Secrets de Palais : Quand le roi du Maroc censurait le magazine français VSD

La description que fait VSD du personnage du roi du Maroc est telle qu'elle décrypte les aspects les plus troubles de la personnalité de «M6». Au-delà du caractère privé de certaines allusions, ce portrait est instructif sur un roi dont personne n'arrive à saisir le cheminement incohérent notamment en matière de relations politiques. Un grief qui revient souvent à Alger.

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Mounir B.

Le roi du Maroc est décrit comme un souverain qui ne s’occupe que par défaut des affaires du royaume.

L’hebdomadaire français VSD a été interdit de diffusion au Maroc. Son dossier consacré à la personnalité du roi du Maroc, Mohammed VI n’a pas été du tout du goût du palais royal qui l’a censuré.

L’hebdomadaire, qui a fait parler Gilles Perrault, auteur de Notre ami le roi, et Jean-Pierre Tuquoi, journaliste du Monde et auteur du Dernier roi ; deux spécialistes du Maroc, a livré plusieurs révélations sur la personnalité énigmatique de Mohammed VI, qui éclairent d’un jour nouveau la dimension politique du personnage.

D’abord, VSD évoque le récent mariage du souverain marocain avec Lalla Salma Bennani, une informaticienne de 25 ans issue de la bourgeoisie marocaine qui est, selon Perrault, un mariage arrangé et «éminemment politique». L’écrivain français le considère comme une réaction du palais aux rumeurs sur la vie privée de «M6» qui ne s’est pas marié jusqu’à l’âge de 38 ans.

Ensuite, ce sont les rapports entre le père, Hassan II et son fils, l’actuel roi, qui sont passés au crible par les deux spécialistes. Selon Tuquoi: «Hassan II était quelque peu détraqué. C’était quelqu’un de violent. Il battait ou faisait battre ses enfants pour un mot de travers, une mauvaise note, une mauvaise fréquentation ou pour rien. Le roi a broyé l’existence de tout son entourage. Les enfants ont peut-être été les plus exposés et Mohammed VI en particulier.» Gilles Perrault abonde dans le même sens: «Les enfants de Hassan étaient battus. La punition classique, c’étaient des coups de cravache. Cela a lourdement pesé sur la personnalité de Mohammed VI. Contrairement à son frère cadet Moulay Rachid, qui ressemble beaucoup plus à Hassan, Mohammed était un garçon fragile qui a été meurtri par cette éducation. Cette période a pu le dégoûter à vie de l’exercice du pouvoir.»

Le cursus du jeune roi y est également décortiqué. Artiste sur les bords, sensible, intelligent, mais dilettante, le roi du Maroc est décrit comme un souverain qui ne s’occupe que par défaut des affaires du royaume.

Selon Tuquoi, le mémoire pour l’obtention de son diplôme lors de son passage au sein de la Commission européenne à Bruxelles auprès de Jacques Delors est «bidon. Ce n’est certainement pas lui qui l’a écrit». Son passage à l’état-major de l’armée royale en tant que coordinateur des services n’a pas laissé des souvenirs impérissables d’un roi porté sur le travail.

La réalité du pouvoir rattrape celui qu’on appelle «Majestski» (en référence à sa passion pour le jet-ski). Le 23 juillet 1999, Mohammed VI succède à Hassan II et met une conclusion à une vie de prince marquée par la luxure, les boîtes de nuit, les palaces d’Europe et les costumes Smalto. Il se bâtit très vite la réputation de «roi des pauvres»: «Le roi a fait des efforts pour être proche des Marocains, mais il est en plein syndrome Giscard. Il est coupé du peuple, mais il pense qu’il suffit d’être gentil pour que les gens l’aiment. Malheureusement, cela ne fonctionne pas comme cela», dira un proche du palais royal.

Enfin, sur l’exercice du pouvoir, les intervenants sur VSD sont critiques. Menacé par les islamistes, le Maroc sous Mohammed VI est décrit par Nadia Yassine, fille de cheikh Ahmed Yassine, leader des Frères musulmans marocains, comme étant en «stagnation totale. Le pays est dirigé par une élite de quelques familles qui sont prêtes à tout pour défendre leurs intérêts. Aujourd’hui, la déception est à la mesure de l’espoir né à la mort de Hassan II. Mais nous ne considérons pas le roi Mohammed VI comme un affreux personnage. Il est plus victime du système mis en place par son père, que bourreau. C’est quelqu’un qui subit. Une chose est certaine: il n’a ni l’envergure, ni la force, ni la dimension politique qu’avait son père» avant d’ajouter: «Quand le fruit est pourri, il tombera tout seul.»

Et à Gilles Perrault de conclure sur le chapitre politique que «le roi du Maroc a l’intelligence de faire des réformes, mais il n’a pas la volonté suffisante pour les mener à terme».

La description que fait VSD du personnage du roi est telle qu’elle décrypte les aspects les plus troubles de la personnalité de «M6». Au-delà du caractère privé de certaines allusions, ce portrait est instructif sur un roi dont personne n’arrive à saisir le cheminement incohérent notamment en matière de relations politiques. Un grief qui revient souvent à Alger.

L’Expression, 28/03/2002

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