Courrier confidentiel de l’Ambassadeur du Maroc au Mali

Hassan Naciri, ancien ambassadeur du Maroc au Mali aujourd'hui en poste à Dakar.

Etiquettes : Mali, Maroc, Hassan Naciri, Azawad, Kidal, Touaregs, MNLA, Algérie, IBK, Ibrahim Boubacar Keïta, accords d’Alger,

Date : le 12 septembre 2014. Numéro : 1302
A Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération.
Objet : Crise du Mali / Pourparlers

J’ai l’honneur de porter à votre connaissance qu’avec la fin de l’audition de la société civile mardi dernier, les choses semblent s’accélèrer à Alger pour entrer dans le vif du sujet à savoir les négociations directes entre le gouvernement malien et les groupes armée.

La presse locale rapporte que de part et d’autre, on multiple les réunions et consultations pour entamer cette phase cruciale des pourparlers en mettant toutes les chances de son côté. Ainsi, au sein de l’équipe de médiation, l’heure est aux derniers réglages avec des travaux de restitution de l’audition de la société civile qui s’est achevée depuis mardi dernier. Dans le camp gouvernemental malien présent à Alger, les rencontres se multiplient notamment depuis l’arrivée le mercredi dernier à Alger du Chef de la délégation et non moins ministre malien des Affaires étrangères, M, Abdoulaye DIOP, après une visite de deux jours à Moscou.

Du côté des groupes armés, les commissions techniques ont été créées par ceux favorables à l’autonomie ou au fédéralisme et ceux qui défendent le projet d’une décentralisation plus poussée. L’objectif pour ces deux tendances est d’harmoniser leur position lors des négociations directes entre le gouvernement et les groupes armés du nord.

A ce niveau, le travail consiste à prendre en compte les conclusions auxquelles les représentants de la société civile sont parvenu aux termes de leurs travaux sur les quatres groupes thématiques à savoir, politiques et institutions, sécurité et défense, développement économique, social et culturel ainsi que la justice et la réconciliation. C’est ainsi que ces groupes s ’apparentent aux différentes tendances politiques (pro ou anti- gouvernementales, unionistes ou autonomistes).

Il a été constaté aussi, rapportent les mêmes sources, que sur les six mouvements signataires de la feuille de route de juillet dernier (MNLA, HCUA, MAA-dissident, CPA,CM-FPR et MAA-loyaliste), plusieurs soutiennent la nécessité de doter les régions septentrionales du Mali d’un cadre différent de celui des autres régions du pays.

Une source au sein de ces derniers estime que quelle que soit l’appellation qui sera donnée à ce mode de gouvernance des régions du nord du Mali, l’important c’est le fond. Il faut que ce mode de gouvernance soit conforme aux aspirations des populations de ces régions. Elle rappelle à cet effet la nécessité de préserver les lignes rouges tracées par les autorités maliennes et contenues dans la feuille de route signée en juillet dernier par les parties en conflit.

Par ailleurs, le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), a tenu du 06 au 09 septembre courant à Kidal le 4ème congrès ordinaire de son « Conseil Révolutionnaire», à l’issue duquel il a réaffirmé son attachement à « l’autodétermination » de son «peuple» : «La revendication du peuple de l’Azawad demeure légitime, légale et juste, à ce titre le Conseil Révolutionnaire reste à jamais attaché aux aspirations si noble de ce peuple à savoir son autodétermination» a indiqué le communiqué publié par ce mouvement à cet effet.

Des organes de presse pro-gouvernementaux estiment que ce ”mouvement séparatiste ” tenait délibérément à mettre en cause tous ses engagements reconnaissant l’unité, la souveraineté et l’intégrité territoriale du Mali, rappelant dans ce sens la déclaration faite par Mme Assy Walet Icha, présidente de l’Association des Femmes de l’Azawad, une organisation proche du MNLA : «La paix est incontournable, mais passe par l’indépendance». Les menaces de celle-ci est à ” prendre au sérieux”, car elle est ” une pièce maîtresse” du MNLA sur le terrain et c’est elle « le cerveau manipulateur » des femmes et enfants de Kidal, précise un organe de la presse locale.

« Les déclarations tonitruantes des représentants de groupes armés, notamment ceux de Kidal (MNLA, HCUA, MAA) présentement à Alger dans le cadre de la mise en œuvre de la feuille de route des négociations, en ce qui est de la deuxième étape, sonnent comme une remise en cause des principes admis. Il s’agit de principes qui s’imposent au regard de leurs sources (La constitution, les résolutions 21001 et 2164, les déclarations du Conseil de sécurité, les décisions pertinentes de la CEDEAO et de l’OCI).

Dès lors, Bamako émet des appréhens ions, mais continue à afficher un optimisme mesuré.

Très haute considération
L’Ambassadeur de S.M. Le Roi du Maroc
Hassan NACIRI





Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération

Objet: Entretiens avec le Président IBK

J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que conformément aux Hautes Instructions de Sa Majesté le Roi, que Dieu L’assiste, et suite à ma demande, j’ai été reçu, hier soir en aparté, pendant quarante minutes par le Président malien, SEM Ibrahim Boubacar Keita.

Souriant et affichant une grande sérénité, Monsieur le Président commença notre entretien en demandant des nouvelles de Sa Majesté le Roi, de I’Auguste famille Royale et du Maroc.

Après lui avoir transmis les salutations chaleureuses de Sa Majesté le Roi, je lui ai falt part de la profonde préoccupation du Maroc quant à la dégradation de la situation politico-sécuritalre au Mali depuis les évènements tragiques de Kidal.

J’ai également informé le Président que soucieux de la stabilité du Mali, Sa Majesté le Roi souhaite attirer l’attentlon sur la nécessité de redoubler de vigilance, et de prendre, par anticipation, les mesures adéquates au moment où des parties aigries, tant à l’intérieur du Mali qu’à l’étranger, s’agitent activement pour saper tous les efforts constructifs entrepris jusqu’à présent.

Conformément aux Hautes instructions de Sa Majesté le Roi, j’ai aussi rappelé à Monsieur le Président la présence à Bamako de plusieurs agents de sécurité marocains qui avaient été mis à sa disposition, et dont Il conviendrait de tirer le meilleur profit.

En réponse, Monsieur le Président m’a chargé de rassurer Sa Majesté quant aux derniers développements de la situatlon sécuritaire qui demeure sous contrôle, quand bien même les évènements douloureux de Kidal ont bel et bien dégénéré.

Monsieur le Président m’a également fait part de sa grande satisfaction du climat cordial qui a prévalu lors de la réunion qu’il venait de présider, à laquelle étaient conviés les chefs des partis politiques de la majorité et de l’opposition.

Durant ladite réunion, Monsieur le Président m’a confié qu’il avalt expliqué, entre autres, à l’auditoire que l’ancien ministre de la défense, Soumeylou Boubèye Maïga n’a nullement démisslonné de son plein gré, mais qu’iI a été plutôt limogé du fait qu’il avait manqué à son devoir en retenant sciemment des informations hautement stratégiques sur le climat hostile qui prévalait à Kidal, et en se retirant à la dernière minute de la délégation qui devait accompagner le Premier ministre à Kidal.

Monsieur le Président m’a également affirmé qu’il suit de très près les agissements de M. Maïga, particulièrement depuis que ce dernier a quitté le gouvernement, et qu’il n’accorde aucune espèce d’importance à ses menaces dissimulées.

Par ailleurs, Monsieur le Président a évoqué la question de la réconciliation nationale, assènant qu’il est « le seul frère malien » des groupes armés, vraiment capable de conclure un accord de paix juste et durable avec eux, étant « un homme entier » épris de paix et respectueux de ses engagements et de sa parole.

Enfin, le Président m’a intimement chargé de transmettre à sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, ses salutations chaleureuses et de l’assurer de sa profonde amitié.

Très haute considération

L’Ambassadeur Hassan Naciri






A Monsieur le Ministre des Affaires Etrangèrec et de la Coopération.

Objet : Entretien avec le Président malien

J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que sur hautes instructions de Sa Majesté le Roi, que Dieu L’Assiste, j’ai éte reçu hier soir, pendant 40 minutes par SEM le Président Ibrahim Boubacar Keita.

Au cours de cette audience, M. le President a évoqué des sujets en rapport avec l’actualité poIitique malienne tant sur le plan interne que sur le plan externe voulant manifestement connaître les Echos au sein du corps diplomatique accrédité à Bamako.

J’ai offirmè que de façon générale, les efforts du Président sont appréciés, et le rejet de la motion de censure a renforcé davantage cette perception positive sa de la part des Diplomates de certains pays de la région et d’Europe qui servent d’autres agendas et qui sont même derrière certaines crises actuelles au Mali.

A cet égard, le President m ’a confié qu’il venait de recevoir pendant deux heures l’Ambassadeur de France, M. Giles Huberzon, venu lui demander son aval pour tenir la totalité du Dialogue inclusif des groupes mafieux à Alger.

Le Diplomate français a expliqué que les relations Paris-Alger ont atteint un degré de convergence sans précédent et que les deux pays pourront travailler en symbiose totale pour faire réussir les négociations futures, et ce à la faveur des interactions récentes entre les deux pays (visite du Président Hollande et des Ministres des Affaires Etrangères et de la Défense).

M. le Président m’a révélé qu’il a bien expliqué à son interlocuteur que sans avoir aucune rancune vis-à-vu d’Alger, il a decidé de tenir les négociations sur le territoire malien quand bien même il est permis de tenir la partie exploratoire dans n’importe quel autre pays, mais avec le seul objectif de baliser le terrain aux véritables négociations sur la base des accords de Ouagadougou du 18 juin 2013.

M. le Président s ’est dit aussi être convaincu que la crise de 2012 au Nord du Mali n’aurait jamais eu lieu si les accords d’Alger n’existaient pas et ne prévoyaient pas la réduction au strict minimum de la présence des forces militaires et de sécurité maliennes au Nord du pays.

Et le Président de se demander devant le Diplomate français : Et pourquoi l’on insiste sur Alger si les négociations vont se faire dans la transparence et au service du Mali et si tous les participants sont maliens?

Poursuivant ses explications, M. le Président me dira que les autorités algériennes ne cessent de faire pression sur lui ces jours-ci pour le convaincre de se rendre à Alger à l’occasion de la tenue des pourparlers inclusifs en juillet, mais, m’a-t-il expliqué, il leur a donné une fin de non recevoir pour des raisons liées à son calendrier. En réalité, c’est pour éviter de subir des pressions sur place et faire l’objet de confusions, a-t-il précisé. Le Mali se fera représenter par le Haut Représentant chargé de la négociation, note M. le Président.

La partie algérienne est revenue récemment dire au President que son homologue Abdelaziz Bouteflika souhaite vivement s’entretenir avec lui directement à l’occasion des pourparlers. Mais, M. le Président n’a pas changé de position.

Sur le plan bilatéral franco-malien, M. le Président m’a egalement confié que jusqu’à présent, il ne comprend pas pourquoi les français le boudent, avant d’ajouter qu’il a donné enfin son accord pour la signature de l’Accord de défense tant attendu et propose début juillet pour cela.

Il remarque tout de même que ses partenaires français, malgré la pression exercée avant sont de moins en moins interessés par cet accord.

Dans le même sillage, M. le Président m’a informé que son homologue burkinabè se rendra à Bamako, lundi prochain, pour une visite de travail. Cette visite illustre un début de retour de confiance entre les deux Chefs d’Etat, après quelques mois de méfiance sur font de soupçons de complicité malienne avec l’opposition burkinabé. A la question de savoir si cette décrispation pourra aider à la réhabilitation de la médiation burkinabée, le Président a précisé que de toute façon, le Burkina Faso est le Médiateur attitré de la CEDEAO. Néanmoins, le rôle de Ouagadougou dépendra des capacités du Président à reprendre la main, lui-même qui est préoccupé par sa réélection et aura besoin du soutien de la France qui s’efforce, à présent, de garder le dossier à Alger.

Evoquant les relations de fraternité et de confiance qui le lient à Sa Majesté le Roi, que Dieu L’Assiste, il m’a fait savoir qu’en dépit des pressions qui se font sur lui, ses sentiments envers le Maroc restent intacts et ne changeront jamais. A cet égard, il a relaté les différentes calomnies et ragots qui sont parvenus à ses oreilles à l’occasion de la crise de Kidal, citant celle parlant de l’aide d’un million de dollars que le Maroc aurait offert au MNLA sur place à Kidal ou de la présence d’un commando marocain dans la même localité pour soutenir les éléments du MNLA.

M. le Président m’a réaffirmé que ces manigances n’ont pas ebranlè sa foi profonde en la sincérite des relations multiformes et fructueuses avec Ie Royaume et qu’il reste tout à fait confiant que dans ses relations avec les groupes armées, le Maroc n’a qu’un seul objectif, servir la stabilité et l’intégrité territoriale du Mali.

Sur ce sujet, il a rèitéré son attachement indéfectible à la paix et son rejet total de l’indépendance, précisant pourutant qu’il est prêt à partager le pouvoir, mais dans un cadre autre que l’autonomie.

Pour le Président, l’autonomie mènera inéluctablement à l’indépendance el à la création à Kidal d’un Emirat islamique d’où partira une entité terroriste bien structurée à l’instar de l’Etat islamique en Irak.

Ceci, a-t-il ajouté, mettra en péril tous les projets présents et futurs que le Maroc et le Mali sont en train de réaliser.

Comme à l’accoutumée et depuis la visite historique de notre Souverain à Bamako, cette audience accordée immédiatement, s’est déroulér dans un climat empreint de cordialité et de franchise.

M. le Président est revenu à plusieurs reprises sur les grandes qualités de Sa Majesté le Roi se disant fier des relations privilégiées qui le lient à son Auguste personne.

Très haute considération

L’Ambassadeur Hassan Naciri


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