Une querelle entre la France et l’Algérie ravive de vieilles blessures

La chroniqueuse Nabila Ramdani explique comment les tensions entre l’Algérie et la France se sont intensifiées après l’arrestation d’un influenceur TikTok.

Nabila Ramdani

Le conflit entre la France et l’Algérie a été féroce à travers les âges et donne souvent l’impression qu’il ne prendra jamais fin.

Cela est particulièrement vrai parce que de nombreux Français n’ont jamais accepté la perte de leur ancienne colonie d’Afrique du Nord après la défaite dans la guerre d’indépendance.

Les massacres d’Arabes et de Berbères étaient fréquents au cours des 132 années jusqu’en 1962, lorsque l’Algérie était le joyau de la couronne de l’Empire français et que les colons européens s’emparaient de terres et de maisons par la force des armes.

Une telle barbarie est terminée, mais une histoire encore vivante dans la mémoire de certains intensifie les flambées de tensions.

Nouvelle querelle autour d’un influenceur TikTok

La dernière querelle diplomatique entre les deux pays illustre parfaitement à quel point les relations restent fracturées.

Tout a commencé début janvier, lorsque les autorités françaises ont tenté d’expulser un influenceur algérien qui utilise le pseudonyme « Doualemn » sur TikTok, la plateforme de partage de vidéos.

Son crime présumé était – en résumé – d’avoir dit que les critiques du gouvernement algérien devraient être battus (l’accusation initiale selon laquelle il voulait les tuer a été fermement réfutée par des traducteurs).

Doualemn compte moins de 170.000 abonnés sur TikTok – un chiffre relativement modeste à une époque où les célébrités en accumulent des millions – mais il a néanmoins été placé en rétention administrative à Montpellier, alors que les autorités françaises faisaient tout pour l’expulser du pays.

Un arrêté d’expulsion a rapidement été signé, bien que Doualemn n’ait pas encore été jugé en France, où il vit depuis 36 ans.

D’autres influenceurs algériens ont également été arrêtés et poursuivis pour des infractions similaires.

Cela, alors que de nombreux provocateurs en ligne publient des contenus bien plus incendiaires dans le pays de « Je Suis Charlie » et de la liberté d’expression inspirée de Voltaire.

Irrités par cette hypocrisie, les Algériens ont tout simplement renvoyé Doualemn directement en France dès son arrivée à Alger.

Plus encore, ils ont insisté sur le fait que la saga de l’influenceur était une continuation vicieuse de la persécution à long terme des Algériens par la France.

Ils sont fréquemment présentés comme un « ennemi intérieur », en particulier par le nombre croissant de politiciens extrémistes qui font désormais partie de la France mainstream.

Un historique de méfiance

Le Rassemblement National – actuellement le plus grand parti au Parlement – a été créé par des nationalistes français combatifs qui voulaient conserver l’Algérie à tout prix.

Ils ont régulièrement diabolisé la vaste diaspora algérienne, importée dans des villes comme Paris et Marseille après la Seconde Guerre mondiale.

Beaucoup de ceux qui sont arrivés étaient des travailleurs itinérants qui ont aidé à reconstruire une France endommagée par les bombes, mais ils ont rarement eu la possibilité de progresser économiquement, et encore moins socialement.

Au contraire, leurs descendants souffrent encore d’une discrimination chronique dans tous les domaines, y compris l’emploi et le logement.

Lorsque, en 2023, un adolescent d’origine algérienne a été abattu par la police à Paris, déclenchant des manifestations à grande échelle, le politicien conservateur Bruno Retailleau a déclaré que de nombreux manifestants « régressaient vers leurs origines ethniques ».

M. Retailleau a été accusé de racisme flagrant, mais cela ne l’a pas empêché de devenir ministre de l’Intérieur dans un pays qui semble récompenser ce type de bigoterie.

En réponse à la saga de l’influenceur, M. Retailleau a accusé les Algériens de « vouloir humilier la France ».

Employant des menaces voilées typiques, il a ajouté : « La France ne peut tolérer cette situation. Tout en gardant notre sang-froid, nous devons maintenant évaluer tous les moyens à notre disposition pour traiter avec l’Algérie. »

La colère n’a pas faibli, le ministre de la Justice Gérald Darmanin affirmant qu’il voulait supprimer les visites sans visa en France pour les responsables algériens.

Les ancêtres de M. Darmanin comprennent un grand-père algérien qui a collaboré avec l’occupant français pendant la guerre d’indépendance.

Comme beaucoup de membres de l’establishment parisien, il est instinctivement antipathique envers les Algériens moins « traîtres » et saisira toute occasion d’agir selon ses préjugés.

The connexion, 21/01/2025

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