Comme lors de son premier mandat présidentiel, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait avoir un impact sur le conflit latent entre le Maroc et le Front Polisario, indépendantiste au Sahara occidental, qui remonte à 1975. Depuis la fin du cessez-le-feu en 2020, les tensions se sont intensifiées dans la région, mais un accord négocié sous l’égide de l’ONU est toujours possible. Il faudrait cependant une pression efficace des États-Unis et de l’Union européenne pour encourager le Maroc et le Polisario à faire des compromis.
Alors qu’il approche de son cinquantième anniversaire, le conflit du Sahara occidental continue de faire rage. Le Maroc a réussi à accroître le soutien international à ses revendications sur ce territoire désertique. Mais cela n’a pas permis de mettre un terme au conflit, le mouvement de libération nationale sahraoui, le Front Polisario, menaçant désormais d’étendre davantage sa lutte armée pour l’indépendance. Alors que le conflit continue d’alimenter une insécurité régionale croissante et d’accroître les tensions entre le Maroc et l’Algérie (patron du Polisario), un accord de paix au Sahara occidental reste vital pour l’avenir de la région. Le retour du président Trump à la Maison Blanche pourrait contribuer à catalyser un accord. Pour réussir, cependant, l’engagement futur des États-Unis devra prendre en compte l’autodétermination des Sahraouis conformément au droit international.
Donald Trump a déjà offert au Maroc une victoire majeure lors de son premier mandat présidentiel en reconnaissant la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en décembre 2020. Cette décision a débloqué la normalisation ultérieure des relations entre le royaume d’Afrique du Nord et Israël. Elle a également ouvert la voie à de nouveaux gains diplomatiques marocains, notamment de la part du président français Emmanuel Macron, qui a déclaré que le « présent et l’avenir » du Sahara occidental relevaient de la souveraineté marocaine. Le président français a également encouragé les investissements français dans le territoire, suivant l’exemple de l’Espagne qui a également augmenté ses investissements dans le cadre de ses propres efforts pour améliorer ses relations avec le Maroc.
Parallèlement, le Maroc bénéficie d’un soutien croissant pour son projet d’autonomie du Sahara occidental. Présenté en 2007, ce projet prévoyait la création d’une administration régionale locale – la Région autonome du Sahara (RAS) – sous souveraineté marocaine. Tandis que la RAS aurait le pouvoir de créer ses propres lois et de réglementer les questions intérieures telles que les infrastructures et la politique sociale, Rabat conserverait le contrôle des ressources naturelles du Sahara occidental, des relations extérieures, de la monnaie, ainsi que de la sécurité extérieure et intérieure. Le gouvernement marocain continue d’insister sur le fait que son plan d’autonomie est la seule solution qu’il acceptera pour le Sahara occidental. Il espère maintenant obtenir le sceau d’approbation international final pour ce projet lors d’une conférence internationale qui se tiendra aux Émirats arabes unis en avril.
Mais le Polisario, qui administre une grande partie de la moitié orientale du Sahara occidental , continue de rejeter le plan d’autonomie du Maroc, comme le font de nombreux Sahraouis. Bien que le mouvement sahraoui ait publié sa propre proposition en 2007 pour une coopération économique et sécuritaire entre le Sahara occidental et le Maroc, il continue d’exiger une indépendance totale comme seul moyen de réaliser l’autodétermination des Sahraouis. Après des années d’impasse dans le processus de paix mené par l’ONU, la frustration croissante a finalement conduit le Polisario à reprendre ses attaques armées contre les forces marocaines au Sahara occidental en novembre 2020.
Si la diplomatie menée par l’ONU est toujours bloquée, un accord négocié est encore possible. Mais il faudra une pression efficace de la part des États-Unis et de l’Europe pour encourager le Maroc et le Polisario à faire des compromis dans le but de les attirer dans ce que les négociateurs appellent une zone d’entente.
Jusqu’à présent, le Maroc a repoussé les demandes visant à élargir davantage sa proposition de 2007 avant la reprise des négociations. Mais comme l’a déclaré l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, Staffan de Mistura, au Conseil de sécurité de l’ONU en octobre 2024, les pays ont le droit de comprendre ce qu’implique le plan d’autonomie qu’on leur demande de soutenir. Cela comprend par exemple des garanties pour assurer le respect des droits nationaux et de l’autonomie des Sahraouis.
Il y a aussi des raisons de se demander si Rabat est réellement engagé dans son propre projet. A ce jour, il n’a pris aucune mesure pour mettre en œuvre sa vision de l’autonomie du Sahara occidental. Cela peut s’expliquer en partie par la volonté de la monarchie marocaine de centraliser le pouvoir. Néanmoins, le Maroc devra faire preuve de plus de souplesse pour aller de l’avant.
Compte tenu de son passé pro-marocain, la Maison Blanche de Trump peut influencer positivement les calculs marocains en faveur d’un accord avec le Polisario. Pour ce faire, la nouvelle administration américaine devrait faire pression sur le Maroc pour qu’il s’engage sur les détails de sa proposition d’autonomie afin d’assurer une forme crédible d’autodétermination du peuple du Sahara occidental.
Le Polisario devra lui aussi faire preuve de plus de pragmatisme. Le groupe sahraoui a également repoussé les demandes internationales de développer sa proposition de 2007, misant plutôt sur la pression militaire pour forcer le Maroc à faire des concessions. Le Maroc gagnant en puissance sur la scène régionale et internationale, cette stratégie militaire n’est pas vouée à l’échec. Une voie plus prometteuse a été les recours juridiques du Polisario contre l’inclusion du Sahara occidental dans les relations du Maroc avec l’UE. Mais malgré son grand potentiel, cette stratégie juridique a également peu de chances de surmonter complètement les facteurs géopolitiques, économiques et idéologiques profondément enracinés qui sous-tendent le contrôle continu du Maroc.
Alors que les questions sur l’avenir de la MINURSO, la mission de maintien de la paix de l’ONU au Sahara occidental, se multiplient, et que de Mistura menace de démissionner en l’absence d’un engagement diplomatique positif des parties, la fenêtre diplomatique actuelle pour un accord pourrait bientôt se fermer. Cela jouerait en faveur du Maroc, tout en laissant potentiellement aux Sahraouis un chemin de plus en plus étroit vers l’accession au statut d’État. Comme l’a récemment reconnu un haut diplomate du Polisario : « le temps ne joue pas en notre faveur ».
Le Polisario n’a pas besoin d’abandonner son rêve d’autodétermination des Sahraouis. Tout accord relatif à l’avenir du Sahara occidental devra être soumis au peuple sahraoui lors d’un référendum national. Mais il doit repenser la meilleure façon d’obtenir l’autodétermination compte tenu des réalités géopolitiques actuelles. Là aussi, les États-Unis pourraient offrir des incitations économiques et politiques importantes pour encourager le Polisario à accepter un modèle négocié d’auto-gouvernance qui se situe entre l’indépendance totale et l’intégration totale au Maroc. Cela pourrait prendre de nombreuses formes. Dans son exposé au Conseil de sécurité, de Mistura a cité l’exemple du Groenland, territoire autonome du Danemark. Les Sahraouis pourraient également se tourner vers les îles du Pacifique telles que les îles Cook et Niue, qui sont des États autonomes en libre association avec la Nouvelle-Zélande.
Il est également possible qu’un accord soit conclu entre les États-Unis et l’Algérie, qui réduirait les tensions avec le Maroc tout en générant une pression algérienne sur le Polisario pour qu’il accepte une solution de compromis. Lors des réunions, les responsables algériens ont exprimé leur désir d’apaiser les tensions avec le Maroc et de faire progresser la normalisation régionale, mais ils soulignent que cela nécessitera une évolution positive dans la voie politique menée par l’ONU pour garantir l’autodétermination des Sahraouis, quelle qu’en soit la forme.
La résolution du conflit du Sahara occidental offrirait des avantages considérables à l’Union européenne, qui se trouve coincée entre son désir politique d’approfondir son partenariat économique avec le Maroc d’une part, et son obligation juridique de traiter le Sahara occidental comme un pays séparé et de respecter le droit des Sahraouis à l’autodétermination d’autre part. Il serait particulièrement important de parvenir à un accord de coopération économique qui permettrait au Sahara occidental de rester partie prenante des relations commerciales de l’UE avec le Maroc avec le consentement du Polisario.
En collaborant avec l’administration Trump et l’ONU pour parvenir à une nouvelle relation commerciale avec le Sahara occidental, conformément à la décision de la CJUE, l’UE pourrait contribuer à créer une dynamique diplomatique importante en faveur d’une solution négociée qui puisse répondre aux aspirations des Sahraouis et du Maroc. Mais cela nécessitera que Bruxelles réfléchisse de manière stratégique, ce qu’elle s’est montrée jusqu’à présent réticente à faire dans ce conflit.
Source CIDOB, Janvier2025
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