures spéciales à se rendre sur le territoire du Sahara Occidental, objections qui pourraient être partagées par certains titulaires de mandat de procédures spéciales.

Les titulaires de mandat de procédures spéciales sont des experts indépendants qui sont libres de déterminer leurs propres calendriers et priorités de visite. Ils ont des mandats mondiaux pour examiner la situation des droits de l’homme dans le monde entier et peuvent considérer que d’autres pays et territoires ont une priorité plus élevée. En outre, ils disposent de fonds de mission limités qui ne permettent généralement que deux missions par an. Il serait inapproprié que le Maroc propose de prendre en charge les coûts des missions supplémentaires, car cela saperait la perception de l’indépendance des titulaires de mandat. S’il était possible qu’un grand nombre de ces titulaires de mandat se rendent au Sahara Occidental en un an, on pourrait objecter que le système des procédures spéciales consacre une attention disproportionnée à un seul territoire compte tenu des nombreuses préoccupations soulevées chaque année dans le monde entier.

Le fait que divers aspects des droits de l’homme soient répartis entre les titulaires de mandat thématiques signifie qu’ils ne pourraient fournir qu’une forme de surveillance décousue à moins que des missions conjointes complexes ne puissent être organisées. Cette approche fragmentée de la surveillance sur le territoire et dans les camps serait exacerbée par le fait que si l’on acceptait que le Maroc puisse inviter les titulaires de mandat à se rendre sur le territoire en tant que partie du Maroc, les titulaires de mandat chercheraient normalement à examiner la situation dans l’ensemble du Maroc, affaiblissant ainsi l’attention portée au Sahara Occidental lui-même. Une fois de plus, cela exclurait également un examen de la situation dans les camps.

Les procédures spéciales ne pourraient en réalité entreprendre qu’une seule visite sur le territoire, il n’y aurait donc pas de surveillance régulière ou soutenue de chaque question thématique et des possibilités limitées de suivi.

Dans ces circonstances, l’idée de coopter les procédures spéciales dans la surveillance des droits de l’homme au Sahara Occidental constitue une réponse problématique à la question de la fourniture d’une surveillance indépendante et efficace des droits de l’homme. La proposition soulève des questions d’indépendance, d’évaluation impartiale du territoire et des camps et de la nécessité d’assurer des rapports réguliers et soutenus.

4. Les procédures spéciales ne pourraient réalistiquement entreprendre qu’une seule visite sur le territoire, ce qui signifie qu’il n’y aurait ni suivi régulier ni surveillance soutenue de chaque question thématique, et que les opportunités de suivi seraient limitées.

Dans ces circonstances, l’idée de coopter les procédures spéciales dans la surveillance des droits de l’homme au Sahara occidental constitue une réponse problématique à la question de la mise en place d’un mécanisme indépendant et efficace de surveillance des droits de l’homme. Cette proposition soulève des questions d’indépendance, d’évaluation impartiale du territoire et des camps, ainsi que la nécessité d’assurer un suivi régulier et soutenu.

Certaines de ces préoccupations pourraient être résolues si le Conseil des droits de l’homme décidait de mandater un rapporteur spécial dédié au Sahara occidental, à l’instar des mandats créés pour le Myanmar, le Cambodge et plus récemment l’Iran. Toutefois, le HCDH ne préconise pas actuellement cette approche, qui nécessite des discussions plus approfondies. Il n’est pas certain que le Conseil de sécurité puisse demander au Conseil des droits de l’homme de créer un tel mandat, ni que les membres du Conseil des droits de l’homme soutiendraient cette idée.

Surveillance des droits de l’homme via un bureau national ou régional du HCDH à Rabat

Après une période d’inactivité et d’hésitations, le Maroc a repris les négociations en vue de l’ouverture d’un bureau régional du HCDH pour l’Afrique du Nord à Rabat. Il a demandé une mission urgente au bureau régional de Beyrouth et a indiqué qu’il enverrait ensuite une délégation à Genève pour conclure un accord.

Les bureaux régionaux du HCDH remplissent des fonctions spécifiques, distinctes de celles des bureaux nationaux. Selon le modèle de protocole d’accord standard du HCDH, les bureaux nationaux incluent à la fois des fonctions de coopération technique et des fonctions de protection, de surveillance et de reporting. Les bureaux régionaux, en revanche, ne réalisent généralement pas de surveillance ni de protection, mais se concentrent sur la promotion et l’assistance technique à un niveau régional.

Il pourrait être proposé qu’un bureau régional du HCDH pour l’Afrique du Nord (RONA) à Rabat apporte une dimension internationale au dispositif de surveillance des droits de l’homme que le Maroc développe actuellement en réponse aux préoccupations du Conseil de sécurité. Toutefois, cette suggestion pose plusieurs problèmes :

Les bureaux régionaux du HCDH ne réalisent normalement pas de surveillance et l’introduction d’un tel mandat pour le RONA pourrait susciter des objections de la part d’autres États de la région et des autres pays hôtes de bureaux régionaux du HCDH, qui pourraient craindre qu’un tel précédent ouvre la voie à une surveillance dissimulée les concernant.

Une présence du HCDH à Rabat avec un mandat de surveillance pourrait rencontrer des difficultés particulières pour obtenir l’accès et la coopération des autorités algériennes et du Front POLISARIO/SADR dans les camps, compromettant ainsi une surveillance impartiale et équilibrée.

À la lumière des récents événements dans la région, Rabat ne semble plus être la meilleure option pour accueillir une présence régionale du HCDH, notamment en raison des objections probables de l’Algérie.

Un bureau national du HCDH pour le Maroc rencontrerait des objections similaires quant à la pertinence d’un bureau établi par accord avec le Maroc pour couvrir le territoire du Sahara occidental et les camps.

Un bureau national du HCDH pour le Sahara occidental pourrait être plus acceptable, mais en pratique, il ne se distinguerait guère d’une composante des droits de l’homme au sein de la MINURSO et dépendrait certainement de la Mission pour son soutien logistique.

James Turpin

Point focal du HCDH pour la prévention des conflits et l’alerte précoce

SOURCE :


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