Aboubakr Jamaï raconte la censure et la dictature au Maroc

Aboubakr Jamaï est actuellement doyen à Madrid de l’American University Institute et prépare un livre dans lequel il récupère des éditoriaux et des articles du Journal Hebdomadaire, l’hebdomadaire marocain devenu symbole de la transition au Maroc.

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Irrévérencieux, direct et percutant comme devrait l’être tout journaliste digne de ce nom, Aboubakr Jamaï balance des vérités toutes crues. La DGED est, services secrets marocains, est une filiale du Mossad, ce qui fait du Maroc un vulgaire royaume vassal de l’entité israélienne. A la faveur des horreurs qui se déroulent à Gaza, le « deal du siècle » s’est avéré être une véritable calamité. Elle met carrément en péril l’existence du régime makhzenien…

Tel que relevé maintes fois ici-même, il ne fait franchement pas bon être journaliste professionnel et honnête au Maroc. Et ce n’est certainement pas Aboubakr Jamaï, un journaliste e patron de presse marocain, qui soutiendrait le contraire. Il est revenu dans un entretien fleuve sur ses sordides mésaventures avec les dictateurs du Makhzen, gérés d’une main de fer par le franco-israélien André Azoulay.

« Jamaï est actuellement doyen à Madrid de l’American University Institute et prépare un livre dans lequel il récupère des éditoriaux et des articles du Journal Hebdomadaire, l’hebdomadaire marocain devenu symbole de la transition (passage du règne de Mohamed VI à celui de Hassan II) et qui a cessé d’exister après plusieurs épisodes de censure et de persécution », écrit Publico » en guise de préambule à ce très instructif entretien.

Aboubakr Jamaï a été accusé d’être un agent du Mossad et du Polisario afin de le faire taire et de lui fermer son journal, comme c’est déjà Arrivé à Ali Lmrabet, Maâti Monjib, Alors Souleimane Raissouni et Omar Radi croupissent toujours en prison pour de fallacieuses accusations. « Les problèmes au Journal ont commencé par un appel d’Azoulay, conseiller de Mohamed VI, qui nous reprochait de ne pas toujours qualifier le roi de « sa majesté ». Après cela, nous n’avons plus jamais dit « Votre Majesté ».

Les problèmes se sont multipliés jusqu’à ce que nous rapportions une affaire de corruption immobilière du ministre des Affaires étrangères, Mohamed Benaissa . La monarchie a soutenu Benaissa et il nous a dénoncés. Ils m’ont condamné à la prison, même si je n’y suis jamais entré, et ils nous ont infligé la plus grande amende à cette date dans l’histoire du Maroc ». Ali Lmrabet a par la suite avancé des témoignages similaires. Une déférence sans limite est exigée des médias carpettes au Maroc.

La corruption gangrène les sommets les plus du fragile édifice makhzenien, lequel vient carrément de se lancer dans le trafic de drogues dures à l’échelle planétaire avec la complicité du chef de cabinet de Mohamed VI, Fouad Ali El Himma, tel que le prouve le scandale dit de « l’Escobar malien ». Et de dresser une description de l’actuel tableau politique marocain, impressionnante de clarté et de vérité crue : « La monarchie a toujours besoin d’alliés politiques, mais elle a besoin d’alliés faibles. La monarchie est en concurrence avec les élites politiques, c’est pourquoi elle veille à ce qu’elles soient dans un état de faiblesse constante. C’est comme les vaccins : il faut une charge virale, mais elle ne peut pas être trop forte ou trop faible pour que tout fonctionne. Au Maroc, la monarchie soutient les socialistes de l’USFP, une gauche faible. Nous constatons la même dynamique avec les islamistes.

« L’idée d’une autonomie marocaine pour le Sahara est fictive car elle se ferait sous un régime autoritaire « 

Cependant, à l’heure actuelle, le régime est tellement incompétent qu’il ne parvient pas à trouver l’équilibre nécessaire. Par exemple, Abdelilah Benkirane [chef du gouvernement entre 2011 et 2017] avait une certaine crédibilité dans certains milieux, alors que désormais tout le monde sait que derrière le premier ministre, Aziz Akhannouch , se trouve le roi. Si l’on regarde l’évolution de la liberté de la presse, le Maroc se situe désormais derrière l’Algérie et la Tunisie dans le classement mondial de Reporters sans frontières. » pour Aboubakr Jamaï un soulèvement populaire de très grande envergure est absolument inéluctable.

En clair, les jours de Mohamed VI et du régime makhzenien sont comptés. « Nous parlons du Printemps arabe et nous concentrons sur ce qui s’est passé en 2011, mais nous devrions regarder plus loin en arrière. C’était une accumulation. Je vois l’embryon de cette épidémie à la fin des années 80 et au début des années 90. La fin de la guerre froide a fait perdre à de nombreux régimes arabes le soutien de l’Union soviétique ou des États-Unis.

Les protestations contre le pain ont atteint la Tunisie, le Maroc… Les régimes n’ont pas pu maintenir leur contrat autoritaire, celui pour lequel ils sont venus dire : « Nous vous donnons à manger et à vous instruire en échange de votre privation de droits politiques ». et à ceux qui pensent qu’Abdellatif Hammouchi serait le véritable détenteur du pouvoir au Maroc, Aboubakr Jamaï le ramène à sa véritable proportion lilliputienne, celle d’un maitre chanteur qui installe des caméras dans les chambres à coucher des militants, qui torture pour extorquer des aveux. Même ses « brillants » résultats en matière de lutte antiterroristes sont faux, et fabriqués de toutes pièces.

S’agissant de la décolonisation du Sahara Occidental, Aboubakr Jamaï rappelle que Hassan II a lui-même accepté et signé le projet d’autodétermination du peuple sahraoui via la tenue d’un référendum d’autodétermination. Quant au plan d’autonomie marocain, il est à bannir définitivement. Et pour cause : « l’idée d’une autonomie marocaine pour le Sahara est fictive car elle se ferait sous un régime autoritaire ».

Quant à l’officialisation de la normalisation, des relations de Rabat avec Tel-Aviv, celle est carrément qualifiée de « catastrophe morale ».  Le peuple marocain est vent debout contre cette normalisation, synonyme de vassalisation du Maroc à Israël.  Et de rappeler que « Georges Malbrunot (journaliste du Figaro, spécialiste du monde arabe, et du Moyen-Orient. NDLR), cite des sources de la DGED qui considèrent le service marocain comme une filiale du Mossad.

Son impact direct est Pegasus, les fournitures militaires… ». le Maroc, en résumé, s’est mis dans de sales draps, et n’en sortira sans doute jamais. D’où sa fébrilité actuelle : ‘Le régime a fait avaler la normalisation parce qu’en échange les États-Unis ont reconnu la souveraineté marocaine au Sahara, notre priorité absolue. Seule cette reconnaissance est fausse. N’existe pas.

La diplomatie marocaine est désormais plus agressive car elle se rend compte que le bénéfice est nul. Ils n’ont plus d’arguments, c’est pour ça qu’ils crient ». Autant de bruit, de provocation et de chantage n’est pas un signe de force, mais plutôt de faiblesse. Le Makhzen se rend compte, après coup, qu’il n’a rien obtenu en échange de son deal du siècle. Le massacre de Gaza n’arrange guère les choses. Tant s’en faut…

El Ghayeb Lamine

Source : La patrie news, 02/04/2024

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