Espagne : Record d’arrivée de migrants via Ceuta, Canaries et l’Algérie

La presse du Maroc n'informe généralement pas sur les corps retrouvés sans vie des migrants sur les plages de Ceuta.

Le triple record de l’immigration en Espagne en 2024 : sur la route des Canaries, sur la route depuis l’Algérie et à Ceuta

L’Espagne clôt l’année 2024 avec un nombre élevé d’arrivées par la mer, aussi élevé qu’en 2018, la pire année, et sans parvenir à un accord sur une répartition équitable des mineurs entre les communautés autonomes. Les Canaries accueillent un mineur pour 388 habitants, Ceuta pour 89.

Un record absolu d’immigrants irréguliers aux Canaries ; un record absolu d’immigrants partis d’Algérie vers l’Espagne et un record d’immigrants ayant pénétré à Ceuta depuis que, lors de la crise hispano-marocaine de 2021, les autorités de Rabat ont incité plus de 10 000 Marocains à entrer, la majorité à la nage, dans la ville autonome. Le bilan migratoire de 2024 se conclut avec ces chiffres et une égalité avec 2018 en termes de nombre total d’immigrants irréguliers débarqués en Espagne : 64 298 arrivées, le pire chiffre depuis que le ministère de l’Intérieur publie des statistiques. Ces données restent rares et imprécises comparées, par exemple, à celles fournies par le ministère de l’Intérieur italien, même sous la direction de Matteo Piantedosi, un politique proche de la Ligue (extrême droite).

Si, malgré l’essor des routes canarienne et baléare, le chiffre total d’immigrants arrivés en Espagne en 2024 n’a pas atteint des sommets inédits, c’est parce que le nombre de ceux ayant traversé la Méditerranée depuis le nord du Maroc vers l’Andalousie a chuté. Les autorités marocaines ont renforcé les efforts de contrôle dans cette zone et à Melilla. Ce sont les deux seuls aspects positifs dans l’évolution d’un phénomène qui s’est aggravé pour de multiples raisons.

Quatre tendances négatives principales en 2024

Record aux Canaries : Jusqu’au lundi 30 décembre, 46 892 immigrants irréguliers avaient débarqué aux Canaries, soit 18 % de plus qu’en 2023, année qui avait déjà battu un record. Contrairement aux années précédentes, la majorité ne sont pas partis du sud du Maroc et du Sahara occidental, mais de Mauritanie. La majorité relative (près de 14 000) est composée de Maliens, suivis par les Sénégalais (près de 9 800). Les Maliens fuient la violence qui ravage leur pays, largement provoquée par les milices russes du groupe Wagner. Ils se réfugient dans la Mauritanie voisine (277 000 sont enregistrés), mais peinent à trouver une place dans le grand camp de Mbera, géré par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Ce camp accueille déjà 139 000 migrants et est saturé. Leur étape suivante devient alors les Canaries.

Efforts de contrôle intermittents du Maroc : Le Maroc exerce parfois un contrôle efficace sur ses côtes méridionales et celles du Sahara occidental. Lorsque la surveillance se relâche, Fuerteventura et surtout Lanzarote sont envahies de pateras (bateaux). Ce fut le cas, par exemple, lors des quatre premiers jours de novembre, où 1 631 immigrants ont été secourus sur les côtes de Lanzarote.

Nouveaux profils migratoires : Bien qu’ils soient très minoritaires, des Bangladais et des Pakistanais sont apparus en 2024 sur cette route canarienne, soulignant qu’une partie du flux migratoire de la Libye vers l’Italie est maintenant réorientée vers les Canaries. Les Bangladais représentent 21 % des 66 317 immigrants arrivés en Italie jusqu’au 30 décembre.

Réduction en Italie : L’immigration irrégulière en Italie a diminué de 58 % en 2024.

Cette situation met en lumière les dynamiques complexes et les défis croissants de la gestion de l’immigration irrégulière en Europe.

Aux Baléares, 5 898 migrants ont débarqué jusqu’au lundi 30, selon des sources communautaires, car le ministère de l’Intérieur ne fournit pas de données spécifiques sur cet archipel. Cela représente une augmentation de 259 % par rapport à 2023. Presque tous sont arrivés à Ibiza et Formentera, et tous sont partis d’Algérie. La grande majorité sont des Algériens, bien qu’il y ait également des Maliens, des Nigériens, etc. Les embarcations qui partent d’Algérie touchent également terre à Alicante, Murcie et Almería, mais le ministère de l’Intérieur refuse de détailler les arrivées par province sur son site web.

Les Algériens étaient, fin décembre, les migrants maghrébins arrivés par mer les plus nombreux (près de 8000 en 2024), légèrement devant les Marocains (7950), selon Frontex, l’agence européenne de contrôle des frontières. Le ministère de l’Intérieur refuse de fournir un détail des migrations par nationalité, même en réponse à des questions posées au Congrès. Pendant des années, cette attitude visait à ne pas embarrasser le Maroc, dont les citoyens étaient les plus nombreux, mais ce n’est plus le cas. Deux semaines après que le président Pedro Sánchez s’est aligné, en mars 2022, avec le roi Mohammed VI dans le conflit du Sahara occidental, l’Algérie a sanctionné l’Espagne en refusant d’accepter les rapatriements. Les migrants algériens ne peuvent donc pas être renvoyés, bien que beaucoup ne restent pas sur la péninsule et se dirigent vers la France, où ils ont de la famille. Le Maroc n’accepte pas non plus de nombreux rapatriements. En 2023, il a traité un peu moins de 8 % des demandes soumises par l’ensemble des pays de l’Union européenne, selon un rapport confidentiel publié par la Commission européenne.

Le phénomène algérien intrigue les experts en immigration. Malgré son désaccord avec l’Espagne, Alger a continué à s’efforcer de contenir les départs, utilisant parfois des méthodes sévères contre les subsahariens expulsés manu militari vers les déserts du Mali et du Niger. Le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, a reconnu ces efforts dans une interview accordée à La Vanguardia en janvier. Cependant, au cours des douze derniers mois, ces efforts se sont relâchés pour des raisons encore mal comprises.

À Ceuta, un record migratoire a également été battu avec l’arrivée, jusqu’au 15 décembre, de 2.386 migrants (+128,5 % par rapport à 2023), la majorité à la nage, bien que le site du ministère de l’Intérieur indique qu’ils sont arrivés par voie terrestre. Le problème n’est pas tant le nombre élevé, car une partie des adultes marocains sont renvoyés via la frontière terrestre, mais la proportion élevée de mineurs. Jusqu’au 30 décembre, 994 mineurs sont arrivés dans la ville, soit une augmentation de 274 % par rapport à 2023, selon des sources du Département de la présidence.

Ceuta accueille aujourd’hui 433 mineurs, ce qui représente une surpopulation de 392 % par rapport à ses capacités. Pour atténuer l’impact, la ville a reçu deux subventions extraordinaires du gouvernement pour un montant total de 9 millions d’euros.

La responsabilité de l’augmentation migratoire que subit Ceuta incombe au Maroc, dont les forces de sécurité n’exercent pas le contrôle nécessaire sur les plages adjacentes à la ville espagnole d’où partent les nageurs. Les autorités espagnoles auraient néanmoins pu prolonger la digue de Tarajal, qui délimite les eaux territoriales de Ceuta, comme le réclament les associations de la Garde civile. Les gouvernements du PP et du PSOE n’ont pas voulu le faire pour ne pas contrarier le pays voisin. Si la modification de l’article 35 de la loi sur l’immigration, afin de permettre une répartition équitable des mineurs entre les communautés autonomes, est urgente pour les Canaries, cette distribution des adolescents non accompagnés est encore plus pressante pour Ceuta. L’archipel prend en charge environ 5800 mineurs, soit un pour 388 habitants. La ville autonome en prend en charge un pour 89 habitants.

Ceuta termine l’année 2024 avec la crainte, comme cela s’est déjà produit à la mi-septembre, qu’une tentative d’assaut massif contre la clôture ait lieu à l’occasion du réveillon du Nouvel An. Sur les réseaux sociaux, des appels à se coordonner pour essayer d’entrer par voie terrestre ou maritime circulent. Mais, comme il y a trois mois, les autorités marocaines ont pris des mesures préventives pour l’empêcher. De Tanger à Fnideq, les descentes de police se sont multipliées et même le parquet de Tétouan a ordonné une enquête sur l’origine des vidéos publiées sur TikTok et Facebook, selon El Faro de Ceuta.

Ceuta termine 2024 avec la crainte qu’une tentative d’assaut massif contre la clôture ait lieu à l’occasion du réveillon du Nouvel An. Plus il y a d’arrivées, plus il y a de morts, surtout sur la route des Canaries, la plus dangereuse de toutes celles qui mènent à l’Europe. L’Organisation internationale pour les migrations, une agence des Nations unies, estime qu’environ 1400 migrants ont perdu la vie en route vers l’Espagne au cours des 15 derniers mois. Caminando Fronteras, l’ONG dirigée par Helena Maleno, porte ce chiffre à 10 457, dont 9 787 seraient morts en 2024 en naviguant vers l’archipel des Canaries.

Il est exceptionnel que les pays d’origine fournissent des informations sur leurs citoyens ayant perdu la vie pendant la traversée. Pour diverses raisons, ils ne souhaitent généralement pas que ces données soient divulguées et, par exemple, dans le cas du Maroc, même la presse n’informe généralement pas sur les corps retrouvés sans vie sur les plages de Ceuta. Le gouvernement du Mali a surpris tout le monde le 27 décembre en publiant un communiqué indiquant que 70 passagers, pour la plupart maliens, avaient perdu la vie alors qu’ils naviguaient vers les Canaries sur une embarcation de fortune.

Source : El Confidencial, 01/01/2025

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