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Le témoignage choquant d’Ali Aarrass, un Belge d’origine marocaine, nous offre un aperçu instructif de la nature du régime au Maroc. Il a été emprisonné pendant deux ans en Espagne et dix ans au Maroc, où il n’a pourtant jamais vécu.
Ali Aarrass a été accusé de trafic d’armes et arrêté par la police espagnole sur la base de fausses informations, vraisemblablement orchestrées par les services secrets marocains, qui souhaitaient arrêter un homme trop critique envers la répression sanglante de la révolte pour le pain et la dignité humaine dans le Rif marocain.
Dans l’attente de son procès, il fut incarcéré dans une prison espagnole, où il découvrit le traitement réservé aux détenus soupçonnés de terrorisme. Cependant, cette expérience n’était rien comparée à ce qui l’attendait dans les prisons marocaines.
Après une enquête approfondie, le juge Baltasar Garzón (qui avait autrefois condamné le dictateur chilien, le général Pinochet) l’a déclaré innocent. Malgré cela, et en totale violation des règles judiciaires et diplomatiques, l’Espagne l’a secrètement livré au Maroc.
Ce fut le début d’un long chemin de croix à travers diverses prisons marocaines, où le nombre de suspects de terrorisme ne cessait d’augmenter : insurgés sahraouis, opposants au régime marocain, et criminels ordinaires.
Pendant toutes ces années, la diplomatie belge est restée muette, bien que la Belgique soit responsable de ce citoyen belge.
Les prisonniers sont livrés à des geôliers impitoyables, qui ne reculent devant aucune violence. Les hommes (et les femmes, sans doute encore plus maltraitées) sont soumis à des conditions de vie inhumaines : ils sont privés de nourriture, de chaleur et de cellules propres, et punis par l’isolement, l’une des tortures les plus cruelles. Les interrogatoires extrêmement violents utilisent des techniques de torture classiques.
Ali Aarrass raconte cette longue épreuve, jour après jour, prison après prison, en proclamant sans relâche son innocence, tentant de survivre et surtout de préserver sa dignité humaine.
Le silence diplomatique belge perdure, bien que le pays soit responsable de chaque ressortissant belge ayant vécu 28 ans sur son territoire sans jamais commettre de délit. Au contraire, Ali Aarrass est fier d’avoir contribué à notre société en tant que travailleur.
Le sort tragique des prisonniers de conscience
Cette histoire tragique rappelle les récits d’autres Marocains emprisonnés sous le règne de Hassan II, père de l’actuel roi et véritable tyran, qui infligeait les pires humiliations à ceux qui s’opposaient à son régime.
Il s’agit de syndicalistes, de communistes qui critiquaient le dictateur, comme Mohamed El Baroudi, expulsé de notre pays et qui a consacré sa vie à la défense des migrants, en apprenant à lire et à écrire aux plus démunis (l’association « Lire et écrire » porte sa marque).
De nombreux dissidents témoignent des menaces qui pesaient sur leurs familles restées au Maroc. Il y a même eu des cas de torture dans les sous-sols du consulat marocain à Bruxelles ! Les autorités belges, elles, détournaient le regard.
Nous nous souvenons surtout d’Abraham Serfaty, emprisonné depuis 17 ans dans une prison marocaine pour son rôle de dissident politique communiste, remettant en question la doctrine selon laquelle le Sahara occidental est « marocain » et dénonçant le sort tragique des Sahraouis dans les territoires occupés par l’armée marocaine.
Les Accords d’Abraham
Abraham Serfaty était un juif antisioniste. Dans ses Écrits de prison sur la Palestine, il écrit : « Le sionisme est avant tout une idéologie raciste. C’est la version juive de l’hitlérisme […]. Il proclame l’État d’Israël comme ‘avant tout un État juif’, tout comme Hitler proclamait une Allemagne aryenne. »
Des mots qui devraient résonner pour les Marocains, surtout depuis que le fils de Hassan II, Mohammed VI, a signé en 2020 les Accords d’Abraham, rapprochant Israël de plusieurs pays arabes. L’objectif était de constituer un bloc sunnite anti-iranien (l’Iran étant majoritairement chiite) en échange du droit pour Israël d’annexer les territoires palestiniens occupés.
Fort de ce soutien, Israël a lancé des attaques meurtrières contre les habitants de Gaza et de la Cisjordanie, ainsi que contre les Libanais, sans que la prétendue « communauté internationale » ne réagisse.
De même, la communauté internationale ne prend aucune mesure face à la répression marocaine brutale au Sahara occidental occupé. Depuis cet accord, le Maroc a par ailleurs été équipé d’armes israéliennes pour réprimer encore plus efficacement les Sahraouis.
Le Maroc, équipé d’armes israéliennes, peut réprimer encore plus efficacement les Sahraouis
Par ailleurs, nos pays n’interviennent pas pour libérer les journalistes et autres opposants marocains qui exposent la pauvreté dans certaines régions du Maroc. Ils refusent de soutenir les mouvements de protestation des populations qui vivent dans une extrême misère ou qui sont contraintes à l’exil dans les pires conditions, notamment aux points de passage avec l’Espagne à Ceuta et Melilla.
Le Maroc exerce un chantage permanent sur l’Europe : soutenez le régime corrompu de Mohammed VI ou attendez-vous à être submergés par des vagues de migrants pauvres (en plus du trafic de drogue !).
Et la corruption est toujours là
C’est la raison pour laquelle nos pays n’interviennent pas au Proche et au Moyen-Orient, n’œuvrent pas à l’établissement d’une paix juste, non seulement en Palestine, mais aussi au Sahara occidental. Ils soutiennent des dictatures et des régimes corrompus comme l’Arabie Saoudite et le Maroc, en dépit de l’emprisonnement et de la torture d’innocents.
Même les scandales de “Qatargate”, suivis de “Marocgate”, qui ont révélé la corruption généralisée au sein de la classe politique européenne, n’ont pas suffi à mettre fin à l’attitude tragique de “business as usual” vis-à-vis des dictatures soutenues par l’Occident.
Même “Qatargate” et “Marocgate” n’ont pas suffi à mettre fin au soutien aux dictatures appuyées par l’Occident.
La seule lueur d’espoir vient de l’appareil juridique européen : la Cour de justice de l’Union européenne a récemment condamné la Commission européenne pour les accords économiques passés avec le Maroc, qui permettent l’exploitation des ressources naturelles dans le Sahara occidental occupé. La Cour reconnaît les droits du peuple sahraoui et son représentant légitime, le Front Polisario : le droit de consentir à cette exploitation ou de la refuser, ainsi que de gérer les ressources naturelles de leur territoire.
Est-ce la fin de la corruption organisée par le Maroc ? Nous verrons si les accords économiques européens seront modifiés et dans quel sens.
C’est l’analyse d’Ali Aarrass dans son livre, une analyse de ce pays fascinant, qui nous est cher mais est dirigé de façon autoritaire, où les droits humains sont gravement réprimés. Il nous incombe d’aider ses habitants, assoiffés de justice, à atteindre une véritable démocratie.
C’est d’ailleurs la conclusion d’Ali Aarrass : « Ma dignité humaine m’oblige à être solidaire avec les habitants vulnérables, démunis et oubliés des États démocratiques, et je m’y engage. En nous unissant, nous continuerons à faire pression pour instaurer une politique et une diplomatie qui mettent fin à tout cela. Car nous savons tous qu’avec persévérance et détermination, des progrès visibles peuvent être atteints rapidement. »
Source : De Morgen, 04 nov 2024
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