Etiquettes : Sahara Occidental, Maroc, ONU, Antonio Guterres, Application de la Déclaration sur l’octroi
de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux,
Soixante-dix-neuvième session
Point 57 de l’ordre du jour provisoire
Application de la Déclaration sur l’octroi
de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux
Résumé
Le présent rapport, qui couvre la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, est soumis en application de la résolution 78/85 de l’Assemblée générale.
1. Le 11 décembre 2023, l’Assemblée générale a adopté, sans la mettre aux voix, la résolution 78/85 concernant la question du Sahara occidental. Le présent rapport, qui couvre la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, est soumis en application du paragraphe 7 de la résolution.
2. Le Conseil de sécurité examine la situation concernant le Sahara occidental dans le cadre des questions relatives à la paix et à la sécurité, appelant de ses vœux, dans des résolutions successives, une « solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ». La Commission des questions politiques spéciales et de la décolonisation (Quatrième Commission) de l’Assemblée générale et le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux l’examinent au titre des questions relatives aux territoires non autonomes et à la décolonisation.
3. Conformément à la résolution 2654 (2022) du Conseil de sécurité, j’ai présenté le 3 octobre 2023 un rapport au Conseil sur la situation concernant le Sahara occidental (S/2023/729), décrivant la situation sur le terrain, l’état d’avancement des négociations politiques sur le Sahara occidental, l’application de la résolution 2654 (2022) et les difficultés auxquelles se heurtent les opérations de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), ainsi que les mesures prises pour les surmonter. Le 30 octobre 2023, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2703 (2023), par laquelle il a prorogé le mandat de la MINURSO jusqu’au 31 octobre 2024 et m’a prié de lui présenter un rapport sur la situation au Sahara occidental bien avant la fin du mandat de la Mission. Un rapport distinct sera élaboré et présenté en réponse à cette demande.
4. Pendant la période considérée, la situation au Sahara occidental est restée caractérisée par des hostilités de faible intensité entre le Maroc et le Front populaire pour la libération de la Saguía el-Hamra et du Río de Oro (Front POLISARIO) et certains des problèmes persistants dans l’environnement opérationnel de la MINURSO.
5. La plupart des tirs de part et d’autre du mur de sable signalés à la MINURSO par les parties étaient concentrés dans le nord du territoire, près de Mahbas. Durant la période considérée, la MINURSO, accompagnée de l’Armée royale marocaine, s’est rendue dans des lieux où des tirs se seraient produits à proximité du mur de sable et, dans plusieurs cas, a observé des traces de munitions de mortier explosées. Toutefois, pour des raisons de sécurité, ces visites ont souvent eu lieu plusieurs jours après les faits présumés, si bien qu’il a été difficile de déterminer de façon concluante ce qui s’était passé. Une enquête de la MINURSO a établi que, le 29 octobre, des roquettes explosives en provenance de l’est avaient touché une zone habitée par des civils à Smara. Une personne aurait été tuée et trois autres blessées. La MINURSO a continué de noter les informations faisant état de frappes menées par l’Armée royale marocaine à l’aide de drones aériens à l’est du mur de sable et a pu mener des enquêtes sur les lieux présumés en diverses occasions. Dans certains cas, les médias ont rapporté que les frappes aériennes avaient fait des victimes civiles. La MINURSO a constaté à plusieurs reprises qu’il y avait eu des victimes.
6. Fin février 2024, pour réduire les tensions sur le terrain, mon Représentant spécial pour le Sahara occidental et Chef de la MINURSO et le Commandant de la Force ont écrit aux deux parties pour proposer une cessation des hostilités pendant le mois sacré du Ramadan. L’Armée royale marocaine a répondu le 26 février 2024 et redit son engagement à respecter le cessez-le-feu de 1991 tout en soulignant son droit de réagir face aux agissements du Front POLISARIO. Dans une lettre adressée à mon Représentant spécial et datée du 13 mars 2024, le Front POLISARIO a estimé que, si l’on ne s’attaquait pas aux causes profondes de la rupture du cessez-le-feu de 1991, une cessation des hostilités revenait à méconnaître la réalité actuelle sur le terrain.
7. Les difficultés d’approvisionnement et de maintenance des bases d’opérations de la MINURSO situées à l’est du mur de sable qui avaient été signalées se sont allégées après que le Front POLISARIO a informé mon Représentant spécial, dans une lettre du 29 mars 2023, qu« en signe de bonne volonté et pour aider à surmonter certains des problèmes logistiques » que rencontrait la MINURSO, le Front POLISARIO était disposé à « accorder à la Mission un passage sûr, à titre exceptionnel et provisoire pour qu’elle effectue un convoi logistique terrestre afin de réapprovisionner ses bases d’opérations » situées à l’est du mur de sable. Dès lors, la MINURSO a été en mesure d’approvisionner ses bases d’opérations de manière plus régulière et plus fiable. Entre septembre 2023 et juin 2024, la MINURSO a pu effectuer en moyenne un convoi terrestre par mois vers ses bases d’opérations situées à l’est du mur de sable.
8. Le 11 septembre 2023, à New York, j’ai rencontré le Secrétaire général du Front POLISARIO, Brahim Ghali. Nous avons discuté des perspectives d’avancement du processus politique mené sous les auspices de mon Envoyé personnel pour le Sahara occidental, Staffan de Mistura. Nous avons également discuté de l’importance d’assurer la durabilité de la présence de la MINURSO sur l’ensemble du territoire.
9. Au cours de la période considérée, mon Envoyé personnel a engagé des consultations sur la question du Sahara occidental avec le Maroc, le Front POLISARIO, l’Algérie et la Mauritanie, des membres du Conseil de sécurité, des membres du Groupe des Amis pour le Sahara occidental et d’autres acteurs intéressés en vue de faire progresser de manière constructive le processus politique concernant le Sahara occidental.
10. En 2023, mon Envoyé personnel s’est rendu dans plusieurs endroits pour rencontrer des acteurs régionaux. Le 2 juillet 2023, il a rencontré le tout nouveau Ministre algérien des affaires étrangères, Ahmed Attaf, à Alger. Il s’est rendu à Laayoune les 5 et 6 septembre et à Dakhla le 7 septembre. Le 8 septembre, il a rencontré le Ministre marocain des affaires étrangères, Nasser Bourita, à Rabat. Le 11 septembre, il a rencontré le Secrétaire général du Front POLISARIO à New York. Il s’est ensuite rendu à Alger le 13 septembre pour rencontrer le Ministre algérien des affaires étrangères, puis à Nouakchott les 14 et 15 septembre pour rencontrer le Président de la Mauritanie, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, et son Ministre des affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Merzoug.
11. En 2024, mon Envoyé personnel a entrepris une nouvelle série de visites régionales. Il s’est rendu à Alger le 27 février 2024 pour rencontrer le Ministre algérien des affaires étrangères, à Nouakchott le 2 avril 2024 pour rencontrer le Président et le Ministre des affaires étrangères de la Mauritanie, et à Rabat le 4 avril 2024 pour rencontrer le Ministre marocain des affaires étrangères. Il a également rencontré à nouveau le Ministre algérien des affaires étrangères le 16 avril 2024 à New York.
12. Outre les acteurs dans la région, mon Envoyé personnel a également rencontré la Sous-Secrétaire d’État par intérim des États-Unis d’Amérique, Victoria Nuland, le 20 octobre 2023 à Washington ; le Ministre espagnol des affaires étrangères, de l’Union européenne et de la coopération, José Manuel Albares Bueno, le 18 décembre 2023 à Madrid ; la Ministre des relations internationales et de la coopération de l’Afrique du Sud, Grace Naledi Mandisa Pandor, le 31 janvier 2024 à Pretoria ; le Ministre russe des affaires étrangères, Sergey Lavrov, le 11 mars 2024 à Moscou ; le Ministre d’État (chargé du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord, de l’Asie du Sud, de l’Organisation des Nations Unies et du Commonwealth) du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, Lord Tariq Ahmad, le 22 mars 2024 à Londres ; ainsi que de hauts responsables français le 27 mars 2024, à Paris. Lors de ces rencontres et échanges, mon Envoyé personnel a été heureux de constater que ses interlocuteurs appuyaient l’action menée par l’Organisation des Nations Unies pour faciliter une solution politique à la situation au Sahara occidental.
13. Conformément aux résolutions 2654 (2022) et 2703 (2023) du Conseil de sécurité, mon Envoyé personnel a présenté des exposés au Conseil le 16 octobre 2023 et le 16 avril 2024 dans le cadre de consultations. À ces occasions, les membres du Conseil ont largement soutenu mon Envoyé personnel dans ses efforts. À New York, celui-ci a rencontré de hauts fonctionnaires de l’ONU, des représentants du Maroc, du Front POLISARIO, de l’Algérie et de la Mauritanie, ainsi que des membres du Conseil de sécurité et des membres du Groupe des Amis pour le Sahara occidental.
14. Au cours de la période considérée, la MINURSO a poursuivi ses activités de déminage : neutralisation urgente d’engins explosifs, appui aux enquêtes menées sur les lieux des frappes aériennes présumées à l’est du mur de sable, appui à l’acheminement de convois terrestres, vérification d’itinéraires et sensibilisation globale aux risques liés aux engins explosifs. En janvier 2024, pour la première fois depuis 2019, la MINURSO a repris les activités de remise à disposition des terres dans la zone de Mijek, après que celles-ci ont repris à Tifariti en mai 2023. Au cours de la période allant jusqu’au 30 juin 2024, 3 532 000 mètres carrés de terrain ont été nettoyés et 295 engins explosifs ont été trouvés et détruits.
15. Avec l’aide du Bureau du Coordonnateur résident, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le Programme alimentaire mondial et l’Organisation mondiale de la Santé ont continué de fournir une aide humanitaire aux réfugiés sahraouis vivant dans les cinq camps situés près de Tindouf (Algérie), malgré de graves problèmes de financement. Le plan d’intervention en faveur des réfugiés sahraouis 2024-2025, premier plan consolidé des besoins et des activités dans les camps, a été lancé en novembre 2023. Au moment de la rédaction du présent rapport, seulement 29 % du montant de 110,5 millions de dollars nécessaire pour financer le plan avait été reçu. Les organismes des Nations Unies ont créé un sous-groupe chargé de soutenir les efforts de collecte de fonds pour le plan, qui prévoit notamment de s’adresser à de nouveaux donateurs potentiels et de nouer de nouveaux partenariats. Une mission de donateurs qui s’est rendue dans les camps en avril 2024 a reconnu l’ampleur des besoins existants malgré l’appui généreux apporté par le Gouvernement algérien et d’autres donateurs.
16. Les mesures de confiance visées dans la résolution 1282 (1999) du Conseil de sécurité et ses résolutions ultérieures, destinées à permettre aux réfugiés sahraouis et à leur communauté d’origine dans le territoire d’entretenir des relations familiales, sont restées en suspens.
17. Bien que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ait officiellement demandé, à plusieurs reprises, à effectuer une visite technique au Sahara occidental, conformément à la résolution 78/85 de l’Assemblée générale, et que le Conseil de sécurité, dans sa résolution 2703 (2023), ait exhorté au renforcement de la coopération avec le Haut-Commissariat, y compris par la facilitation des visites dans la région, le Haut-Commissariat n’a pas été autorisé à se rendre sur le territoire depuis 2015.
18. Le manque d’accès à des informations de première main et l’absence de surveillance indépendante, impartiale, globale et régulière de la situation des droits humains ont été préjudiciables à une évaluation globale de la situation des droits humains dans la région. Au cours de la période considérée, le Haut-Commissariat a continué de recevoir des allégations faisant état de violations des droits humains, notamment des actes d’intimidation, de surveillance et de discrimination contre des Sahraouis, en particulier lorsqu’ils plaident en faveur de l’autodétermination. En novembre 2023, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné le rapport combiné valant dix-neuvième à vingt et unième rapports périodiques du Maroc et exprimé des préoccupations similaires dans ses observations finales (CERD/C/MAR/CO/19-21, par. 19).
19. Le bien-être et les conditions de détention des prisonniers sahraouis, en particulier ceux appartenant au groupe Gdeim Izik, qui sont détenus en dehors du Sahara occidental, restent un problème urgent. De même, des informations ont été reçues sur les conditions humanitaires dans les camps de réfugiés de Tindouf et sur la nécessité d’assurer la protection des droits humains à l’intérieur des camps.
20. Le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux a examiné la question du Sahara occidental aux cinquième et sixième séances de sa session de 2024, tenues le 11 juin 2024.
21. Je reste vivement préoccupé par l’évolution de la situation au Sahara occidental. Celle-ci a continué de se dégrader et il faut d’urgence inverser la tendance, notamment pour éviter toute nouvelle escalade. La poursuite des hostilités et l’absence de cessezle-feu entre le Maroc et le Front POLISARIO marquent un net recul dans la recherche d’une solution politique à ce différend de longue date. Les frappes aériennes et les tirs de part et d’autre du mur de sable ne cessent de contribuer à la montée des tensions. Dans ce contexte, il est primordial de rétablir un cessez-le-feu.
22. Ce contexte difficile rend la négociation d’une solution politique à la question du Sahara occidental plus urgente que jamais, près de 50 ans après le début du conflit. L’Organisation des Nations Unies reste disposée à réunir tous ceux que la question du Sahara occidental intéresse dans un effort commun visant à rechercher une solution pacifique. Je les invite à aborder le processus politique l’esprit ouvert, à ne pas poser de conditions préalables et à saisir l’occasion qu’offrent la facilitation et les efforts de mon Envoyé personnel. Sous réserve que toutes les personnes concernées se mobilisent de bonne foi et pourvu qu’il y ait une forte volonté politique et un soutien constant de la communauté internationale, je demeure convaincu qu’il est possible de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, conformément aux résolutions 2440 (2018), 2468 (2019), 2494 (2019), 2548 (2020), 2602 (2021), 2654 (2022) et 2703 (2023) du Conseil de sécurité.
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