Maroc Leaks : L’affaire Mustapha Adib-Général Bennani à Paris

Après l’incursion de l’ex-capitaine Mustapha Adib dans la chambre du général Abdelaziz Bennani à l’hôpital du Val-de-Grâce, c’est le roi du Maroc en personne qui a donné instruction à son ambassadeur à Paris, Chakib Benmoussa, pour qu’il demande au ministre des affaires étrangères français Laurent Fabius d’agir contre le trublion.

Contexte

Mustapha Adib est un ancien capitaine de l’Armée royale marocaine de l’air. Fin 1999, il est arrêté arbitrairement puis emprisonné pendant 30 mois après avoir dénoncé la corruption au sein de l’armée.

Mustapha Adib était en poste à Errachidia et était responsable de la maintenance des télécommunications dans les forces aériennes marocaines, il y fut témoin de vols de carburant par des hauts gradés de l’armée. Fin 1998, il écrivit une lettre à Mohammed VI (alors prince héritier) dénonçant la corruption dont il était témoin. Il fut poursuivi pour les mêmes faits qu’il dénonçait mais fut dans un premier temps acquitté. Il fut ensuite reçu par le nouveau commandant de l’armée de l’air, Ahmed Boutaleb et après avoir insisté pour que les fonctionnaires corrompus soient poursuivis, il fut condamné en 2000 à 30 mois de prison.

Après sa sortie de prison, il a été harcelé par l’armée et contraint de démissionner. Il a quitté l’armée et s’est installé à Paris où il a obtenu un diplôme d’ingénieur. Il est depuis devenu un fervent militant des droits de l’homme et un opposant au régime de Mohammed VI.

Le 18 juin 2014, Mustapha Adib s’est rendu au Val-de-Grâce , l’hôpital où le général Abdelaziz Bennani, inspecteur général des Forces armées royales marocaines de 2004 à 2014, suivait un traitement en France. Il a tenté de rendre visite au général mais n’a pas été autorisé à accéder à la chambre, après quoi il lui a laissé un bouquet de fleurs bon marché et un message, dans lequel il accusait Bennani d’être un criminel responsable de la mort de milliers de personnes, de l’appauvrissement de milliers d’enfants soldats décédés et d’un corrompu qui a volé les biens de l’État. Bennani est empêtré dans des soupçons de corruption à haut niveau selon diverses sources, y compris des câbles diplomatiques américains divulgués.

Par l’intermédiaire de l’agence de presse officielle Maghreb Arabe Presse , l’État marocain a protesté contre cet incident et a déclaré qu’Abdelaziz Bennani a été « agressé moralement », avec la complaisance tacite des autorités françaises. Le chef des renseignements extérieurs marocains ( DGED ), Yassine Mansouri a convoqué l’ambassadeur de France à Rabat pour protester.

L’ambassadeur du Maroc à Paris et ancien ministre de l’Intérieur, Chakib Benmoussa, a tenté de rencontrer le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius pour lui faire part de son « mécontentement » face à l’incident, mais n’a été reçu que par son chef de cabinet.

Le 20 juin 2014, Mustapha Adib a été brièvement placé en garde à vue par la gendarmerie française , apparemment en réponse aux protestations des responsables marocains. Il a été libéré le même jour, après quoi il a annoncé qu’il poursuivrait en justice Abdelaziz Bennani, le roi Mohammed VI et trente autres responsables marocains.

L’incident s’est produit à un moment où les autorités marocaines se plaignent d’un certain nombre d’incidents, notamment d’une plainte déposée en France contre Abdellatif Hammouchi (le chef des services secrets marocains), pour avoir prétendument torturé des suspects (comme Zakaria Moumni ), qui a incité le Maroc à suspendre la coopération judiciaire avec la France et fait actuellement l’objet d’une enquête par des juges français. Et une citation présumée de l’ambassadeur de France à l’ONU, dans laquelle il a décrit l’État marocain comme une « maîtresse » que l’on n’aime pas mais que l’on doit défendre. La citation serait venue comme une réponse allégorique à l’acteur Javier Bardem qui l’interrogeait sur la position de la France sur le Sahara occidental au Conseil de sécurité.

Document divulgué par le hacker Chris Coleman au sujet de l’affaire Adib-Bennani :

Objet : Relations Maroc-France/Déclaration du Quai d’Orsay

J’ai l’honneur de vous faire part, ci-après, de la déclaration du Porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères et du développement international, lors du Point de presse quotidien du vendredi 20 juin 2014, répondant aux questions des journalistes au sujet de l’agression morale dont a été victime, le 18 juin, le Général de Corps d’Armée Abdelaziz Bennani, dans sa chambre de l’hôpital parisien de Val-de-Grâce, de la part du dénommé Mustapha Adib.

Début de citation :

Le Maroc

Q – Les relations entre la France et le Maroc traversent de nouveau des tensions graves, avec l’affaire touchant un général marocain hospitalisé dans un hôpital militaire parisien. La France, a-t-elle apporté des réponses aux interrogations marocaines  ?

R —Haut du formulaire. Nous avons immédiatement pris la mesure de la vive émotion suscitée par l’incident survenu au Val-de-Grâce. Il est totalement anormal qu’une haute personnalité marocaine, qui vient en France pour des traitements médicaux, se voit délivrer des lettres menaçantes. La famille a porté plainte. La justice est saisie. Il sera donné à cette plainte les suites judiciaires qui s’imposent.

De notre côté, nous avons aussitôt lancé une enquête et pris les mesures de protection nécessaires. Le chef d’État-major du président de la République s’est rendu au chevet de notre hôte marocain. Nous ne transigeons pas sur la sécurité des personnalités qui se trouvent sur notre sol. Les liens d’amitié qui nous unissent au Maroc nous commandent d’être particulièrement vigilants dés que nous avons connaissance de ces visites. Cette détermination a été soulignée auprès de l’ambassadeur du Maroc en France.

L’objectif des autorités françaises est de reprendre au plus vite le cours normal de notre coopération dans tous les domaines, dans le climat de confiance et de respect mutuel qui caractérise traditionnellement l’amitié franco-marocaine.

Q – La crise continue malgré toutes les déclaration d’apaisement. Qu’est-ce qui bloque?

R – Nous avons avec le Maroc un partenariat d’exception. Ce partenariat a été illustré par la visite d’Etat que le président de lu République y a effectuée l’année dernière. Nous avons avec le Maroc des coopérations dans tous les domaines. La coopération judiciaire est suspendue depuis quelques semaines. Nous travaillons activement pour qu’elle puisse reprendre rapidement.

Q – Mais apparemment ce travail n’a pas encore porté ses fruits.

R — Il se poursuit jusqu’à ce que nous puissions reprendre cette coopération.

Q – Alors jusqu’à quand ? Car les incidents se multiplient.

R – Ce sont dès incidents qui sont sans rapport avec cette coopération. Ce qui s’est passé au Val-de-Grâce est un incident isolé.

Q – Que s’est-il passé exactement  ?

R – La famille a porté plainte. La justice établira les circonstances exactes de ce qui s’est
passé », fin de citation.

Source :

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Objet : Entretien avec l’Ambassadeur de France

1- Suite aux instructions de M. le Ministre, j’ai reçu, aujourd’hui et à sa demande, l’Ambassadeur de France à Rabat M. Charles Fries qui était accompagné du Ministre-Conseiller de l’ambassade M. Ludovic Pouille. L’entretien a porté sur l’incident grave survenu le 18 juin à l’hôpital Val de Grâce.

2- L’Ambassadeur Fries m’a remis la lettre en annexe, adressée par M. Laurent Fabius, Ministre des Affaires étrangères et du Développement international, à M. Salaheddine Mezouar, Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération.

3- En complément des informations contenues dans la lettre, l’Ambassadeur Fries a précisé qu’Adib « a été mis aujourd’hui en garde à vue conformément à l’article 222-17 du code pénal français, applicable dans les cas de menace de mort ».

4- En réponse à ma remarque sur les circonstances et la procédure inédite d’octroi de la nationalité française à Adib, M. Fries a précisé que « c’est la question qui tue ! On s’est posé la même question. Une enquête est en cours pour définir les circonstances réelles de cette naturalisation. On vous tiendra au courant ».

5- M. Fries a réitéré l’engagement des autorités françaises à œuvrer pour que les relations bilatérales reprennent leur cachet d’amitié sincère et leur caractère exceptionnel.

6- Il a toutefois relevé « le communiqué inédit par son ton et son contenu du Chef de Gouvernement qui évoque entre autres l’acharnement des autorités françaises contre le Maroc ». En réaction, j’ai précisé que de part son caractère grave et la stature de la personnalité concernée, l’incident a affecté l’ensemble des institutions et des forces vives marocaines. La réaction de M. le Chef de Gouvernement est tout à fait naturelle, il en a fait de même par rapport à l’incident du 20 février.

7- J’ai souligné enfin que cet incident confirme un élément qui a toujours été présent dans nos entretiens, à savoir la présence de personnes malintentionnées qui utilisent le territoire français, s’appuient sur certaines complaisances voire complicités en France et exploitent les brèches qui existent dans certaines procédures françaises pour nuire aux intérêts du Maroc. Cette situation devrait interpeler les autorités françaises et les pousser à réagir par des mesures concrètes.

Le Secrétaire Général du Ministère des Affaires Etrangères Nasser Bourita

Source :

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Laurent Fabius intervient pour museler le Capitaine Adib

Après l’incursion de l’ex-capitaine Mustapha Adib dans la chambre du général Abdelaziz Bennani à l’hôpital du Val-de-Grâce, c’est le roi du Maroc en personne qui a donné instruction à son ambassadeur à Paris, Chakib Benmoussa, pour qu’il demande au ministre des affaires étrangères français Laurent Fabius d’agir contre le trublion. C’est-à-dire de l’empêcher de continuer à harceler les autorités marocaines en France.

Dans un document révélé par le hacker Chris Coleman, Laurent Fabius donne à son homologue marocain Salaheddine Mezouar des informations sur Mustapha Adib, puis lui annonce que le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, a demandé à la justice française « que des poursuites soient engagées » contre Adib pour « injures, propos diffamatoires et menaces ».

De cette lettre, peut-on conclure que, contrairement à ce qu’avancent les autorités politiques françaises, le pouvoir donne bien des instructions à la justice française pour gêner ses adversaires ou, comme c’est ce cas, embêter les adversaires de ses amis, en l’occurrence les autorités marocaines. Car Adib a été arrêté par la gendarmerie et gardé à vue pendant 8 heures. Ce qui était, comme l’ont reconnu plusieurs sources du Palais de justice de Paris, totalement disproportionné.

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