L’Afrique face aux rivalités des grandes puissances : Dix axes directeurs pour son émergence par une nouvelle gouvernance

Ayant depuis des décennies une vision optimiste du devenir de l’Afrique grâce à sa jeunesse dynamique et un renouveau de sa gouvernance, évitons «l’afro-pessimisme» car selon le FMI l'Afrique avec un taux de croissance supérieurs à 5/7% au cours des trois prochaines décennies.

Etiquettes : Afrique, Occident, économie, reccources naturelles, richesses,

Abderrahmane MEBTOUL, Professeur des universités, expert international docteur d’Etat 1974- Algérie -Président du conseil national des privatisations avec rang de ministre Délégué Algérie 1996/1999

Avec ses importantes potentialités, des richesses colossales, l’Afrique courant 30,353 millions de km2, pour une population fin 2023 d’environ 1,4 milliard d’habitants, 18% de la population mondiale avec un PIB en 2023 estimé à 2700 milliards de dollars contre 2500 en 2022, environ 2,7% du PIB mondial, l’équivalent de celui de la France qui a une population de 68 millions d’habitants, est en ce début du XXIème siècle l’objet de convoitises de la part des grandes puissances et de certaines nations émergentes Les différentes rencontres USA/Afrique, Chine Afrique, Russie/Afrique, Europe/Afrique, Turquie Afrique, Japon Afrique, en n’oubliant pas les pays du Golfe à revenus financiers importants, la préoccupation de ces principaux acteurs entrant dans le cadre de la nouvelle configuration géostratégique est le contrôle de certaines matières premières stratégiques de l’Afrique.

1-Il y a lieu au préalable de situer le poids économique des plus grands pays en référence au produit intérieur brut, PIB, indicateur qui permet de mesurer les richesses créées dans un pays. mais devant tenir compte, pour plus d’objectivité, du PIB par tête d’habitant et la répartition du revenu par couches sociales pour déterminer les inégalités. Nous avons pour 2023 les 20 pays ayant le PIB le plus élevé : USA 25462,70 milliards de dollars ; la Chine 17963,17 ; le Japon 4231014 ; l’Allemagne 4072,19 ; l’Inde 3385,09 ; le Royaume Uni 3070,67 ; la France 2782,91, la Russie 2240,42 ; le Canada 2139,84 ; l’Italie 2010,43 ;le Brésil 1920,10 ; l’Australie 1675,42 ; la Corée du Sud 1665,25 ; le Mexique 1414,19 ; l’Espagne 1397,51 ; l’Indonésie 1319,10 ; l’Arabie Saoudite 1108,15 ; les Pays Bas 991,11 ; la Turquie 905,99 et la Suisse 807,71 milliards de dollars.

Mais si l’on prend les USA, l’Europe y compris le Royaume Uni pour moins d’un milliard d’habitant sur un total dépassant 8 milliards d’habitants depuis janvier 2024, ils totalisent plus de 40% du PIB mondial évalué à plus de 101.000 milliards de dollars. Les BRICS avec les nouvelles adhésions totalisent 33% du PIB mondial pour environ 50% de la population mondiale. Pour le continent Afrique, objet de cette contribution, il n’existe pas une Afrique mais des Afriques, certains pays, notamment le Nigeria, le Gabon, le Tchad, la République démocratique du Congo, l’Algérie, la Libye sont spécialisés dans le pétrole, le gaz et les matières premières, qui connaissent une forte demande et un prix élevé sur le marché mondial leur permettant une relative aisance financière.

À l’inverse, des pays comme le Bénin, le Malawi, l’Ile Maurice, le Swaziland, l’Ethiopie, le Togo, le Mali, qui sont pénalisés dans des produits qui connaissent souvent une détérioration en termes d’échange, Selon l’institut stratégique Ires de Paris, l’Afrique entre 2021/2023 , le commerce interafricain n’est que de 15% et les échanges intra maghrébins étant inférieur à 3%. Pour 2023 ,le FMI donne le classement suivant , l’Afrique du Sud (373 milliards de dollars), l’Égypte (348 milliards de dollars), l’Algérie (267 milliards de dollars) et le Nigeria (253 milliards de dollars).

Pour les nations les plus riches en Afrique en référence au PIB par habitant en PPA les Seychelles occupe la première place de 29 164 dollars, l’île Maurice le deuxième rang, devant la Libye (24 559 $), le Botswana (19 398 $) le Gabon (19 197 $), la Guinée Equatoriale (18 510 $), l’Egypte (16 979 $), l’Afrique du Sud (16 091 $) et l’Algérie (13 507 $). L’Afrique possède le s plus grands fleuves et cours d’eau du monde , de vastes étendues de terres arables et moins de 10 % de celles-ci sont utilisées parallèlement aux importantes.

Nous avons également les ressources minières, le continent possédant 54 % des réserves mondiales de platine, 78 % de diamant, 40 % de chrome 28 % de celles de manganèse et des pays, comme la République démocratique du Congo (RDC), la Zambie, le Niger, le Mali, l’Afrique du Sud, regorgent t de matières premières stratégiques, comme le cuivre, le coltan (utilisé dans la fabrication des téléphones portables), l’uranium, le diamant, l’or. Par ailleurs dix-neuf pays d’Afrique au sud du Sahara possèdent d’importantes réserves d’hydrocarbures, de pétrole, de gaz, de charbon ou de minéraux et de nouvelles découvertes de réserves de pétrole, de gaz naturel et de minerais stratégiques sont annoncées dans plusieurs pays du continent entre 2022/2025

Paradoxalement la zone la plus pauvre , l’Afrique subsaharienne est une région riche en ressources naturelles, peinent à pleinement tirer profit de ses vastes ressources, idem le Soudan et la Libye qui connaissent une déstabilisation, le premier possédant 210 millions d’hectares de terres arables, dont seulement 25% sont cultivées (les tensions au Moyen Orient ayant fait oublier la grande famine qui frappe de pays) et la Libye divisé en deux, premier réservoir de pétrole en Afrique 43 milliards de barils pour une population inférieure à 7 millions d’habitants.

Selon la Banque Africaine de développement , en 2023-24, la croissance moyenne du PIB réel de l’Afrique a été de 4,1 %, contre 3,8 % en 2022. .Cependant, selon le FMI, la dynamique des fondamentaux macroéconomiques de l’Afrique reste mitigée, le déficit budgétaire devant se stabiliser à 3,9 % du PIB en 2023-24, contre 4 % en 2022, le déficit du compte courant devant se creuser pour atteindre 2,3 % du PIB en 2023-24, contre 2,1 % en 2022. Par ailleurs, les fluctuations des taux de change se sont poursuivies dans la plupart des pays entre 2022/2023, en raison du resserrement monétaire mondial mené par les États-Unis et certaines économies avancées ayant eu pour impact un taux l’inflation de 15,1 % en 2023, contre 14,2 % en 2022, mais qui devrait descendre à 9,5 % en 2024.

2- Une nouvelle gouvernance menée par des leaders africains est possible afin de régénérer l’Afrique avec principalement comme objectif de lutter contre les inégalités et placer les pays africains, tant individuellement que collectivement, sur la voie d’une croissance et un développement durable. Sans être exhaustif, les priorités peuvent s’articuler autour de dix axes interdépendants : premièrement accélérer la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) adopté le 1er janvier 2021, 54 pays africains l’ayant signé et 47 ratifié, qui selon la Banque mondiale pourrait permettre aux pays africains de faire sortir de l’extrême pauvreté 30 millions d’habitants et d’accroître le revenu de 68 millions d’autres personnes qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour et sur les 450 milliards de dollars de gains potentiels, environ 300 milliards proviendraient des mesures de facilitation du commerce visant à lever les freins bureaucratiques et à simplifier les procédures douanières.

L’accord devrait réduire les droits de douane entre les pays membres et traitera d’aspects de politique générale liés notamment à la facilitation des échanges et aux services, tout en englobant des dispositions réglementaires telles que les normes sanitaires et les barrières techniques au commerce. Si elle est pleinement mise en œuvre, la ZLECAf permettrait de réorganiser les marchés et les économies de la région et de stimuler la production dans les secteurs des services, de l’industrie manufacturière et des ressources naturelles

L’intégration sous- régionales. à travers la création d’un marché commun de biens et de services renforcera la complémentarité économique du continent de stimuler le commerce intra-africain de 52,3 % d’ici 2025, d’augmenter les revenus de l’Afrique jusqu’à 450 milliards de dollars d’ici 2035, et sortir 30 millions d’Africains de l’extrême pauvreté deuxièmement, établir des conditions favorables au développement en assurant la sécurité régionale sans laquelle aucun développement n’est possible et pilier du développement de l’Afrique, accélérer les réformes tout en préservant la cohésion sociale par une politique globale synchronisant l’efficacité économique et une profonde justice sociale afin d’avoir l’adhésion des populations, supposant une profonde moralité des dirigeants, troisièmement, compte tenu de ces risques élevés, des moyens financiers importants, estimés par la Climate Policy Initiative à 2 800 milliards de dollars entre 2020 et 2030, seront nécessaires pour que l’Afrique puisse atteindre ses objectifs de lutte contre le réchauffement planétaire

Cela est lié au développement des énergies renouvelables( solaire, hydrogène vert, bleu, blanc) , le continent disposant d’un potentiel important puisqu’il concentre environ 60 % du potentiel solaire mondial et 40 % des minéraux stratégiques nécessaires à la décarbonation ; quatrièmement, liée à l’objectif précédent le développement d l’agriculture qui emploie plus de 50 % de la population active et représente plus de 25 % de son PIB doit constituer où l’Afrique face aux conséquences dramatiques du dérèglement climatique risque de connaître une baisse de 20 % de ses rendements agricoles d’ici à 2050. cinquièmement, 13 pays africains connaissent une grave insécurité hydrique.

Sur la base des conclusions du Evaluation deal sécurit mondiale de l’eau 2023, ces pays comprennent l’Éthiopie, l’Érythrée, les Comores, le Tchad, Madagascar, la Libye, Djibouti, le Libéria, le Niger, le Soudan, le Soudan du Sud, la Somalie et la Sierra Leone. Un autre rapport indique que sur une échelle de 1 à 100, 19 pays africains ont des niveaux d’eau inférieurs au seuil de 45. Le même rapport suggère que seuls 13 pays africains ont au moins un niveau modeste de sécurité hydrique, dont la Tunisie, le Botswana, l’Égypte, Gabon et Maurice

L’eau étant un enjeu du XXIème siècle, avec des risques de guerre et des conflits comme en témoigne les tensions entre l’Egypte et l’Ethiopie pour le fameux barrage de al renaissance, mais cela concerne tous les continents, face à la diminution de l’approvisionnement en eau en Afrique à la pénurie d’eau qui risque de frapper l’Afrique, il existe deux solutions principales innovantes le dessalement et la réutilisation de l’eau ; sixièmement, renforcer les investissements notamment étrangers par l’amélioration du climat des affaires mais dans un cadre de partenariat gagnant –gagnant, évitant la dilapidation des richesses comme par le passé, où selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), 45 milliards de dollars de flux d’investissements directs étrangers ont été dirigés vers l’Afrique en 2022, année de la pandémie, soit 35 milliards de dollars de moins qu’en 2021 et ce parallèlement, la lutte contre la fuite des capitaux liée à la corruption, le quotidien français les Echos.fr, du 29/09/2020 estimant une fuite illicite de 85/100 milliards de dollars par an ; septièmement, l’objectif est la promotion de la diversification de la production et des exportations, y compris la promotion de l’agro-industrie, des usines, des mines, des profils minéraux, du tourisme avec la réalisation d’investissements dans des secteurs fondamentaux susceptibles de contribuer à la croissance économique.

L’Afrique doit investir dans les nouvelles technologies dont l’intelligence artificielle, le contient connaissant un important déficit dans le numérique Selon un rapport de la Banque mondiale et des Nations Unies, l’économie numérique dans le PIB mondial atteindra 25 % en 2026, plus de 30% horizon 2030 contre moins de 15,% en 2016 devant constituer un impératif pour des dirigeants africains, l’Union internationale des télécommunications estimant qu’un gain de 10 % de son déploiement sur les territoires du continent engendrerait une hausse de 2,5 % du PIB par habitant.

Selon une enquête réalisée par Africa24, la réalisation de la vision d’une Afrique numérique nécessite le développement de solutions numériques locales. Le continent ne compte que sept start-up licornes, c’est-à-dire des entreprises technologiques dont la valeur est supérieure à 1 milliard de dollars. Pour son essor, l’Afrique prévoit de développer son économie numérique et d’investir dans la promotion des start-ups locales. L’économie numérique africaine vaudrait 712 milliards de dollars (680 milliards d’euros) d’ici à 2050, soit 8,5 % du PIB continental ; huitièmement ; il s’agit d’accorder une priorité au développement humain, particulièrement la santé, l’éducation, les sciences et technologies et le développement des compétences et lutter contre l’exode des cerveaux où selon la Banque africaine de développement, rapport de 2022, l’Afrique perd environ 2 milliards $ par an du fait de la fuite des cerveaux dans le seul secteur de la santé.

Or c’est une fuite indirecte de capitaux étant la plus grande hémorragie , un pays sans son élite étant comme un corps sans âme, le départ des diplômés appauvrissant les pays d’origine : coût de leur formation, perte de compétence et freins au développement ce qui renvoie à la considération au savoir , la diaspora africaine avec son expérience devant être intégrée ; neuvièmement, l’Afrique accuse un important déficit dans les infrastructures, accéléré par une croissance du taux d’urbanisation, 50 % de son territoire, selon les dernières conclusions de la révision et de la mise à jour des données d’Africapolis 2023, où par exemple (rapport ONU) avec d’importantes disparités, 12 pays africains affichant un taux d’électrification entre 80/90%, 23 une moyenne de 50%.

Avec une moyenne générale pour le contient de 32% Le besoin de financement se situerait selon l’agence Ecofin entre 68 et 108 milliards de dollars sur l’ensemble du continent alors que selon la banque africaine de développement le montant dépasserait les 150 milliards de dollars, ce qji influerait sur el taus de croissance d’au moins 2% ; dixièmement, , tout en assurant une , bonne gouvernance politique, économique et d’entreprise, avec un accent sur la gestion financière publique interne, s’impose une négociation avec les principaux bailleurs de fonds pour alléger la dette qui devient insupportable. Selon le FMI , la dette publique en Afrique a atteint fin 2022 1800 milliards de dollars en hausse de 183 % depuis 2010. A cela s’ajoute le impacts du réchauffement climatique qui frappent de plein fouet l’Afrique qui pourtant n’est responsable selon les rapports de l’ONU pour moins de 5% des effets de serre et selon l’ONU l’Afrique a besoin d’ici 2030 de près de 200 milliards de dollars pour atteindre ses ODD.

En conclusion, comme le note Nicolas Normand dans une contribution du 15 février 2021 dans Magazine/Diplomatie « l’Afrique en 2050 pourra t-elle devenir la nouvelle frontière de l’Europe, son relais de croissance ou, au contraire, la source de ses principales menaces, le rivage d’où déferleront des vagues incessantes d’immigrés fuyant l’insupportable ? ». Ayant depuis des décennies une vision optimiste du devenir de l’Afrique grâce à sa jeunesse dynamique et un renouveau de sa gouvernance, évitons «l’afro-pessimisme» car selon le FMI l’Afrique avec un taux de croissance supérieurs à 5/7% au cours des trois prochaines décennies, aura le potentiel de contribuer à l’économie mondiale à hauteur de 29 000 milliards de dollars en 2050 dont plus de 4500 milliards de dollars pour l’Afrique subsaharienne, où selon . les prévisions d’Euromonitor, entre 2023 et 2040, le PIB réel de l’Afrique de l’Est devrait augmenter de 193 %, soit un taux nettement plus élevé que celui de l’Afrique centrale (+10 %).

D’une manière générale, en prévisions d’importants bouleversements géostratégiques, et socio économiques mondiaux 2024/2030/2040/2050 , les nouveaux défis pour l’Afrique concernent la relance économique tenant compte du bouleversement technologique mondial, les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, et l’environnement. Ils sont d’ordre local, régional et global. Il devient impératif que les gouvernants africains améliorent leur gouvernance et pour les pays développés et émergents qu’à une vision strictement marchande se substitue un co-développement pour une richesse partagée. Le dialogue des civilisations et la tolérance sont des éléments plus que jamais nécessaires à la cohabitation entre les peuples et les Nations

Abderrahman Mebtoul, ademmebtoul@gmail.com

#Afrique #Algérie #Economie


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