Etiquettes : Maroc, Marocgate, Antonio Panzeri, Sahara Occidental, Tindouf, Front Polisario, corruption, Parlement Européen,
Printemps 2022. Une équipe d’agents de la Sûreté de l’État pénètre discrètement dans un immeuble de sept étages couleur grès à Schaerbeek, à un demi-kilomètre de la tour RTBF. L’ex-politicien italien Pier Antonio Panzeri (67 ans) y est domicilié. La Sûreté a la garantie qu’il n’est pas chez lui à ce moment-là.
Sous le lit de la chambre, une valise de voyage noire à roulettes. Lorsque les agents ouvrent la fermeture éclair, ils trouvent quatre paquets, emballés dans un sac en plastique rouge C&A et un cabas en plastique de l’enseigne Carrefour. Les colis contiennent pas moins de 7.601 billets de 50 euros, l’ensemble valant 380.050 euros. B.
Ce n’est pas tout : intégré dans la garde-robe de Panzeri, un coffre-fort à serrure numérique. Les agents y distinguent d’abord un livre, un dvd et un carton. Mais derrière, des liasses de billets en euros de 50, 100 et 200. Soit 320.000 euros de plus. Les agents photographient le magot et quittent les lieux, rien ne trahit leur visite inopinée. Toutes les traces ont été effacées.
Cette intrusion s’inscrit dans une enquête initiée en 2021 par la Sûreté sur l’ingérence d’une puissance étrangère : des proches du Parlement européen, ressort-il d’informations “très fiables” transmises aux Belges par un service de renseignement européen ami, auraient été soudoyés par les services secrets marocains, la DGED. En retour, ces suspects influenceraient secrètement des déclarations et les résolutions du Parlement européen. Ils seraient même parvenus à faire nommer des députés dans certaines commissions. Dans cette enquête, la Sûreté coopère non seulement avec ce service de renseignement européen allié, mais aussi avec quatre autres services frères.
Cette amitié entre le diplomate marocain et la famille d’Antonio Panzeri semble trouver ses racines peu après 2009, alors que le socialiste italien vient d’être réélu au Parlement européen, raflant au passage la présidence de la délégation pour des relations avec les pays du Maghreb mais aussi la co-présidence, en tandem avec Abderrahim Atmoun, de la commission parlementaire mixte UE-Maroc. Autant dire que M. Panzeri est plus que quiconque à cette époque, le visage de la diplomatie européenne à Rabat, un homme qu’il vaut mieux avoir pour ami que pour ennemi. Ou, en des termes plus diplomatiques et comme le résume une note « fuitée » d’octobre 2011 envoyée par la Mission marocaine auprès de l’Union européenne à Rabat, M. Panzeri « peut être un allié de poids ou un adversaire redoutable ».
Cette amitié entre le diplomate marocain et la famille d’Antonio Panzeri semble trouver ses racines peu après 2009, alors que le socialiste italien vient d’être réélu au Parlement européen, raflant au passage la présidence de la délégation pour des relations avec les pays du Maghreb mais aussi la co-présidence, en tandem avec Abderrahim Atmoun, de la commission parlementaire mixte UE-Maroc. Autant dire que M. Panzeri est plus que quiconque à cette époque, le visage de la diplomatie européenne à Rabat, un homme qu’il vaut mieux avoir pour ami que pour ennemi. Ou, en des termes plus diplomatiques et comme le résume une note « fuitée » d’octobre 2011 envoyée par la Mission marocaine auprès de l’Union européenne à Rabat, M. Panzeri « peut être un allié de poids ou un adversaire redoutable ».
L’objet de cette note est de préparer la visite que l’eurodéputé S&D doit effectuer outre-Méditerranée deux semaines plus tard. Un arrêt délicat à Tindouf, où sont rassemblés plusieurs camps de réfugiés sahraouis, est prévu. Étape nécessaire pour préserver l’image de neutralité de l’eurodéputé : « La visite de Tindouf est indispensable pour conforter la crédibilité de M. Panzeri auprès de l’Algérie et du Polisario, après que celui-ci l’a accusé d’être pro-marocain », avertit la représentation marocaine auprès de l’UE.
Texte intégrale de la note sur la visite de Panzeri à Tindouf
27/10/2011
A Monsieur le Ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération
Objet: PE/ Visite à Tindouf du Président de la Délégation Maghreb du PE
En référence aux correspondances citées en référence, j’ai l’honneur de porter à votre connaissance qu’en marge de la session plénière du Parlement Européen à Strasbourg, cette Mission a eu un entretien informel avec le Conseiller de M. Pier Antonio Panzeri, qui était porteur d’un message de ce dernier, à l’attention des autorités marocaines.
Ci-après, les trois idées principales de ce message, telles qu’elles ont été communiquées :
La visite à Tindouf est indispensable pour conforter la crédibilité de M. Panzeri auprès de l’Algérie et du Polisario, après que celui-ci l’ait accusé d’être pro-marocain. Il n’est pas dans l’intérêt du Maroc que M. Panzeri soit perçu comme tel. Panzeri a fait son possible pour éviter la date du 6 novembre. La date de la visite (7 novembre) est un compromis raisonnable, en ce sens que visiter les camps dans la continuité d’une visite en Algérie est symbolique en soi et constitue, en tout état de cause, une meilleure option (pour le Maroc) qu’une visite ad hoc dans les camps.
M. Panzeri entame ses échanges avec les responsables de l’Algérie et du Polisario en partant de la position de la CPM, qui a toujours placé la question du Sahara dans le cadre de la thématique de la régionalisation avancée. Néanmoins, M. Panzeri ne compte ni évoquer l’autonomie avec le Polisario, ni faire une déclaration dans ce sens lors de sa visite. Il a indiqué qu’il se contentera d’écouter ses interlocuteurs.
Il existe une forte demande PE concernant la question du Sahara. Cette question est régulièrement soulevée par les eurodéputés et fortement exploitée par les pro-Polisario, qui exercent une importante pression (notamment au sein du S&D). Le meilleur moyen de gérer cette pression est de la circonscrire dans le cadre de l’AFET, et de la canaliser par le biais de M. Panzeri, qui est en mesure d’être un interlocuteur crédible pour toutes les parties.
Au premier abord, le message de M. Panzeri se veut rassurant. L’intéressé est très conscient de la sensibilité de sa visite dans les camps de Tindouf, et déploie un effort significatif pour se justifier et ne pas compromettre durablement ses entrées avec le Maroc. Il semble prendre au sérieux la recommandation de ne pas se rendre dans la zone à l’Est du dispositif de défense, et promet de tenir la Mission informée de l’évolution de son programme à Tindouf.
D’un point de vue dynamique, les développements récents sont à replacer dans le prolongement du travail méthodique entamé par M. Panzeri depuis les premiers mois qui ont suivi son élection à la tête de la Délégation Maghreb (cf, M/F. 033/2p/2011/CRY du 26/01/2011). Ses contacts avec le Polisario (aujourd’hui couronnés par la visite), les contacts avec les autorités algériennes (y compris sur la question du Sahara), les ponts de confiance qu’il a su jeter avec ses interlocuteurs marocains (à travers la CPM et son soutient précieux au PE) et, par-dessus tout « l’ambigüité constructive » dont il a su entourer ses attitudes vis-à-vis des uns et des autres, sont les manifestations d’un agenda politique de longue haleine mené d’une manière volontaire, parfois périlleuse, mais toujours avec tact et maîtrise. Il est difficile de ne pas y voir, aussi, une démonstration subliminale d’une « capacité de nuisance », tant il montre à quelle enseigne l’intéressé peut être un allié de poids ou un adversaire redoutable.
Vue sous cet angle, les développements récents dénotent, dans la ligne politique de M. Panzeri, d’une continuité rarement observée chez d’autres eurodéputés. Dans cette logique, il y a lieu de penser que loin d’être une opération de communication, la visite à Tindouf est un jalon tactique dans l’agenda personnel du Président de la D-MAG; un agenda qui pourrait connaître une forte accélération durant les semaines et mois à venir.
En effet, M. Panzeri envisage de lancer au PE un « processus » dans lequel la question du Sahara ferait l’objet d’un débat régulier et institutionnalisé dans le cadre de la Commission AFET. A ce stade l’intéressé n’est pas clair sur l’objectif d’un tel « processus ». Dans ces échanges, aussi bien avec cette Mission qu’avec la co-présidente de la CPM, il se contente d’indiquer qu’il s’agit d’établir un dialogue sur la question du Sahara, sans pour autant préciser si ce dialogue a un objectif (à ses yeux), ou s’il est une fin en soi.
Autant de raisons qui plaident pour un cadrage des connaissances de M. Panzeri sur la question du Sahara et de ses intentions à très courte échéance. A cet effet, il y a lieu de signaler que, à l’invitation de la co-présidente marocaine de la CPM, M. Panzeri sera au Maroc du 28 octobre au 1ᵉʳ novembre 2011, soit à la veille de sa visite en Algérie, qui le conduira également à Tindouf. Cette Mission recommande que le Président de la D-MAG puisse avoir une entrevue (ou plus), avec un (des) responsable (s) à mème de le briefer sur la question du Sahara de manière appropriée et, au besoin, anticiper sur le message qu’il recevra lors des étapes d’Alger et de Tindouf de qu’il y aurait tout lieu d’appeler sa « tournée auprès des parties concernées » par la question du Sahara.
L’Ambassadeur Menouar Alem
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