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A Gênes, la Cour d’appel rejette la demande du pays nord-africain avec lequel le gouvernement Meloni cherche des accords sur la gestion des flux migratoires
D’un côté, le gouvernement Meloni qui, malgré le refroidissement des relations avec l’UE, espère toujours pouvoir trouver un accord avec la Tunisie pour la gestion des flux migratoires. D’autre part, les juges italiens qui refusent de remettre un trafiquant de drogue à la nation nord-africaine parce que « après le tournant autoritaire du président Kais Saied, dans les prisons tunisiennes, il existe un risque élevé qu’un prisonnier soit soumis à des tortures ou à des traitements inhumains » et traitements dégradants en violation de la CEDH, Convention européenne des droits de l’homme ».
Les relations entre Rome et Tunis évoluent à deux vitesses.
D’un côté, le gouvernement de droite – mais des situations similaires s’étaient déjà produites avec des dirigeants de centre-gauche et les accords controversés du ministre Minniti de l’époque avec la Libye et ses prisons médiévales – qui cherche à stipuler des pactes opérationnels pour contenir l’arrivée de milliers de désespérés d’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient, de l’autre les magistrats italiens qui appliquent les principes de l’État de droit et formalisent, par des condamnations, ce que la politique, bien souvent, ne peut ou ne veut pas dire.
Ce sont les juges de la Cour d’appel de Gênes qui écrivent ce nouveau chapitre. Et c’est important parce que le protagoniste de cette histoire n’est pas une militante politique, une étudiante manifestante, une jeune fille qui lutte pour les droits des femmes.
Bilel Zaghibib, 33 ans, fait l’objet d’une enquête pour association de malfaiteurs pour trafic de stupéfiants. Mais une démocratie qui défend les principes de la vie civile se mesure précisément lorsqu’elle prend le parti des « méchants ».
En effet, la Cour d’appel (les juges Giuseppe Diomeda président, Nicoletta Cardino et Nicoletta Bolelli) ainsi que le procureur général adjoint Enrico Zucca – qui dans son acte d’accusation avait demandé le rejet de la demande d’extradition – refusent la remise du prisonnier, actuellement en prison à Marassi, bien qu’ils reconnaissent la validité des preuves contre les narcotrafiquants présumés fournies par les autorités tunisiennes et de la convention bilatérale entre les deux pays signée à Rome en 1967.
Mais tout s’arrête lorsque l’on passe au « danger d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ou à une violation des droits fondamentaux ».
«On sait qu’en 2021 la Tunisie – lit-on dans les documents – a été touchée par de profonds changements institutionnels qui ont conduit à la suspension de la Constitution actuelle et à la suite d’une nouvelle structure constitutionnelle après un référendum auquel seulement 30% des votants ont participé. vote. Les changements ont principalement touché l’appareil judiciaire, dont l’indépendance par rapport au pouvoir exécutif a été mise à mal. »
Une série de rapports et de dossiers sur « les limitations de liberté et les interventions répressives » sont ensuite présentées. L’ONG Human Rights Watch affirme que « la nouvelle Constitution ne garantit pas pleinement l’indépendance du pouvoir judiciaire et de la Cour constitutionnelle que la Tunisie n’a pas encore mise en place ». C’est ensuite au tour des propos d’Amnesty International : « Les droits de l’homme sont toujours en danger après deux ans de virage autoritaire du président Saied ». On cite également un rapport du Bureau des droits de l’homme du Département d’État américain qui parle d’« alarmants présence d’épisodes de torture… notamment dans la phase de détention préventive ».
Les juges concluent que «bien que Zaghbib ne fasse pas partie du groupe de sujets – opposants politiques et assimilés – les plus exposés aux abus et au harcèlement, les conditions de détention décrites s’avèrent être généralisées et telles qu’elles impliquent même les prisonniers ordinaires». Il y a donc des raisons de croire que si la demande d’extradition dans le cadre pénitentiaire est acceptée, Zaghbib sera soumis à une situation ne garantissant pas le respect des droits fondamentaux et exposé à des actes de persécution, à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. .. l’inexistence des conditions d’une « extradition ».
Bilel Zaghbib était impliqué dans une enquête antidrogue tunisienne et était poursuivi par un mandat d’arrêt émis le 14 mars dernier. Les accusations portées contre lui ont commencé par l’arrestation d’un chauffeur routier dans le port de La Goulette au volant d’un camion qui venait de débarquer du ferry Cartahage en provenance de Gênes. Des stupéfiants ont été découverts et les investigations ont conduit à Zaghbib, arrêté à Gênes en avril.
Source : Repubblica, 20/11/2023
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