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Le Tchad met fin aux accords de coopération de sécurité et de défense avec la France, a annoncé jeudi le ministre des Affaires étrangères tchadien.
Le Gouvernement de la République du Tchad informe l’opinion nationale et internationale de sa décision de mettre fin à l’accord de coopération en matière de défense signé avec la République française», a déclaré Abderaman Koulamallah dans un communiqué publié sur la page Facebook officielle du ministère.
Le Sénégal a également exigé le retrait du dernier contingent militaire français stationné sur son sol. En l’espace de deux ans, l’armée française a été contrainte de quitter la Centrafrique et les pays de la bande sahélo‐saharienne dans lesquels était ancrée l’opération Barkhane.
Mali, Burkina Faso et enfin Niger : entre l’été 2022 et le mois de décembre 2023, la France a été délogée des pays du Sahel au sein desquels elle était installée depuis 2014 dans le cadre de l’opération Barkhane.
Déjà en fin d’année 2022, peu de temps après le départ des forces françaises du sol malien, les derniers militaires français déployés en République centrafricaine avaient décollé de l’aéroport de Bangui, poussés par les miliciens de Wagner qui s’étaient imposés dans le pays.
La réaction quasi‐révulsive à l’égard de la France, dans les pays où elle a été appelée à retirer ses troupes, ne se résume pas à un simple caprice des régimes en place, souvent issus de coups d’Etat, comme le soulignent fréquemment les médias français, mais elle incarne plutôt un phénomène plus profond.
Pour une large part de la population, la France ne lutte pas contre le terrorisme, mais exploite plutôt les ressources naturelles de la région, telles que l’uranium, le pétrole et le gaz.
Cette perception a été renforcée par des pratiques comme celles d’Orano, anciennement Areva, qui a longtemps dominé l’exploitation de l’uranium au Niger, consolidant l’idée d’une France plus intéressée par l’extraction des richesses locales que par la sécurité des peuples sahéliens.
L’Express, 01/12/2024
La «Françafrique», mode d’emploi d’une filière occulte
Par Thomas Vampouille
Depuis l’accession à l’indépendance des colonies africaines, les présidents français successifs ont entretenu, à des degrés divers, des relations secrètes et ambiguës avec plusieurs chefs d’État africains. Retour sur cinq décennies d’histoire de l’ombre.
De rumeurs en affaires, la «Françafrique» est le serpent de mer de la politique étrangère française depuis cinq décennies. Médiatisée dans les années 1990, l’expression désigne les relations spéciales – soutien aux dictatures, coups de force, détournements de fonds, financements illégaux de partis politiques français – que Paris entretient avec plusieurs États africains. Selon Robert Bourgi, à l’origine du dernier scandale en date, tous les présidents français depuis De Gaulle jusqu’à Chirac auraient profité de ce système.
De Gaulle invente la «cellule Afrique»
En 1960, au moment des indépendances africaines, la France veut conserver son influence sur le continent noir et préserver son indépendance énergétique. Pour ce faire, De Gaulle met en place une «cellule Afrique», installée directement à l’Élysée et dégagée de la tutelle du ministère des Affaires étrangères. À sa tête, le général place Jacques Foccart, gaulliste de la première heure. Sa devise : «Rester dans l’ombre pour ne pas prendre de coup de soleil». Sous De Gaulle puis Pompidou, l’homme s’emploiera à tisser un dense réseau franco-africain mêlant hommes politiques, chefs d’État africains, hommes d’affaires, services secrets et barbouzes. En poste jusqu’en 1974, il sera un temps écarté par Valéry Giscard d’Estaing mais son réseau gardera de l’influence jusqu’à sa mort, en 1997.
Elf ou la «France-à-fric»
L’approvisionnement en pétrole, après la perte de l’Algérie, est l’objectif premier de la diplomatie parallèle mise en place par Foccart. C’est dans ce contexte qu’est créée, en 1965, la compagnie pétrolière d’État Elf, qui développe ses activités en Afrique sub-saharienne.
En 1994, l’éclatement de l’affaire Elf porte les dessous de la Françafrique sur le devant de la scène. Elle révèle des circuits financiers alimentant un vaste système de corruption de part et d’autre de la Méditerranée. Loïk Le Floch-Prigent, à la tête de l’entreprise de 1989 à 1993 et condamné en 2003 pour plusieurs centaines de millions d’euros de détournements de fonds, résumera ainsi le système : «En créant Elf (#8230;) les gaullistes voulaient un véritable bras séculier d’État, en particulier en Afrique (#8230;). Une sorte d’officine de renseignements dans les pays pétroliers. L’argent du pétrole est là, il y en a pour tout le monde. (#8230;) Elf fut et reste une pièce essentielle du dispositif néo-colonial mis en place par Paris, quelques années après les indépendances, afin de maintenir sa tutelle économique et politique».
L’affaire montre que la Françafrique n’a pas disparu sous François Mitterrand, bien au contraire. Outre le réseau Foccart, toujours actif, les années 1990 ont vu l’arrivée de nouveaux acteurs de la Françafrique, dont Jean-Christophe Mitterrand, le fils du président, puis Charles Pasqua dans le gouvernement d’Edouard Balladur (1993-1995). Les deux se retrouveront au tribunal dans l’affaire de l’Angolagate.
«Le plus long scandale de la République»
En 1998, François-Xavier Verschave publie La Françafrique, le plus long scandale de la République. Détournement de l’Aide publique au développement, assassinats, putsches#8230;le fondateur de l’association Survie, qui milite contre la Françafrique, liste les faits d’armes des réseaux parallèles.
Parmi ceux-ci figure la guerre du Biafra. À la fin des années 1960, cette région du sud du Nigeria fait sécession. De Gaulle et Foccart sautent sur l’occasion pour tenter d’affaiblir le géant pétrolier, en livrant notamment des armes à la rébellion. Dans ses mémoires, Jacques Foccart citera De Gaulle en ces termes : «Le morcellement du Nigeria est souhaitable». La guerre civile provoque une famine qui fait entre 1 et 2 millions de morts.
Mais la «grande #339;uvre» du réseau Foccart se situe au Gabon, ex-colonie française où d’importantes réserves de pétrole ont été découvertes. C’est lui qui installe en 1967 Omar Bongo au pouvoir : il y restera jusqu’à sa mort, 41 ans plus tard. Le président gabonais fait partie des chefs d’État africains cité dans l’affaire des «Biens mal acquis».
Voir à ce sujet cet extrait du documentaire ‘Françafrique, la Raison d’Etat’, réalisé par Patrick Benquet en 2010 :
Bourgi, «disciple» de Foccart
Jacques Chirac élu à la présidence de la République, les amitiés spéciales perdurent. La mort d’Omar Bongo, en 2009, est l’occasion d’un nouveau déballage sur la Françafrique. Valéry Giscard d’Estaing affirme que le président gabonais avait financé en 1981 la campagne présidentielle de Jacques Chirac, qui se présentait contre lui au premier tour. « J’ai appelé Bongo et je lui ai dit : #8216;Vous soutenez actuellement la campagne de mon concurrent’, alors il y a eu un temps mort et il m’a dit : #8216;Ah, vous le savez’», raconte l’ancien président dont la tentative de réélection fut plombée par l’affaire des diamants reçus du dictateur centrafricain Bokassa.
À la mort de Jacques Foccart, en 1997, c’est l’avocat Robert Bourgi qui reprend le flambeau auprès de Jacques Chirac. Il travaille en lien direct, selon ses dires, avec Dominique de Villepin, secrétaire général de l’Élysée puis premier ministre. Au début des années 2000, Michel de Bonnecorse prend la tête de la cellule Afrique de l’Élysée, jusqu’en 2007. Robert Bourgi, lui, se range alors du côté de Nicolas Sarkozy.
La rupture Sarkozy ?
Dès la campagne présidentielle en 2006, Nicolas Sarkozy proclame son intention d’en finir avec la Françafrique. Dans un discours prononcé à Cotonou en mai 2006, le candidat promet l’avènement d’une «relation nouvelle». De fait, après son élection, la cellule africaine disparaît. Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée, reprend les dossiers. Le chef de l’État annonce également la remise à plat des accords de Défense qui lient la France à ses ex-colonies et comportent des clauses secrètes portant sur les matières premières des pays africains.
Mais un incident conforte ceux qui pensent que l’«Afrique de papa» n’est pas morte : l’éviction de Jean-Marie Bockel. En 2008, le secrétaire d’État à la coopération prend le président au pied de la lettre en appelant à «la fin de la Françafrique». Il est débarqué du gouvernement. En septembre 2009, Robert Bourgi révèle sur RTL que c’est Omar Bongo qui a obtenu du président de la République «la tête» du secrétaire d’État.
Reste la question des mallettes d’argent, dont Robert Bourgi affirme que tous les présidents de la cinquième République ont bénéficié, excepté Nicolas Sarkozy. Ce n’est pas l’avis de Michel de Bonnecorse, l’ex-Monsieur Afrique de Jacques Chirac. Dans La République des mallettes, de Pierre Péan, il assure qu’en 2006, Robert Bourgi a déposé de l’argent venu d’Afrique «aux pieds du ministre de l’Intérieur», Nicolas Sarkozy. Sur fond de déclin de la Françafrique (mort d’Omar Bongo, chute de Laurent Gbagbo, concurrence accrue sur le continent de pays comme la Chine ou les États-Unis), la guerre des ex-hommes de l’ombre est ouverte.
Le Figaro, 3 septembre 2011
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