Etiquettes : Sahara Occidental, Maroc, Front Polisario, Etats-Unis, Hassan II, droit de poursuite, Algérie, Mauritanie,
Télégramme 218. De l’Ambassade en Algérie au Département d’État
Alger, le 23 novembre 1977, 16h30Z
2959. UNCINCEUR pour POLAD. Sujet : Le Sahara deux ans après la Marche Verte.
Résumé : Bien que le Maroc et la Mauritanie contrôlent militairement la majeure partie du Sahara et bénéficient d’une position diplomatique relativement solide, le dossier est loin d’être clos. Le Polisario a développé une base organisationnelle et même populaire, un gouvernement en exil, une campagne de relations publiques internationale efficace, ainsi qu’une force de combat apparemment performante. À ce stade, la Mauritanie souffre militairement, le Maroc s’est senti suffisamment pressé pour intensifier le conflit, et après la capture de davantage d’otages français, la France a renforcé son engagement en soutien à la Mauritanie.
Malgré le risque d’une guerre sans issue entre l’Algérie et le Maroc, nous ne voyons aucune intention, de part et d’autre, d’abandonner des positions rigides. Nous pensons donc que les États-Unis devraient rester en dehors du conflit et maintenir une politique de neutralité. Dans le même temps, nous devrions rester en contact avec les Soviétiques à ce sujet ainsi qu’avec les protagonistes. Fin du résumé.
Le contexte : Les événements au Sahara depuis la mi-octobre ont fait monter la tension dans la région à un niveau inédit depuis la période immédiatement postérieure à la Marche Verte, début 1976. Les attaques réussies du Polisario à Sebkhat Oum Drouss (les 13–14 octobre) et à Zouerate (le 23 octobre) semblent avoir provoqué la déclaration du Roi Hassan sur le droit de poursuite des guérilleros du Polisario au-delà de la frontière algérienne. L’enlèvement par le Polisario, le 23 octobre, de deux autres techniciens français travaillant en Mauritanie et la décision apparente de la France de renforcer les défenses de ce pays ont ajouté une nouvelle dimension au conflit, donnant au régime algérien à la fois une nouvelle cause et peut-être une pause pour réfléchir. Les dernières tentatives de médiation semblent avoir échoué, et au moment où ce télégramme est rédigé, il semble que le Polisario ait envenimé la situation en lançant de nouvelles attaques dans le Sahara, au sud du Maroc, et contre le train de minerai de fer de Zouerate en Mauritanie.
Dans ce contexte, nous soumettons l’analyse suivante : où en est selon nous le conflit, quelles sont les perspectives de règlement et comment les intérêts des États-Unis sont-ils affectés ?
Bilan politico-militaire au Sahara : le dossier reste ouvert : Deux ans après la Marche Verte du Roi Hassan dans le Sahara, le conflit sur l’ancienne colonie continue sans relâche. Les principaux éléments de la situation sont les suivants :
A. Position maroco-mauritanienne établie : Après deux ans, aucune propagande algéro-polisarienne ne peut dissimuler le fait du contrôle maroco-mauritanien sur les principaux points stratégiques de l’ancienne colonie. La force armée marocaine dans et autour du Sahara est estimée entre 20 000 et 30 000 hommes, et l’armée mauritanienne a rapidement grandi pour relever le défi du Polisario. Bien que les Marocains aient peut-être abandonné certains postes reculés comme Bir Lahlou dans l’est du Sahara, leur contrôle sur toutes les grandes villes est incontesté, tout comme leur capacité à reprendre tout village qu’ils auraient évacué pour des raisons tactiques. Nous avons l’impression que les « opérations » du Polisario contre les villes sahariennes sont très limitées.
B. Position maroco-mauritanienne solide : Une campagne diplomatique majeure menée par l’Algérie n’a pratiquement fait aucun progrès pour briser le soutien arabe quasi unanime à la prise de contrôle du Sahara par le Maroc et la Mauritanie. Les Africains et le reste du Tiers-Monde, tout en défendant souvent le droit à l’autodétermination, semblent réticents à s’impliquer dans ce conflit. Ainsi, le sommet extraordinaire de l’OUA sur le Sahara n’a pas encore eu lieu, et peu de pays, autres que les onze ayant reconnu la République sahraouie,3 sont prêts à mener un combat pour la dénonciation de l’Accord de Madrid et la condamnation de l’occupation maroco-mauritanienne. La plupart des gouvernements du Tiers-Monde semblent reconnaître la complexité de la situation et préfèrent détourner le regard.
C. Le Polisario vivant et bien en vie : Les deux années écoulées depuis la Marche Verte ont vu l’Algérie et le Polisario transformer ce dernier, d’un petit groupe mal armé de quelques centaines d’hommes, en une organisation dotée d’un « gouvernement en exil », d’une structure politique avec des représentants dans le monde entier, d’une « base populaire » bien organisée dans les camps de réfugiés de Tindouf, d’un effort de relations publiques international efficace, et d’une force de combat apparemment efficace de plusieurs milliers d’hommes. Dans le cadre de la guerre de position qui existe sur le terrain, le Polisario a développé la sophistication de ses armements et, par conséquent, l’ampleur et la portée de ses opérations, au point que le gouvernement mauritanien est en difficulté à la fois militairement et économiquement, et que les Marocains sont suffisamment sous pression pour provoquer le discours du 6 novembre du roi Hassan sur la « poursuite chaude ». Diplomatiquement, le Polisario, bien que n’ayant pas réussi à obtenir un soutien mondial pour sa cause, a au moins commencé à défendre son point de vue de manière plus efficace dans le monde entier, notamment aux États-Unis et à l’ONU. En résumé, le Polisario semble être une organisation qui restera parmi nous pendant un certain temps.
D. Les réfugiés : Depuis la Marche Verte, les Algériens et le Polisario ont constitué un noyau de personnes ayant quitté le Sahara pour en faire un groupe impressionnant de réfugiés, tous apparemment animés par le nationalisme sahraoui et un désir de retourner dans leur « patrie ». Il est certain que parmi ces personnes, il y a des réfugiés qui vivaient dans l’ex-Sahara espagnol, qui craignaient ou étaient poussés à craindre les Marocains et, dans une moindre mesure, les Mauritaniens, et qui ont donc fui vers l’Algérie. Il est seulement un peu moins certain que les camps contiennent un nombre significatif de Sahraouis venus d’autres régions du désert, soit pour fuir la sécheresse du Sahel, soit tout simplement parce que les Algériens et le Polisario les ont incités à venir. Néanmoins, aussi bien que l’on puisse remettre en question leurs origines, les réfugiés, grâce à un effort organisationnel majeur des Algériens et du Polisario, sont devenus pour le monde extérieur « un peuple » dont les droits en tant que groupe doivent être pris en compte dans le règlement du problème du Sahara. Paradoxalement, la continuation du conflit du Sahara développe une identité nationale chez un peuple nomade qui n’en avait pas vraiment avant.
E. La France et ses otages : Suite à la prise de deux nouveaux otages français par le Polisario en Mauritanie le mois dernier, la France a montré une plus grande volonté d’aider la Mauritanie, même si cela a signifié la détérioration des relations franco-algériennes. L’effet de l’assistance française sur l’effort de guerre mauritanien en déclin reste à voir. En Algérie, cela a produit une nouvelle poussée de francophobie et a alimenté la peur du régime d’un axe Rabat-Paris déterminé à détruire la révolution algérienne. Mais, jusqu’à présent, cette francophobie n’a pas déclenché de représailles violentes contre les ressortissants français ou les biens français en Algérie.
6. Attitudes actuelles : À ce stade du conflit, les attitudes des principaux acteurs semblent les suivantes :
A. L’Algérie : La politique algérienne au Sahara semble avoir eu un certain succès à court terme, même si les avantages à moyen et long terme de cette politique pour l’Algérie sont douteux. Les difficultés auxquelles la Mauritanie fait face en raison de l’activité du Polisario sont une preuve évidente de l’efficacité des guérilleros, et l’annonce de la poursuite chaude par le roi Hassan suggère que les pertes marocaines sont devenues suffisamment graves pour l’obliger à réagir avec une intensité accrue. Le fait que ce « succès » algérien ait rapproché l’Algérie et le Maroc d’une guerre que personne des deux côtés ne souhaite est un point qui, selon nous, n’échappe pas à la direction algérienne. Pour le moment, cependant, le régime algérien est obsédé par la défaite diplomatique représentée par l’Accord de Madrid et semble totalement préoccupé par le fait de faire payer les Marocains pour cet échec. La direction ici a de bonnes raisons de croire qu’elle marque des points dans ce domaine, et malgré l’indifférence apparente du peuple algérien à la lutte, son intérêt principal semble être de maintenir la pression.
B. Le Polisario : L’intérêt du Polisario pour le conflit diffère de celui des Algériens uniquement en ce qu’il ne semble pas être contraint par la peur d’une guerre algéro-marocaine. Un tel conflit ne ferait que dramatiser sa cause et pourrait produire une nouvelle situation dont il pourrait tirer profit.
C. Le Maroc : Il apparaît de notre point de vue que l’engagement du roi Hassan pour sa politique actuelle au Sahara reste total et que celui de son peuple est seulement légèrement moins marqué. Les Marocains parlent de temps en temps de « solutions de sauvegarde de la face » pour Boumediene, mais sont compréhensiblement réticents à faire des concessions de type algérien. La discussion continue du Maroc sur la possibilité d’accorder des concessions économiques à l’Algérie dans un Sahara marocain manque le point essentiel que l’intérêt algérien dans le conflit est géopolitique, non économique.
D. La Mauritanie : Bien que plus directement menacée par l’état actuel des choses au Sahara que le roi Hassan, notre impression d’Alger est que l’engagement du gouvernement mauritanien à maintenir sa position dans la guerre du Sahara reste élevé. Cette impression est soutenue par la perception générale ici que l’état actuel des affaires implique Ould Daddah dans une lutte pour sa survie politique.
7. Intérêts des États-Unis : En résumé, les protagonistes du conflit du Sahara semblent, pour le moment, déterminés à poursuivre leurs politiques actuelles, et aucune solution politique ou militaire ne semble en vue. Dans cette situation, nous identifions les intérêts suivants des États-Unis :
A. Rester en dehors : Le conflit du Sahara n’est pas un conflit que l’on peut raisonnablement espérer influencer, ni un conflit dans lequel nous avons un intérêt vital. Une guerre entre l’Algérie et le Maroc toucherait un intérêt américain majeur seulement si les installations de GNL à Arzew étaient attaquées, et une victoire militaire de l’Algérie ou du Maroc ne serait pas cruciale pour nous. Il serait donc préférable de limiter nos efforts, comme nous le faisons actuellement, à conseiller la modération. Les deux parties ont demandé, et continueront probablement à demander, que nous jouions un rôle de médiateur ; pour l’instant, cependant, chacune est engagée dans une politique diamétralement opposée à celle de l’autre et semble s’intéresser à notre « médiation » principalement comme un moyen de nous encourager à faire pression sur l’autre et de présenter une image d’hommes d’État au monde.
B. Continuer nos politiques actuelles : N’ayant pas de solution politique évidente à ce problème, notre politique actuelle de neutralité sur le fond du dossier semble la plus logique. L’administration semble avoir réussi à convaincre le régime algérien de sa neutralité dans le conflit, et nous devrions nous efforcer de maintenir cette position en évitant de prendre des positions sur le sujet dans des forums comme l’ONU. Le niveau actuel de notre assistance militaire au Maroc est accepté comme une réalité de la région. Nous estimons qu’il est préférable de le maintenir au niveau actuellement envisagé.
C. Rester en contact avec les Soviétiques : Une menace majeure pour nos intérêts serait une escalade d’un futur conflit algéro-marocain dans lequel nous et les Soviétiques nous retrouverions à réapprovisionner nos clients respectifs. Nous avons l’impression que les Soviétiques, peut-être en raison de leur intérêt pour les phosphates marocains, sont plus véritablement neutres sur la question du Sahara aujourd’hui (voir Algiers 2954) qu’ils ne l’étaient en 1975 et 1976. Il est évidemment dans l’intérêt des États-Unis qu’ils le demeurent. Nous pensons qu’il serait utile de discuter régulièrement de la question avec les Soviétiques et de les encourager à maintenir leur neutralité.
D. Maintenir des contacts de haut niveau avec les protagonistes : Pour suivre les éventuels changements dans les attitudes des protagonistes, nous devrions continuer à discuter fréquemment de la question du Sahara avec les porte-parole des régimes des deux côtés. Les visites de Boumediene et de Hassan à Washington seront utiles à cet égard.
8. Nous apprécierions des commentaires sur ce qui précède, en particulier de la part des ambassades de Nouakchott et de Rabat ainsi que d’autres destinataires.
Haynes
Source : Département d’Etat
– – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – –
256. Télégramme du Département d’État à l’Ambassade au Maroc1
Washington, 30 juillet 1980, 2356Z
202300. Objet : Politique marocaine rapportée de poursuite au-delà des frontières internationales.
(S) Texte intégral.
Nous sommes préoccupés par les indications actuelles que l’efficacité militaire accrue du Maroc pourrait être accompagnée d’une tendance accrue à poursuivre les forces du Polisario, y compris des violations temporaires des frontières internationales. Ces indications incluent d’éventuelles pénétrations récentes de l’espace aérien algérien et mauritanien par des avions de la RMAF. [Page 628] Récemment, une source marocaine nous a déclaré2 [moins d’une ligne non déclassifiée] que la RMAF est désormais prête à poursuivre le Polisario, même si cela signifie violer l’espace aérien des voisins. La source a également indiqué que des attaques éventuelles contre des bases du Polisario en Algérie ou des combats aériens entre avions marocains et algériens ne pouvaient être écartés.
Le Département ne peut pas envisager avec sérénité un développement apparent de la doctrine tactique marocaine qui entraîne un risque important d’engagement du Maroc dans une confrontation militaire directe avec l’Algérie. Nous croyons donc qu’à la première occasion, vous devriez transmettre notre préoccupation au Roi Hassan, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un médiateur approprié. Les circonstances de la conversation de la source marocaine avec nos responsables étaient telles que vous ne pouvez pas y faire directement référence dans une discussion avec Hassan, mais nous pensons que vous pouvez exprimer le point par indirecte.
Lors de la formulation de votre message spécifique, vous pouvez inclure les points suivants :
— Nous soutenons fermement l’objectif d’un règlement de compromis dans des termes avec lesquels toutes les parties intéressées, et en particulier le Maroc, peuvent être d’accord.
— Nous comprenons le besoin du Maroc de réaliser une performance militaire forte contre le Polisario. Il s’agissait d’une préoccupation importante qui a sous-tendu les modifications que nous avons apportées à notre politique en matière d’armements l’automne dernier.
— Bien que nous ayons clairement exprimé notre soutien continu à l’intégrité territoriale du Maroc, nous avons également cru que cette intégrité ne serait pas renforcée par un élargissement de la guerre, en particulier si cela impliquait l’Algérie.
— Nous avons dit au Polisario ce printemps que nous ne maintiendrions pas un dialogue continu avec eux tant qu’ils opéraient à l’intérieur du territoire du Maroc.3
— Nous sommes donc préoccupés par les rapports récents selon lesquels, fin juin ou début juillet, des avions de la RMAF sont entrés dans l’espace aérien algérien à la poursuite des forces du Polisario. Nous comprenons qu’une incursion similaire pourrait avoir eu lieu en Mauritanie.
— Nous espérons que cela ne signifie pas que désormais les avions de combat marocains et peut-être d’autres forces pourront être autorisés à suivre la doctrine de poursuite des forces en retraite du Polisario sur le territoire algérien. Il est facile de concevoir un scénario dans lequel cela pourrait rapidement conduire à une confrontation grave entre les deux pays.
— Nous ne croyons pas qu’une telle doctrine de poursuite chaude soit nécessaire pour persuader soit le Polisario, soit la direction algérienne de l’importance du compromis comme condition préalable à un règlement négocié. Au contraire, une extension de la guerre résultant de la poursuite chaude pourrait nuire à la position du Maroc sur la scène internationale et aux États-Unis.
Muskie
Source : Département d’Etat
————————-
Télégramme de l’Ambassade au Maroc au Département d’État
Rabat, 2 août 1980, 1237Z
Sujet : Politique marocaine rapportée de poursuite à travers les frontières internationales. Réf : (A) State 202300, (B) State 202281.
(S) – Texte complet.
Résumé et introduction : L’Ambassadeur Duke a remis le message (réf B) et a exécuté l’instruction (réf A) avec le Conseiller royal Guedira dans l’après-midi du 1er août ; le DCM l’a accompagné. Guedira nous a reçus chez lui, seul. La rencontre a duré une heure et s’est déroulée dans une atmosphère cordiale.
L’Ambassadeur a ouvert la discussion en présentant le message du Secrétaire adjoint (deuxième télég. réf) que Guedira a accueilli avec plaisir, demandant une copie pour la montrer au Roi (plus tard dans la même journée).
L’Ambassadeur, notant qu’il parlait sous instruction, est alors passé à la question de la politique marocaine en ce qui concerne la poursuite à travers les frontières internationales. Il a rappelé les points évoqués dans le paragraphe 4 du premier télégramme de référence (à l’exception du quatrième, concernant le dialogue avec le Polisario, qui était inopportun au vu des réponses de Guedira – voir ci-dessous), suscitant une réponse ferme de Guedira dans les termes suivants :
A. Le Roi, depuis le début, s’est préoccupé de contenir le conflit avec l’Algérie au plus bas niveau possible. En conséquence, lorsque le Polisario a commencé à attaquer un territoire incontestablement marocain depuis l’Algérie et à se replier [Page 630] en Algérie (ce qui, du point de vue du droit international, place la responsabilité sur l’Algérie), le Roi a écrit une lettre à Boumediene, que Guedira a dit avoir rédigée. La lettre indiquait que le Maroc n’avait pas exercé jusqu’à présent le droit de poursuite (droit de suite) et ne comptait pas le faire maintenant, mais qu’il ne fallait pas pousser trop loin.
B. Guedira, en réponse à la question de l’Ambassadeur, a dit qu’il connaissait l’opinion et la volonté du Roi sur cette question et pouvait affirmer sans ambiguïté que la politique du Maroc n’avait pas, répétons, pas changé. Qu’est-ce qui avait déclenché ces représentations de la part d’un gouvernement ami ?
C. L’Ambassadeur, ayant évoqué la pénétration de l’espace aérien algérien par la RMAF en juin/juillet et une possible récente incursion dans l’espace aérien mauritanien, Guedira a hoché la tête et a dit qu’Alger avait protesté à l’époque par l’intermédiaire de l’Ambassadeur tunisien ici (la Tunisie étant la puissance protectrice de l’Algérie au Maroc depuis la rupture entre Rabat et Alger). Les Marocains avaient répondu que l’incident était involontaire (« la frontière est difficile à déterminer à la vitesse du jet »), que l’agression contre l’Algérie n’était pas, répétons, pas intentionnelle, et que la posture du Maroc sur le droit de suite demeurait inchangée.
D. L’Ambassadeur, a poursuivi Guedira, avait été présent lorsque le Roi avait reçu le PermRep des États-Unis à l’ONU, McHenry. Le Roi avait dit à McHenry qu’il voulait que le Maroc et l’Algérie ainsi que les autres parties au conflit saharien dialoguent. L’attitude du Roi était constante. Elle n’avait pas changé. Le Roi ne ferait rien vis-à-vis de l’Algérie, en particulier maintenant (lors de la phase post-sommet de Freetown) qui rendrait plus difficile, voire impossible, pour les Algériens de s’asseoir avec le Maroc.
E. Guedira a exprimé ensuite « notre » profonde préoccupation quant à l’évolution de la politique mauritanienne à l’égard du Maroc. « Ils sont pires que les Algériens ». Il a nié toute incursion marocaine et a pointé l’incohérence des allégations mauritaniennes sur les attaques marocaines d’abord sur cette ville, puis sur celle-là, etc. Il a demandé si nous savions que la population de Nouadhibou avait manifesté le 31 juillet « contre les mensonges du GIRM » ? L’Ambassadeur a répondu que Boulanouar était certes très proche de la frontière ; cependant, les Mauritaniens nous avaient montré des munitions de fabrication américaine qu’ils affirmaient avoir été utilisées par des avions marocains lors de l’incident allégué.
L’Ambassadeur a conclu cette partie de la conversation en remettant à Guedira une copie du rapport du HFAC (Zablocki) du 8 juillet sur la récente visite d’une CODEL en Afrique du Nord. Bien que le GOM ne soit pas entièrement d’accord avec le contenu du rapport, a déclaré l’Ambassadeur, il reflétait néanmoins la compréhension des auteurs de l’intérêt du Maroc pour aller vers une solution négociée du problème saharien, un point crucial.
La conversation s’est ensuite déplacée vers le sujet des intentions post-sommet OUA de Freetown du Maroc, un sujet que nous aborderons dans un télégramme séparé. Elle s’est terminée par la demande de Guedira que nous fournissions une copie informelle des points de discussion que l’Ambassadeur avait utilisés pour exécuter ses instructions, ce qui a été fait par la suite.
L’Ambassadeur n’a pas eu l’occasion de clarifier ce message mais est conscient de sa transmission.
Sebastian
Source : Département d’Etat
———————————
Mémorandum du Secrétaire d’État Muskie à Président Carter
Washington, le 4 août 1980
[Le texte concernant des éléments non liés au Sahara Occidental a été omis.]
Doctrine marocaine de « poursuite en chaleur » niée ; accusations mauritaniennes : L’ambassadeur Duke a soulevé la question de la politique marocaine de « poursuite en chaleur » auprès du conseiller royal de Hassan, Guedira,2 conformément aux instructions que nous lui avons envoyées la semaine dernière après avoir appris que des avions marocains avaient violé l’espace aérien algérien.3 Guedira a « affirmé de manière catégorique que la politique du Maroc n’avait pas changé » ; que le Maroc n’avait jusqu’à présent exercé aucun droit de poursuite en chaleur et n’avait pas l’intention de le faire ; et que Hassan ne ferait rien vis-à-vis de l’Algérie qui compliquerait le début des négociations entre le Maroc et l’Algérie.
[Page 632]
Pendant ce temps, les autorités et les médias mauritaniens ont accusé vivement le Maroc d’avoir lancé une attaque aérienne injustifiée contre le territoire mauritanien le 29 juillet.4 Leur récit a varié plusieurs fois quant à l’emplacement de l’attaque et aux dégâts, mais une inspection sur place par notre chargé d’affaires à Nouakchott donne du crédit à l’idée que des munitions ont frappé le sol jusqu’à 6 km à l’intérieur du territoire mauritanien. L’action marocaine semblait se limiter à quelques passages de mitraillage près de la frontière mauritanienne avec le Sahara occidental. Les Mauritaniens ont choisi d’en faire un point majeur. Ils ont rappelé leur ambassadeur de Rabat le week-end dernier. Le Maroc a catégoriquement nié qu’une telle attaque ait eu lieu.
À Nouakchott, le président Haidalla a protesté vigoureusement auprès de notre chargé d’affaires concernant l’utilisation d’armements américains dans l’agression marocaine, car des roquettes non explosées prétendument trouvées après « l’attaque » étaient d’origine américaine, comme l’a confirmé l’inspection sur place de notre chargé d’affaires.5
Quels que soient les faits (et nous ne saurons peut-être jamais avec certitude), le tollé mauritanien semble essentiellement destiné à attiser les sentiments anti-marocains et peut-être à préparer le terrain pour des mesures visant à rapprocher la « neutralité » mauritanienne dans le conflit du Sahara occidental de positions pro-Polisario et pro-algériennes.
[Le texte concernant des éléments non liés au Sahara Occidental a été omis.]
Source : Département d’Etat
—————————————————–
386. Télégramme du Département d’État à plusieurs destinataires
281066.
Washington, le 22 octobre 1981, 0038Z
Nouakchott pour le secrétaire adjoint Crocker. Sujet : Sahara Occidental : Tensions entre le Maroc et la Mauritanie. Réf : A) Rabat 7641, B) FBIS NC 2022041, C) Nouakchott 5020, D) État 277390 (Notal), E) FBIS NC 211500, F) État 280002.
Secret – Texte intégral.
Les tensions causées par la bataille du 13 au 16 octobre entre les forces marocaines et le Polisario à Guelta Zemmour dans le Sahara Occidental se sont maintenant étendues pour inclure la Mauritanie. Le roi Hassan a averti les Mauritaniens contre l’utilisation de leur territoire par le Polisario (réf A) et le général Dlimi du Maroc aurait affirmé que l’Armée de l’air marocaine a frappé les forces du Polisario à l’intérieur de la Mauritanie (réf B). Le président mauritanien Haidalla a nié à la fois les accusations du roi et la revendication de Dlimi. (Réf C.)
Ces développements augmentent l’urgence d’une action de la part du Comité de mise en œuvre de l’OUA pour entamer des négociations sur le cessez-le-feu envisagé à Nairobi II. Le Secrétaire a déjà recommandé que le président kényan Moi prenne l’initiative à cet égard. (Réf D.) Nous avons connaissance de rapports de presse indiquant que Moi a envoyé un message au Polisario (et vraisemblablement à d’autres parties) demandant la fin des combats (réf E), auquel le Polisario a répondu en réaffirmant sa demande de négociations directes. Nous pensons que le Comité de mise en œuvre lui-même constitue un forum viable pour les négociations à cet égard, et que la demande du Polisario, et le refus du Maroc, de négocier un cessez-le-feu directement ne devraient pas retarder l’ouverture des négociations.
Pour Nairobi. Compte tenu des tensions croissantes entre le Maroc et la Mauritanie, vous devriez à nouveau soulever notre suggestion que le Comité de mise en œuvre se réunisse pour commencer les négociations en vue d’un cessez-le-feu. Vous devriez vous renseigner sur et exprimer notre appréciation pour les efforts entrepris par le président Moi et encourager les Kényans à persister malgré les obstacles procéduraux, c’est-à-dire les négociations directes vs indirectes. (Vous pouvez partager avec les Kényans des indications que nous avons reçues des Algériens, selon lesquelles ils ne soutiendraient pas la demande du Polisario pour des négociations directes. (Réf F.))
Pour Bamako, Conakry, Dar es Salaam, Khartoum, Lagos et Freetown. Sur la base des informations publiques, telles que la réf E, concernant un nouvel appel à des négociations de cessez-le-feu, vous devriez renforcer aux niveaux appropriés dans les ministères des Affaires étrangères l’approche que nous faisons auprès des Kényans, si vous pensez que cela pourrait être utile. Vous ne devez pas qualifier les efforts kényans d’initiative américaine.
Pour Rabat : Le septel fournit des instructions pour inciter le Maroc à faire preuve de retenue dans ses relations avec la Mauritanie.
Pour Alger. Vous devriez encourager les Algériens à utiliser leur influence auprès du Polisario pour calmer la situation dans la région et encourager la participation du Polisario aux négociations sous l’égide du Comité de mise en œuvre (c’est-à-dire des négociations indirectes) afin d’arriver à un cessez-le-feu.
Pour Nouakchott. Exprimez notre espoir que la Mauritanie puisse rester non-belligérante et prenne toutes les mesures à sa disposition pour s’assurer que son territoire ne soit pas exploité par des forces étrangères.
Pour Dakar et Djeddah : Vous devriez décrire aux gouvernements du Sénégal et de l’Arabie Saoudite les efforts diplomatiques entrepris par le gouvernement des États-Unis pour aider à prévenir une détérioration supplémentaire de la situation. Étant donné que le SAE et le GOS ont reçu des demandes spéciales du roi Hassan, que le GOM a partagées avec nous, nous aimerions travailler avec eux de toute manière qu’ils jugent utile pour aider à désamorcer la situation. Bien que la situation exacte sur le terrain fasse l’objet de rapports contradictoires, il est clair que les tensions ont dramatiquement augmenté et nous espérons que les amis du Maroc et de la Mauritanie pourront être utiles pour résoudre le problème.
Clark
Source : Département d’Etat
#Maroc #SaharaOccidental #EtatsUnis #Polisario #Algérie #Mauritanie #HassanII #droitspoursuite
Soyez le premier à commenter