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Le Maroc, « traumatisé » par la question des droits de l’homme au Sahara Occidental

Selon ce document, le Maroc est "traumatisé" par la question des droits de l’homme, notamment au Sahara Occidental occupé.

Un document classé « confidentiel », adressé par la mission permanente du Maroc aux Nations-Unies au ministre des affaires étrangères de l’époque, Salaheddine Mezouar, à propos de ce que les marocains appellent la « question nationale ». Entendre par là la politique colonialiste menée par le Maroc au Sahara Occidental. Pour bien comprendre l’ampleur des enjeux et la gravité des propos, signalons également que ledit document a été rédigé en date du 6 janvier 2014, c’et-à-dire quatre moins avant la réunion du Conseil de sécurité sur la question.

Ainsi donc, le document commence par reconnaître que « le Maroc a pris de concrets engagements vis-à-vis de Washington » en contrepartie de l’accord donné par Obama de publier un communiqué commun lors de la visite aux USA du roi Mohamed VI. Il en ressort également que le Maroc est » traumatisé » par la question des droits de l’homme, notamment dans les territoires occupés. Nous verrons plus loin que le Maroc ne tiendra pas ses engagements, et se fera même taper sur les doigts dans un document. Par contre, on remarque dans la même feuille que cette peur-panique est encore plus confirmée et présente que jamais : « La nouvelle configuration du Conseil de sécurité est dominée par les défenseurs des droits de l’Homme ».

Autre révélation, et non des moindres : le Maroc admet qu’il est enfin forcé de se plier aux exigences de l’actuel envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, Christopher Ross, alors qu’il se permettait par le passé de jouer les » gros bras » devant ses prédécesseurs : « Bien sûr, ce n’est pas la première fois que cette approche est préconisée (discussions ciblées, ndlr). MM. Peter Van Walsum et James Baker l’ont expérimentée sans résultat tangible, mais nous sommes obligés de suivre M. Ross, étant donné l’accueil favorable réservé par les membres du Conseil à sa méthode ».

Retour sur cette obsédante question des droits de l’Homme et l’aveu terrible concernant le fait que le Maroc a perdu une bataille décisive depuis que même Washington avait feint d’étendre le mandat de la Minurso avant de se rétracter au dernier moment : « en l’absence de tout progrès dans le processus de négociations, nos adversaires continuent malheureusement de focaliser l’attention du Conseil sur la situation des Droits de l’Homme dans la région du Sahara. L’élaboration par les Etats Unis, l’année dernière, d’un premier projet élargissant le mandat de la Minurso à la supervision des Droits de l’Homme, bien que retiré au dernier moment, a détruit un tabou et fait naître un espoir dans le camp de nos adversaires ».

Pour ce qui est de l’attitude de l’Algérie, le Maroc donne l’air d’y perdre son latin en estimant que la position de l’Algérie se serait durcie depuis l’arrivée de Ramtane Lamamra à la tête de la diplomatie algérienne. Il y fait part de ses craintes concernant le fait que le Polisario va jouer à fond la carte du respect des droits de l’Homme. « Nous avons intérêt à « donner du blé à moudre à M. Ross », dixit le document. «  »Sic ! Le document 5 (doc 5) quant à lui confirme ce que tout le monde savait déjà, et que le président Mohamed Abdelaziz n’a jamais cessé de dénoncer dans ses sorties publiques, diplomatiques et politiques. « Il y a par conséquent une attente non seulement de Washington mais aussi de Londres et, bien sûr, de notre seul appui la France », précise-t-on.

La lettre confirme un peu plus l’esprit retord de la diplomatie marocaine, en train de tenter de faire feu de tout bois, rien que dans le but de détourner l’attention des faits avérés et accablants pour lui : « il est indispensable d’engager un effort soutenu, concomitant et tout azimut autour de la question du recensement auprès, non seulement du HCR et du secrétaire général des Nations Unies, mais aussi auprès de l’Union européenne, du Groupe des amis du secrétaire général des ONG internationales influentes, pour réclamer l’accomplissement de cette opération ». Rabat ne cherche bien entendu pas à ce que celle-ci le soit un jour, car cela serait synonyme de tenue du référendum. « L’objectif étant de gêner l’Algérie et le Polisario sur leur propre terrain, et de renforcer le langage de la prochaine résolution du Conseil », indique-t-on. Suit alors un « scanner » détaillé des pays membres du Conseil de sécurité, dans lequel on reconfirme une fois de plus que la France soutient explicitement la politique criminelle et colonialiste du Maroc.

« Nous devons continuer à rejeter l’idée d’une visite couplée de la Haut Commissaire à Rabat et au Sahara car une telle visite nous ferait rentrer dans un engrenage dangereux. En effet, une telle visite donnerait lieu à un briefing autant au Conseil de sécurité qu’au Conseil des Droits de l’Homme à la demande de n’importe quel membre de ces deux organes », signale la lettre toujours au sujet de la question des droits de l’homme.

Voilà donc où réside un des talons d’Achille du Maroc, et sur quoi plus d’efforts diplomatiques devraient être focalisés. Rabat, qui a l’outrecuidance de parler de « machination du Polisario », guide encore plus celui-ci vers les sujets sensibles à même de lui faire particulièrement mal. « Durant les cinq dernières années, nous avons été obligés de gérer, pendant l’examen de la résolution, des situations qui ont affaibli nos capacités de négociation (l’arrestation du groupe des 6 indépendantistes à leur retour d’une visite médiatisée à Alger et Tindouf, le cas d’Aminatou Haidar, le démantèlement du camp de Gdim Izik, le jugement par le tribunal militaire… ».

Reste du texte de la lettre :

B. Empêcher une décision de l’Union Africaine en janvier:

II a été démontré durant l’année écoulée que la Présidente de la Commission africaine s’entête à mettre en œuvre son propre agenda et celui de son pays, en cherchant à interférer dans le processus de négociation de la question du Sahara. Elle a saisi, à cet effet, le Secrétaire général et les membres du Conseil de Sécurité, particulièrement les permanents parmi eux.

Le prochain sommet africain, de fin janvier et début février, constitue une date charnière et une épreuve de force dans notre combat contre les desseins de Mme Zuma. Nous sommes condamnés à réussir ce défi qui nous est lancé par la Présidente de la Commission africaine.

En effet, si nous parvenons à mobiliser une minorité de blocage constituée de 15 à 20 pays convaincus, engagés et résistants aux pressions l’Algérie, qui resteront actifs et solidaires tout au Iong des réunions préparatoires du Sommet, nous aurons mis en échec les desseins de Mme Zuma, de l’Algérie et de l’Afrique du Sud et en même temps avorté les sollicitations de l’Union Africaine pour se trouver un rôle dans le règlement du dossier du Sahara. L’issue de ce duel au sein de l’Union Africaine aura indubitablement une résonance au Conseil de sécurité, au Secrétariat des Nations Unies et, bien sûr, en Afrique.

9. Une interaction avec les intervenants dans la rédaction du rapport (SG , DPAO, DPA,

Pour bien préparer l’échéance d’avril, une quadruple interaction est hautement indiquée avec :

-Le Secrétaire général des Nations Unies : une rencontre de M. Le Ministre avec M Ban Ki-Moon, avant avril, serait la bienvenue, surtout si elle se tient à New York. Elle sera une occasion pour une première prise de contact, pour une valorisation de notre partenariat avec les Nations Unies (Mali, Sahel, RDC, RCA, Côte d’ivoire ), et pour des mises au point sur l’évolution du processus de négociation et son devenir.

-Le responsable du Département des Opérations de Maintien de la Paix : je compte tenir des réunions de travail avec M Ladssous pour discuter du contenu du rapport sur le Sahara marocain et tenter de l’amener à un rééquilibrage dans la structure du rapport du SG.

-Le responsable du Département des Affaires Politique : ce Département a aussi son mot à dire dans l’orientation du rapport du SG. Je compte me réunir avec M Feltman et son équipe sur l’orientation dudit rapport. Je voudrais réitérer ma demande d’une contribution substantieIIe du Maroc au Budget de ce Département. Elle est de nature à favoriser un début de changement de l’attitude hostile de son responsable M. Feltman, un qrand ami de M. Ross, vis-à-vis de notre dossier.

-La Haut Commissaire aux Droits de l’Homme : il importe de prévenir, dans la contribution de la Haut Commissaire Mme Pillay au rapport du SG d’avril prochain une recommandation qui irait dans’ le sens d’un élargissement du mandat de la MINURSO comme cela a été fait durant les trois dernières années et de la dissuader de visiter les provinces du Sud, afin d’écarter toute instrumentalisation de la part de nos adversaires.

10. Une réunion des Ambassadeurs de Sa Majesté auprès des membres du Conseil de Sécurité:

Afin de mobiliser le soutien nécessaire à notre stratégie, la tenue d’une réunion avec les Ambassadeurs de Sa Majesté accrédités auprès des 15 membres du Conseil paraît opportune. Elle sera l’occasion de les tenir informés des derniers développements et de la stratégie adoptée, d’unifier le message qui sera transmis à Ieurs interlocuteurs et de convenir d’une feuille de route comportant les actions à mener pour la période nous séparant de la date d’avril.

Cette réunion, qui se tiendrait sous l’autorité de Monsieur le Ministre, verrait la participation des Présidents du CNDH du CESE, du Délégué lntergouvernemental pour les Droits de l’Homme et des représentants des Départements et Services partenaires dans la gestion du dossier du Sahara.

Conclusion : Pour bien préparer l’échéance d’avril et travailler dans la confiance réciproque avec les américains qui sont les rédacteurs de la résolution, le facteur temps est d’une importance cruciale. Or le temps qui nous sépare d’avril est très court, au regard des actions que nous sommes appelés à entreprendre.

– New York le 6 janvier 2014 –

Mohamed Loulichki

Représentant Permanent du Maroc auprès des Nations Unies

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