La guerre au Sahara occidental pourrait être un désastre pour le roi du Maroc et la politique américaine dans la région (rapport américain)

Convaincre le Maroc que l'autodétermination du peuple sahraoui n'a pas eu lieu mais qu'elle devra avoir lieu si un règlement doit être trouvé. Soutenir et explorer tous les moyens possibles pour parvenir à un règlement qui garantisse l'autodétermination du Sahara occidental mais qui permette aussi au roi Hassan de sauver la face en l'acceptant. (Lee H. Hamilton, président de la sous-commission Europe et Moyen-Orient)

Lettre du représentant Lee Hamilton au secrétaire d’État Vance

Washington, le 19 septembre 1979

Cher Monsieur le Secrétaire,

Je souhaite vous adresser quelques commentaires et réflexions sur la manière dont la politique américaine pourrait contribuer à faire avancer la situation au Sahara occidental vers une solution pacifique. J’apprécie la façon dont le département d’État a consulté le Congrès sur cette question, et j’espère que nos contributions vous seront utiles.

Les informations récentes provenant de la presse et de notre communauté de renseignement me laissent penser que la situation au Sahara occidental évolue :

— La Mauritanie a signé un accord de paix avec le Polisario, et plusieurs milliers de soldats marocains ont apparemment été retirés de Mauritanie ;

— La guerre n’est pas dans une impasse et ne tourne pas actuellement en faveur du Maroc ;

— Le Maroc adopte désormais une stratégie défensive de « garnison », alors que la stratégie offensive de « poursuite à chaud » semble avoir échoué ;

— Les coûts de la guerre pour le Maroc augmentent, tant financièrement que politiquement, ainsi qu’en termes de pertes en équipements militaires et en hommes ;

— Les militaires de niveau moyen et inférieur semblent vouloir sortir de cette guerre ;

— Ce qui avait commencé comme un mouvement populaire pour les Marocains et le Roi à la fin de 1975 s’est transformé en une aventure risquée, où beaucoup, y compris peut-être le Roi lui-même, perçoivent la monarchie comme en difficulté et attaquée ;

— Le Roi Hassan a été irrité par le refus américain de fournir des armes pour la guerre au Sahara, mais semble apprécier le fait que des armes américaines ne pourraient pas inverser le cours de la guerre en sa faveur ;

— Les relations entre les États-Unis et le Roi n’ont pas été proches ni franches [illisible] ;

— Les attaques du Polisario dans le sud du Maroc ont sensibilisé la population marocaine à la guerre et modifié leur attitude vis-à-vis d’une solution négociée.

La conclusion que je tire de ces informations est que cette guerre constitue désormais un grave handicap politique pour le Roi Hassan. La politique américaine, bien qu’elle doive soutenir le Roi personnellement, ne devrait pas appuyer ses efforts au Sahara. Nous devons gagner la confiance du Roi pour le persuader de modifier une politique désastreuse.

À la lumière des situations en Iran et au Nicaragua, qui se sont détériorées si rapidement, je pense que nous avons échoué à traiter fermement et franchement avec des amis de longue date : nous étions souvent prisonniers de leurs caprices et de leurs politiques. J’ai été consterné d’apprendre, par ceux qui ont assisté à l’audience du 24 juillet de l’assistant au secrétaire Hal Saunders devant la sous-commission Solarz, que nous n’avons pas discuté du problème du Sahara occidental avec le Roi Hassan depuis plus d’un an. Si ce rapport est exact, je vous exhorte à entamer des discussions avec lui dès que possible.

Je suis convaincu que nous pouvons encourager le Roi Hassan à accepter une solution pacifique comme moyen de maintenir notre soutien et notre amitié. Le Roi Hassan doit désormais comprendre les risques politiques croissants qu’il court à ne pas résoudre pacifiquement la question du Sahara occidental. Sa récente conférence de presse, où il a indiqué que les chances étaient désormais plus favorables pour des pourparlers avec l’Algérie sur le Sahara occidental, devrait certainement être prise comme un signe encourageant. Nous devrions y répondre par une posture politique active et positive, soutenant un règlement négocié.

Si nous rassurons le Roi Hassan sur le fait que nous pouvons continuer à offrir un soutien militaire solide au Maroc à des fins défensives une fois la situation du Sahara occidental résolue, je pense que nous utilisons un levier positif pour atteindre des objectifs que nous devrions souhaiter :

— l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, réalisable comme le prévoit la récente résolution de l’OUA pour un référendum au Sahara occidental.

— Soutien à un Maroc fort et modéré, exempt de son conflit au Sahara occidental et donc libre de jouer un rôle plus actif dans le processus de paix ;

— Amélioration des relations avec l’Algérie ;

— Réassurance aux États africains et aux États du Moyen-Orient que les États-Unis sont sincères dans leur quête de solutions pacifiques aux conflits régionaux et prêts à faire un grand effort pour jouer ce rôle de facilitateur.

[Page 595]

Par conséquent, je suggère une stratégie politique composée des éléments suivants :

A. Rejeter publiquement la vente d’équipements comme l’OV–10 et expliquer pourquoi nous ne le vendrons pas. Nous devrions suivre une politique de ventes d’armes modestes au Maroc. Nos objectifs immédiats en matière de politiques de ventes d’armes devraient être triples :

Répondre partiellement au besoin du roi en équipement défensif pour le Maroc ;

Nous dissocier fermement de ses politiques sahariennes tout en nous laissant la possibilité d’essayer de l’influencer en privé ;

Chercher à établir une nouvelle relation de confiance avec le roi afin de l’aider à sortir de sa trajectoire désastreuse au Sahara occidental.

B. Convaincre le Maroc que l’autodétermination du peuple sahraoui n’a pas eu lieu, mais devra se produire pour parvenir à un règlement. Soutenir et explorer toutes les voies possibles pour parvenir à un règlement garantissant l’autodétermination pour le Sahara occidental, tout en permettant au roi Hassan de sauver la face en l’acceptant. Des mesures supplémentaires devraient être prises pour tenter d’impliquer des tiers, en particulier l’Espagne, qui ont une certaine responsabilité dans le problème existant, et leur apporter le soutien nécessaire pour jouer un rôle constructif. Les efforts déployés jusqu’à présent sont insuffisants pour exclure cette possibilité.

C. Saisir ce problème comme une opportunité pour travailler plus étroitement avec la nouvelle direction en Algérie, établir un nouveau rapport et poser les bases d’une relation positive pour l’avenir. Bien que nous ne devrions pas nous attendre à ce que l’Algérie puisse obtenir un accord du Polisario sur un règlement, l’Algérie peut et doit être impliquée de manière positive avec notre encouragement.

D. Ne pas ignorer la Mauritanie. La nouvelle direction là-bas a choisi une voie difficile en termes de ses relations avec le Maroc en signant un accord de paix avec le Polisario. Le gouvernement a peu de levier dans la situation actuelle. Sans chercher à contrarier davantage le Maroc, il doit y avoir des choses concrètes que nous pourrions faire pour montrer un certain soutien à la Mauritanie.

E. Traiter directement avec le Polisario et les impliquer dans tous les plans ou préparatifs de règlement dès le départ. À tout le moins, nos contacts et communications avec le Polisario, directement ou par l’intermédiaire de tiers (France, Espagne, ONU), devraient être maintenus et rendus plus précis.

F. Donner une nouvelle priorité à ce problème en assignant un ambassadeur spécial et une équipe pour travailler sur cette question et, dès que possible, désigner un nouvel ambassadeur pour le Maroc.

Le dilemme saharien du roi Hassan a atteint une phase critique. Tout encouragement que nous lui donnerions à poursuivre la guerre contre le Polisario pourrait être désastreux pour lui et pour notre politique dans la région.

J’espère que ces suggestions et réflexions seront utiles à votre planification politique. Veuillez me tenir informé des développements au Sahara occidental et de toute évolution de notre politique.

[Page 596]

Avec mes meilleures salutations,

Lee H. Hamilton
Président
Sous-comité sur l’Europe et le Moyen-Orient

Source : Département d’Etat

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