Hillary Clinton, la plus marocaine des Américaines

Evasion dans l’Atlas, escapade à dos de chameau dans le sud marocain, visite de villages berbères et discours à Marrakech. Ainsi était programmé le séjour de 6 jours, du 27 mars au 1er avril 1999 de la Première dame des Etats-Unis au Maroc. Accompagnée de sa fille Chelsea, âgée de 19 ans à ce moment-là, «elles avaient été les hôtes du Palais à une longue soirée de réjouissances avant de rejoindre leur suite à la Mamounia», rapporte le Washington Post.

Malgré un penchant pour le Maroc, Hillary Clinton n’en reste pas moins une politicienne pure et dure.
Adiba Raji

Une image pour le moins inhabituelle qui, à l’époque, en avait surpris plus d’un! Hillary Diane Rodham Clinton, Secrétaire d’Etat américaine, et le roi Mohammed VI, plutôt à cheval sur le protocole, partageant un fou rire en plein sommet international du Forum pour le Futur en novembre 2009, pendant lequel le Maroc a présenté le projet des centrales solaires. Tout le monde s’était penché sur cette affinité entre le Souverain et Hillary Clinton et les supputations les plus farfelues sont allées bon train.

Pour la journaliste espagnole Atenea Acevedo, la photo publiée par l’agence presse espagnole EFE aurait une interprétation des plus simples: «Mohammed VI a certainement informé Hillary Clinton qu’une des centrales solaires sera installée à Laâyoune. La Secrétaire d’Etat a dû tenter sans succès de prononcer le nom d’une ville aussi exotique, si bien que le roi a été obligé de se servir de son index pour l’aider à le formuler. Elle s’est mise à rire de sa propre ignorance, et lui, chevaleresque, a souri».

Intimité

Ceci dit, cette scène renseigne sur le degré d’intimité qui existe entre l’ex-première dame et la famille royale. A préciser cependant que les Etats-Unis n’ont aucun intérêt direct ou indirect avec le projet solaire marocain! Par ailleurs, tout le monde se remémore les scènes de deuil, lors des funérailles de feu Hassan II le 26 juillet 1999. La famille Clinton avait fait le déplacement en Air Force One, l’avion officiel du Président des Etats-Unis. Hillary aurait même été à l’initiative de l’entorse au protocole sécuritaire de son mari. Bill Clinton a en effet accompagné la dépouille du défunt jusqu’au Mausolée à pied par respect, comme le veut la religion musulmane, mettant à mal les services de sécurité américains.

Mais ce n’est pas la première fois qu’Hillary Clinton foule le sol marocain. De fait, elle était déjà venue la même année en février. Ce n’est pas avéré, mais il semblerait, selon plusieurs concordances, que, ému et touché par l’affaire Lewinsky, Hassan II ait souhaité consoler l’ex-première dame bafouée par son mari volage. «L’histoire intime d’Hillary Clinton avec le Maroc remonte à 1999, lorsque la première dame des Etats-Unis avait été invitée par feu Hassan II pour la consoler des infidélités de Bill pendant le Monica Gate», raconte Ali Ammar dans un article pour Slateafrique.com rendant compte d’éléments cités par le Washington Post.

Caftan rouge

Evasion dans l’Atlas, escapade à dos de chameau dans le sud marocain, visite de villages berbères et discours à Marrakech. Ainsi était programmé le séjour de 6 jours, du 27 mars au 1er avril 1999 de la Première dame des Etats-Unis au Maroc. Accompagnée de sa fille Chelsea, âgée de 19 ans à ce moment-là, «elles avaient été les hôtes du Palais à une longue soirée de réjouissances avant de rejoindre leur suite à la Mamounia», rapporte le Washington Post.

Pendant son séjour, Clinton a été accueillie à chaque étape du voyage avec les honneurs dus à un chef d’Etat. Ainsi a-t-elle été reçue par le roi Hassan II et a assisté à une réception offerte en son honneur par le roi Mohammed VI, alors Prince héritier. C’est lors de cette soirée qu’elle arborait son magnifique caftan marocain de couleur rouge. «Lors d’une rencontre avec Hassan II, le roi dit à la Première dame des Etats-Unis qu’il la verrait bien en caftan rouge. Le soir même, Clinton trouva le caftan sur son lit», raconte une source. Ce ne sera pas son seul caftan, puisque Mohammed VI lui en aurait offert cinq autres lors de sa visite officielle à Washington en juin 2000.

Ces cadeaux étaient certainement personnels car non déclarés dans la liste des présents reçus par le couple présidentiel à la fin du mandat de Bill Clinton. La penderie d’Hillary n’a donc rien à envier à la plus marocaine des Marocaines! Dans son ouvrage The Final Days, la journaliste Barbara Olson avait révélé que «les caftans de Mohammed VI ne figuraient pas sur la liste des Clinton».

Proximité affective

Cela alors même que conformément à la coutume, les présents reçus par le couple présidentiel devaient être déclarés à la fin du mandat du Président. Le Washington Post a par ailleurs comparé les présents offerts par les Clinton à leurs relations, targuant ceux offerts à la famille royale marocaine de plus généreux que ceux des autres. Ainsi, le roi aurait reçu un tableau de l’artiste américaine d’origine arabe Helen Zughaib et Lalla Salma une paire de boucles d’oreilles précieuses. Alors que la Reine Elisabeth II n’aurait reçu qu’un iPod et l’ex-premier ministre britannique Gordon Brown une compilation de films américains. C’est dire la place du Maroc dans le cœur de Madame Clinton!

Du reste, Hillary Clinton, accompagnée de son mari et de sa fille, a aussi assisté au mariage du roi Mohammed VI en 2002. Une proximité affective certaine s’est illustrée de plusieurs manières, notamment via plusieurs voyages vers le Maroc, tel que son séjour à Marrakech pour les fêtes de fin d’année à la fin de son mandat à l’US department juste après la passation de pouvoirs avec son successeur John Kerry. D’après une légende urbaine, le grand-père de l’ex-Première dame, un juif marocain de Rissani, une ville de la province de Rachidia, aurait épousé une touriste américaine et immigré aux Etats-Unis.

Lors de sa première visite au Maroc en mars 1999, Rissani faisant partie de son circuit, Hillary Clinton avait en effet visité le Mausolée Moulay Ali Cherif en compagnie de la princesse Lalla Meryem. Les bruits ont couru au sujet d’une visite à la maison de son aïeul, ainsi que celle de sa nièce qui serait mariée à un guide touristique de la région et habiterait les montagnes de l’Atlas. Voilà de quoi en faire la plus marocaine des Américaines!

Protestante méthodiste

Pourtant, il est de notoriété publique qu’Hillary Clinton fait partie d’une famille chrétienne protestante méthodiste. Origines marocaines ou pas, Hillary Clinton ne limite pas son appréciation du pays à son côté pittoresque et carte postale. Elle s’implique également dans la promotion des droits des femmes marocaines. L’université Al Akhawayn à Ifrane a en effet créé l’Hillary Clinton Center (HCC) pour la promotion des droits de la femme, lors de la visite de l’ex-First lady à l’université, le 12 juin 1999 pour la remise des diplômes de la première promotion dont elle est la marraine.

Depuis, le HCC organise événements, rencontres et symposiums avec différents partenaires dont le Middle East Partnership Initiative (MEPI), ou encore le British Council. Sauf que l’américaine «ne suit ni de près ni de loin l’agenda ou les finances du centre qui porte son nom», apprend-on de source interne à l’université. En tant que Secrétaire d’Etat, Hillary Clinton a effectué deux visites officielles au Maroc. La première, en novembre 2009, lors du 6ème Forum pour le Futur. La deuxième, les 25 et 26 février 2012, lorsqu’elle a rencontré le Premier Ministre Abdelilah Benkirane, le ministre des Affaires étrangères Saad Eddine El Othmani ainsi que Taib Fassi Fihri, conseiller du Roi.

Lors de cette visite, la Secrétaire d’Etat a lancé les travaux de la nouvelle ambassade des Etats-Unis à Rabat. Quoiqu’il en soit, si Hilary Clinton montre un certain penchant pour le Maroc, il n’en reste pas moins que souvent la vraie politique de Washington prend le dessus sur les tropismes marocains. Ainsi, Hillary Clinton était aux abonnés absents, lorsqu’une résolution du Conseil de sécurité élargissant le mandat de la Minurso à la supervision du respect des Droits de l’Homme a failli passer.

Stratégie américaine respectée

Rien ne permet de dire, alors qu’elle occupait le poste de Secrétaire d’Etat, qu’elle ait mené un lobbying en faveur de la position marocaine, sachant qu’elle était la conseillère en affaires étrangères d’Obama, et qu’elle a une influence sur le président. Quand bien même elle n’a cessé de vanter les mérites, la stabilité du royaume ainsi que sa résilience, surtout pendant la période du printemps arabe. En façade, le discours est avenant, mais dans les coulisses la stratégie classique américaine est respectée. Par ailleurs, Hillary a été critiquée par la presse internationale quant au don d’un million de dollars de l’OCP à la «Clinton Global Initiative Middle East and Africa Meeting».

Cette somme a servi à financer une rencontre qui a pour but de rassembler des décideurs africains et moyen-orientaux qui devront entreprendre des actions pour résoudre des problèmes sociaux, économiques et environnementaux dans la région. Jugée comme «un don provenant d’une entreprise marocaine qui exploite les ressources du Sahara occidental», la participation de l’OCP a été critiquée et certains ont même demandé à ce que la somme soit restituée. C’est le cas du républicain Joe Pitts qui a appelé la Fondation Clinton à rendre le don. Suite à cela, Hillary Clinton a indiqué «qu’elle étudierait un éventuel arrêt des dons internationaux au cas où «elle serait candidate» au bureau ovale». La Présidente potentielle reprend vite le dessus sur toute autre facette d’Hillary Clinton!

La question à un million de dollars est: En quoi Clinton peut-elle faire évoluer les relations bilatérales en cas d’élection? Lors du dernier sommet Maroc-CCG, le roi s’est lancé dans une mise en doute du modus operandi occidental vis-à-vis du monde arabe, à la veille de la remise du premier draft de la résolution proposé par les Américains.Chaque année en avril, c’est la même histoire. Hillary peut-elle mettre un terme à cette série de déconvenues pour le Maroc? Et peut-elle éviter que le royaume bascule dans l’axe Pékin-Moscou? Certes, ses nombreuses marques d’amitié laissent penser qu’une nouvelle ère commence entre nos deux pays, mais comme on l’a vu, Hillary est prête à sacrifier ses amitiés sur l’autel de l’intérêt américain. «Beaucoup de choses ont changé depuis ma dernière visite au Maroc, il y a quelques années, sauf notre engagement dans notre amitié envers ce pays», déclarait-elle lors de sa visite officielle de février 2012. Cependant, le suspense demeure intact. Rendez-vous le 8 novembre 2016.

Economie Entreprises

————————————————————-

Elle a créé ce chaos et elle le sait

Pourquoi la révélation de WikiLeaks sur un accord « pay-to-play » avec le Maroc est une controverse typique de Clinton

Par Russell Berman

La principale critique formulée par les détracteurs de la Fondation Clinton est que l’ex-président et peut-être futur président ont participé à un système « pay-to-play », selon lequel des donateurs—dont beaucoup sont des gouvernements étrangers—contribuaient de l’argent à l’organisation caritative en échange d’un accès à Bill ou Hillary Clinton, ou pire, d’un traitement favorable du Département d’État.

Jeudi, des e-mails piratés de WikiLeaks suggèrent que c’est précisément ce qui s’est produit lorsque le roi du Maroc a accepté d’organiser un sommet de l’Initiative Clinton Global et de donner 12 millions de dollars, mais seulement si Hillary Clinton assistait à la réunion de mai 2015.

« Quoi qu’il arrive, elle sera au Maroc pour organiser le CGI du 5 au 7 mai 2015 », a écrit Huma Abedin, une proche conseillère d’Hillary Clinton, dans un e-mail de novembre 2014 adressé à plusieurs autres conseillers, dont le président de campagne John Podesta. « Sa présence était une condition pour que les Marocains poursuivent, donc il n’y a pas de retour en arrière. »

Le timing du sommet était important car le cercle intérieur d’Hillary Clinton planifiait le lancement officiel de sa campagne présidentielle et voulait libérer son emploi du temps de discours rémunérés et d’engagements envers la fondation, en particulier ceux qui pourraient provoquer des controverses politiques. En janvier 2015, Abedin a envoyé un autre e-mail expliquant plus en détail pourquoi la future candidate démocrate ne pouvait pas simplement annuler sa participation à l’événement au Maroc.

Juste pour vous donner un peu de contexte, la condition à laquelle les Marocains ont accepté d’organiser la réunion était la participation d’Hillary Clinton. Si elle n’y participait pas, la réunion ne pouvait pas avoir lieu. Le CGI ne poussait pas non plus pour une réunion au Maroc et ce n’était pas leur premier choix. C’était l’idée de Hillary Clinton, notre bureau a approché les Marocains, et ils croient à 100 % qu’ils agissent à sa demande. Le roi s’est personnellement engagé à donner environ 12 millions de dollars, à la fois pour la dotation et pour soutenir la réunion. Il serait difficile de revenir en arrière maintenant après toutes les occasions que nous avons eues de le faire au cours des derniers mois.

Et puis, dans ce qui semble être une rare expression de frustration d’Abedin envers Hillary Clinton (du moins dans les milliers d’e-mails piratés de Podesta), elle a écrit ceci à propos de sa patronne : « Elle a créé ce chaos et elle le sait. »

Finalement, les conseillers de Clinton ont réussi à la convaincre, et elle a envoyé Bill et Chelsea Clinton à sa place. Mais cet échange à propos du Maroc, rapporté pour la première fois par le New York Post, est l’exemple le plus clair jusqu’à présent dans les e-mails publiés par WikiLeaks du type d’arrangement que les gens trouvent le plus, eh bien, détestable chez les Clintons. Bill et Hillary voulaient qu’un donateur fortuné fasse une grande contribution et prenne en charge les frais d’une conférence élégante, et le roi du Maroc voulait un accès à la femme qui, à l’époque comme aujourd’hui, était la principale candidate pour être la prochaine présidente des États-Unis. Les Clintons ne semblaient pas se soucier que, comme l’a noté le Post, le Maroc ait un bilan mitigé en matière de droits de l’homme. Le Département d’État a cité le gouvernement marocain pour sa corruption généralisée, et la société minière publique qui a financé la réunion du CGI a elle-même été citée pour des violations des droits de l’homme.

La campagne de Clinton a refusé de commenter spécifiquement cet épisode, se contentant de livrer la déclaration générale qu’elle émet sur tous les e-mails de WikiLeaks : blâmer la Russie pour le piratage des e-mails de Podesta et se demander si la campagne de Donald Trump était impliquée dans cette violation. Cependant, compte tenu de la défense ferme d’Hillary Clinton de la fondation comme « une organisation caritative de renommée mondiale » lors du débat de mercredi soir, elle soutiendrait probablement que l’argent du Maroc a servi une bonne cause, que des liens plus forts favorisent l’influence des États-Unis et que son bilan en faveur des droits de l’homme est bien établi.

Tout cela peut être vrai, et rien dans l’échange ne semble être illégal. Hillary Clinton n’était pas secrétaire d’État à l’époque, et il n’y a aucune preuve dans les e-mails que le Maroc ait obtenu des concessions officielles en termes de politique américaine, sauf peut-être la bonne volonté du prochain président. Mais l’image des Clinton cherchant un chef d’État étranger contre de l’argent n’est pas flatteuse. Et comme l’a souligné Abedin, Hillary Clinton « le sait ».

C’est pourquoi l’épisode marocain est une controverse typiquement clintonienne. Ce n’est pas comme s’ils étaient des politiciens insensibles. Comme tant d’autres « scandales »—de la prétendue location de la chambre Lincoln dans les années 1990, à la grâce de Marc Rich, en passant par l’utilisation d’un serveur de messagerie privé par Hillary—les Clinton semblent savoir que ce qu’ils font aura mauvaise presse et soulèvera des questions d’éthique et de corruption, et pourtant, convaincus de leur propre droiture, ils le font quand même. Et le fait que ces failles continuent de se répéter aussi longtemps après leur entrée dans l’arène publique n’offre que peu d’espoir que les quatre prochaines années d’une possible Maison Blanche Clinton seraient différentes.

The Atlantic

#Maroc #SaharaOccidental #EtatsUnis #HillaryClinton #Wikileaks #FondationClinton

Visited 11 times, 11 visit(s) today

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*