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Les premiers Abrams américains viennent d’être livrés à l’armée ukrainienne, eux qui pourtant ne devaient l’être que dans plusieurs mois. D’autres le seraient plus tard. Nul doute que les Américains ont des raisons de hâter cette livraison. Seulement on peut se demander si ces raisons se justifient par le cours de la guerre, plutôt différent de ce à quoi on s’attendait avant et au début de la contre-offensive ukrainienne, qui entre dans son quatrième mois sans avoir passé ne serait-ce que la première ligne de défense russe, ou par des considérations de politique intérieure.
Si le but recherché par cet envoi anticipé est de permettre aux Ukrainiens d’obtenir un succès même relatif avant que la raspoutitsa, cette terreur des routes, et en général de tout ce qui roule sur roues comme sur chenilles, ne soit de retour, obligeant les véhicules des deux camps à se figer sur place, on peut douter que l’Abrams soit le bon choix. C’est un char difficile à manier, reconnaissent les Américains eux-mêmes, qui plus est gros consommateur de carburant, et pas n’importe lequel puisqu’il ne marche qu’à celui que l’on donne aux avions. Il faut l’avoir longtemps pratiqué pour en tirer le meilleur effet, de l’aveu même de ceux qui le connaissent le mieux.
Evidemment ceux qui sont livrés ne sont pas de la dernière génération, mais de la première, probablement ceux dont l’armée américaine ne se sert plus, sinon dans ses exercices et dans ses écoles. Le bon char à fournir en urgence à Kiev, le plus adapté, disait-on, à la phase dans laquelle était à ce moment la guerre, c’était le Leopard 2 allemand. Il n’en est plus question, et pour cause, il n’a donné nul avantage à l’armée ukrainienne. Les Russes disent même qu’en fait il a « brûlé », c’est-à-dire qu’il n’en reste plus, que tous les spécimens envoyés ont été détruits.
Si les Russes disent « brûlés » plutôt que « détruits » », totalement ou partiellement d’ailleurs, c’est en manière de mépris pour l’armement occidental, l’exact symétrique de celui dont les Occidentaux ont fait preuve pour « chars et avions de l’ère soviétique », dont étaient équipées au début de la guerre les troupes ukrainiennes. Il semblait aller de soi qu’une arme occidentale, quelle qu’elle soit, était supérieure à sa correspondante russe, ou soviétique. Ce langage n’est plus guère tenu dans les médias occidentaux, qui en général ne savent lequel tenir maintenant sans se nuire plus que ce n’est déjà le cas.
La livraison anticipée des Abrams pourrait s’expliquer par ce fait qu’il est à même de tirer les missiles à uranium appauvri déjà sur place. Ces missiles, plus controversés encore que les bombes à sous-munitions, sont censés pénétrer le blindage des chars russes. Les Abrams ne sont pas envoyés pour affronter la raspoutitsa mais pour « brûler » les chars russes, pour leur faire subir le même sort qu’aux chars allemands.
Brûler, c’est plus que détruire. On détruit le char physique, mais le brûler, c’est anéantir jusqu’à sa réputation, une valeur immatérielle. En ce sens, oui, le Léopard allemand a été non pas seulement détruit mais brûlé. Les Russes n’ont guère tardé à promettre le même traitement à l’Abrams, tout autant d’ailleurs à ce qui n’est pas encore livré, et d’abord les F-16. Qui remporte la guerre a prouvé du même coup la supériorité de ses armes. La guerre dans la guerre, celle des fabricants d’armes.
Mohamed Habili
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