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Sahara Occidental : Arrêts de la CJUE sur les accords commerciaux UE-Maroc

El Tribunal constata, a la luz de su jurisprudencia y en base a los principios del derecho a la autodeterminación y del efecto relativo de los tratados, que la aplicación de un acuerdo internacional entre la Unión y Marruecos en el territorio del Sahara Occidental, tal como prevén los acuerdos litigiosos, debe contar con el consentimiento del pueblo saharaui. Sin embargo, en este caso, dicho consentimiento no existe.

COMMUNIQUE DE PRESSE n° 170/24
Luxembourg, le 4 octobre 2024

Arrêts de la Cour dans les affaires jointes C-778/21 P et C-798/21 P | Commission et Conseil/Front Polisario ainsi que dans les affaires jointes C-779/21 P et C-799/21 P | Commission et Conseil/Front Polisario

Sahara occidental : les accords commerciaux UE-Maroc de 2019 en matière de pêche et de produits agricoles, auxquels le peuple du Sahara occidental n’a pas consenti, ont été conclus en méconnaissance des principes de l’autodétermination et de l’effet relatif des traités.

Pour autant, l’expression du consentement de ce peuple à un accord devant s’appliquer sur le territoire du Sahara occidental ne doit pas nécessairement être explicite mais peut, sous certaines conditions, être présumée.

Le consentement du peuple du Sahara occidental à la mise en oeuvre des accords commerciaux UE-Maroc de 2019 en matière de pêche et de produits agricoles sur ce territoire non autonome est une condition de validité des décisions par lesquelles le Conseil les a approuvés au nom de l’Union. Des consultations ont certes été effectuées par la Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) avant l’adoption de ces décisions. Toutefois, ces consultations ne visaient pas le peuple du Sahara occidental mais les populations qui se trouvent actuellement sur le territoire, indépendamment de leur appartenance ou non au peuple du Sahara occidental. Une partie significative de ce peuple se trouvant désormais en dehors de ce territoire, ces consultations n’étaient pas susceptibles d’établir un tel consentement de ce peuple.

Ce consentement ne doit pas, pour autant, être explicite en toute hypothèse. Il peut être présumé lorsque l’accord ne crée pas d’obligations à la charge du peuple tiers à celui-ci, et que cet accord confère à ce peuple un avantage précis, concret, substantiel et vérifiable découlant de l’exploitation des ressources naturelles de ce territoire, et proportionnel à l’importance de cette exploitation.

Les accords litigieux ne prévoyant manifestement pas un tel avantage, la Cour confirme l’annulation des décisions du Conseil par le Tribunal. Celle qui porte sur l’accord de pêche a expiré en juillet 2023 et a donc déjà cessé de produire ses effets. Pour ce qui est de l’accord relatif aux mesures de libéralisation en matière de produits agricoles, la Cour maintient, pour un délai de 12 mois à compter de ce jour, les effets de la décision du Conseil, compte tenu des conséquences négatives graves sur l’action extérieure de l’Union qu’entraînerait son annulation immédiate et pour des raisons de sécurité juridique.

Le Sahara occidental est un territoire situé au nord-ouest de l’Afrique : bordé par l’Atlantique, il est limitrophe du Maroc (au nord), de l’Algérie (au nord-est) et de la Mauritanie (à l’est et au sud). Depuis les années 70, un conflit quant au statut de ce territoire oppose le Maroc et le Front Polisario, mouvement qui milite pour l’exercice par le peuple du Sahara occidental de son droit à l’autodétermination et la création d’un État sahraoui souverain. Outre ce différend territorial, le conflit a porté, au fil des ans, sur la légalité d’accords économiques conclus en particulier par le Maroc et traitant notamment de l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental ainsi que des eaux adjacentes à celui-ci.

C’est dans ce contexte que le Front Polisario, qui indique représenter le peuple du Sahara occidental, a contesté deux accords commerciaux sur la pêche 1 et l’agriculture 2 conclus entre l’Union européenne et le Maroc. En 2019, il a soumis au Tribunal de l’Union européenne des demandes d’annulation des décisions du Conseil approuvant ces accords 3 4. Considérant que l’Union et le Maroc avaient conclu des accords applicables au Sahara occidental sans avoir obtenu le consentement du peuple du Sahara occidental, en tant que tiers aux accords litigieux, le Tribunal a annulé 5 les décisions litigieuses, tout en maintenant temporairement leurs effets.

C’est contre ces arrêts d’annulation que la Cour de justice a été saisie de pourvois formés par la Commission et le Conseil.

Réunie en grande chambre, et se prononçant définitivement sur ces affaires, la Cour rejette les pourvois dans leur intégralité.

En ce qui concerne la recevabilité des recours introduits par le Front Polisario devant le Tribunal, la Cour considère que cette question doit être appréciée à l’aune des effets des décisions litigieuses et, partant, des accords litigieux, sur le peuple du Sahara occidental. Le Front Polisario est un interlocuteur privilégié dans le cadre du processus mené sous l’égide des Nations unies en vue de la détermination du futur statut du Sahara occidental. Vu l’objet des décisions litigieuses et leur incidence sur le droit de ce peuple à l’autodétermination, le Front Polisario satisfait aux conditions pour pouvoir contester devant le juge de l’Union les décisions litigieuses, dans l’intérêt dudit peuple.

La Cour constate, à la lumière de sa jurisprudence 6 et sur le fondement des principes du droit à l’autodétermination et de l’effet relatif des traités, que la mise en oeuvre d’un accord international entre l’Union et le Maroc sur le territoire du Sahara occidental, telle que prévue par les accords litigieux, doit recevoir le consentement du peuple du Sahara occidental. Or, un tel consentement fait défaut en l’espèce.

En effet, la Commission et le SEAE ont consulté non pas le peuple du Sahara occidental, qui est seul titulaire du droit à l’autodétermination par rapport au territoire du Sahara occidental, mais, pour l’essentiel, la « population » de ce territoire, au sens de ses habitants actuels, dont la majeure partie n’appartient pas à ce peuple. Une grande partie dudit peuple est en effet en exil depuis les années 70 et a trouvé refuge en Algérie.

Pour autant, la Cour considère que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, l’expression du consentement du peuple du Sahara occidental aux accords litigieux ne devait pas nécessairement être explicite 7. En effet, le droit international n’exclut pas que le consentement d’un sujet tiers à un accord dont la mise en oeuvre est prévue sur le territoire auquel se rapporte son droit à l’autodétermination puisse être accordé de manière implicite pour autant que certaines conditions soient satisfaites. Ce consentement peut en effet être tenu pour acquis lorsque l’accord en cause ne crée pas d’obligation pour ce peuple et qu‘il prévoit en faveur de ce dernier un avantage précis, concret, substantiel et vérifiable découlant de l’exploitation des ressources naturelles de ce territoire, cet avantage devant en outre être proportionnel à l’importance de cette exploitation. Lorsque ces conditions sont satisfaites, la circonstance qu’un mouvement qui se présente comme étant le représentant légitime de ce peuple s’oppose à cet accord ne peut, en tant que telle, suffire à remettre en cause l’existence d’un tel consentement présumé.

La Cour précise toutefois que cette présomption de consentement peut être renversée. Ainsi, elle peut être examinée par le juge de l’Union lorsque des représentants légitimes du peuple en question établissent qu’un accord ne satisfait pas aux conditions énoncées, ou encore à la demande des institutions ou des États membres, préalablement à la conclusion d’un accord dans le cadre d’une procédure d’avis portant sur la compatibilité de celui-ci avec les traités. En l’espèce, si elle constate effectivement que les accords en cause ne créent pas d’obligations juridiques pesant sur le peuple du Sahara occidental, la Cour relève en revanche que la seconde condition fait défaut puisque ces accords ne confèrent aucun droit ou avantage en faveur du peuple du Sahara occidental, notamment en ce que ce dernier ne bénéficie d’aucune contrepartie financière à l’exploitation des ressources naturelles de ce territoire ou des eaux adjacentes à celui-ci en vertu de ces accords.

Partant, le consentement du peuple du Sahara occidental à l’application des accords litigieux sur ce territoire ne peut être présumé.

En faisant application, entre autres, des mêmes principes de droit international, la Cour se prononce également sur la problématique de l’identification et l’étiquetage des melons et des tomates du Sahara occidental 8 dans un arrêt rendu ce jour. Elle y constate, en substance, que cet étiquetage doit indiquer le seul Sahara occidental comme étant le pays d’origine de ces produits, à l’exclusion de toute référence au Maroc, afin d’éviter d’induire le consommateur en erreur quant à leur véritable origine.

RAPPEL : La Cour de justice peut être saisie d’un pourvoi, limité aux questions de droit, contre un arrêt ou une ordonnance du Tribunal. En principe, le pourvoi n’a pas d’effet suspensif. S’il est recevable et fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Dans le cas où l’affaire est en état d’être jugée, la Cour peut trancher elle-même définitivement le litige. Dans le cas contraire, elle renvoie l’affaire au Tribunal, qui est lié par la décision rendue par la Cour dans le cadre du pourvoi.

Document non officiel à l’usage des médias, qui n’engage pas la Cour de justice.

Le texte intégral et, le cas échéant, le résumé des arrêts (C-778/21 P et C-798/21 P ainsi que C-779/21 P et C-799/21 P) sont publiés sur le site CURIA le jour du prononcé.

Contact presse : Amanda Nouvel ✆ (+352) 4303 2524.

Des images du prononcé des arrêts sont disponibles sur « Europe by Satellite » ✆ (+32) 2 2964106.

1 Accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et le Maroc.

2 Accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc sur la modification des protocoles nº 1 et nº 4 de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part.

3 Décision (UE) 2019/441 du Conseil, du 4 mars 2019, relative à la conclusion de l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc, de son protocole de mise en oeuvre ainsi que de l’échange de lettres accompagnant l’accord.

4 Décision (UE) 2019/217 du Conseil, du 28 janvier 2019, relative à la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc sur la modification des protocoles n° 1 et n° 4 de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part.

5 Voir arrêts du Tribunal du 29 septembre 2021, Front Polisario/Conseil, T-279/19 ainsi que T-344/19 et T-356/19 (voir également le communiqué de presse no 166/21).

6 Arrêts de la Cour du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C-104/16 P (voir également le communiqué de presse n° 146/16) et du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK, C-266/16 (voir également le communiqué de presse n° 21/18).

7 La Cour considère en effet que, contrairement à l’interprétation du Tribunal, les accords litigieux ne créent pas d’obligations juridiques pesant sur le peuple du Sahara occidental, en tant que sujet de droit international.

8 Voir arrêt de la Cour du 4 octobre 2024, Confédération paysanne, C-399/22 (voir également le communiqué de presse n°169/24).

Direction de la Communication Unité Presse et information curia.europa.eu

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