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Par Leïla El-Attar
Le 26 du mois en cours, le destroyer lance-missile américain USS Paul Ignatius a accosté au port d’Agadir au Maroc. La page officielle de l’ambassade américaine à Rabat évoque une manœuvre dans le cadre d’un partenariat bilatéral, l’Atlas Handshake 23-1, un exercice naval entre les marines américaine et marocaine.
Cette manœuvre intervient dans un contexte si sensible qui laisse croire qu’au-delà du partenariat il y’a des messages sous-jacents en direction de l’Algérie. Le lendemain, le 27 août, un bâtiment de la flotte russe, le Merkuriy 734 accoste à Alger.
Sommes-nous dans une sorte de come-back de la guerre froide via deux pays maghrébins interposés? Un peu tôt pour répondre à cette question. Ce qui nous interpelle à l’heure actuelle, c’est la posture américaine dans la région. A rappeler que lors de sa visite à Washington le 15 août dernier, le ministre des affaires étrangère Ahmed Attaf a affirmé que l’administration du président Joe Biden est éloignée des positions de son prédécesseur Donald Trump. Certains sites d’information avaient ainsi titré « Attaf satisfait des déclarations de Blinken » ! Satisfait ? A quelle point nous le sommes ? Pour y répondre, il va falloir s’interroger sur la nature de la triade géopolitique entre l’Algérie, le Sahara Occidental, et les Etats-Unis. Depuis 50 ans, qu’ont fait les américains pour la cause Sahraouie ?
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Commençons par un petit rappel. Une dépêche de l’APS datée de New York le 12 août 2022 portant sur la question sahraouie et la position américaine avait pour titre « Sahara occidental : Joe Biden appelé à soutenir le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination ». Un titre trompeur qui suppose que le président américain allait annoncer son soutien à la cause sahraouie. Attendre une réaction positive des Américains dans ce dossier c’est comme croire au mirage, en témoigne le propos du secrétaire d’Etat Anthony Blinken l’année dernière. En recevant son homologue marocain, Blinken s’est fendu d’une déclaration en parfaite contradiction avec le droit international, telle qu’exprimé par son porte-parole Ned Price : «nous continuons de considérer le plan d’autonomie du Maroc comme sérieux, crédible et réaliste, porteur d’une approche qui peut potentiellement satisfaire les aspirations du peuple du Sahara occidental».
Toute l’hypocrisie américaine dans ce dossier se résume à l’expression «peut potentiellement satisfaire les aspirations du peuple sahraoui». En misant sur un alignement sur l’imposture marocaine et les chimères d’un plan d’autonomie du territoire occupé, Washington participe au blocage de la situation avec un autre membre du Conseil de sécurité de l’Onu et parrain du Maroc, la France. Ainsi, les Etats-Unis reprennent les éléments de langage de la propagande marocaine y compris en ce qui concerne la position de l’Algérie sur cette question.
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Rabat distille l’idée que son voisin oriental est partie prenante dans le conflit qui l’oppose au Front Polisario. Washington répète le même discours, comme en témoigne le propos d’un diplomate américain, l’actuel chargé d’affaire américain en Libye, Leslie Ordeman, à l’époque, membre de la mission américaine auprès de l’Onu, tenus, « off the record » à des journalistes algériens en 2015. Ce dernier a suggéré qu’il ne fallait pas que l’Algérie se présente comme un acteur de ce conflit (sic). Réponse directe des Algériens présents, selon un participant, l’Algérie n’est pas partie prenante de conflit à l’instar du Maroc et du front Polisario.
Ce même diplomate avait prédit en 2015 la résolution prochaine du conflit sahraoui. Huit ans plus tard la question sahraouie demeure d’actualité. Pis encore, depuis novembre 2020, il y a casus belli à cause des violations répétées du cessez le feu par le Maroc.
Aujourd’hui, plus que jamais, les Sahraouis sont engagés contre un triple impérialisme : le marocain, le français et l’israélien. Reste que l’impérialisme américain n’est pas loin ! Les Sahraouis l’ont compris à leur dépend, dès 1975, avec le parrainage de Kissinger aux accords de Madrid, et surtout avec la transaction de Trump qui a reconnu en 2020 le fait colonial marocain au Sahara occidental contre la normalisation entre le Maroc et Israël.
Il est vrai que les Etats-Unis constituent une exception dans la mesure qu’ils se sont constitués en massacrant les habitants originaux de l’Amérique du Nord. D’ailleurs, Oscar Wilde ne s’est pas trompé en écrivant que «les Etats-Unis d’Amérique forment un pays qui est passé directement de la barbarie à la décadence sans jamais avoir connu la civilisation».
-When Moore looks for more !
Il semble que l’ambassadrice américaine à Alger, Elizabeth Moore Aubin, a bien compris que la cause sahraouie représente un véritable engagement pour l’Algérie, et sa doctrine en faveur du droit des peuples à l’autodétermination. Voulant montrer sa «bonne» foi, la diplomate américaine a visité les camps des réfugiés sahraouis de Tindouf, le 21 mai dernier.
Il est utile de rappeler que l’ambassade américaine à Alger est dotée d’un soft power hors norme : dialecte algérien, connaissance quasi parfaite de la culture algérienne, diplomates pro-équipe nationale. Avec la magie des réseaux sociaux, on peut nous duper facilement et croire qu’on travaille presque pour l’intérêt de l’Algérie. Mais comme toute magie est trompeuse, nous avons consulté le site de l’ambassade américaine au Maroc….surprise…!!! Non, c’est juste la vraie image américaine : soutien total pour la politique makhzanienne, des diplomates à Laayoune occupée, des projets proposés pour les Sahraouis «marocains» (sic) ! Que demande le peuple !! Un peu du phosphate ! Que doit-on comprendre dans ce double discours ? Les intérêts sont les intérêts ? C’est normal, c’est la diplomatie ? Ce fut la même diplomatie avec leurs alliés du passé. Jadis Saddam Hussein, le Shah d’Iran, le président Egyptien Hosni Moubarak…
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Les Américains incarnent parfaitement l’adage algérien « ne pas se fâcher avec le berger et ne pas provoquer la faim du loup». Mais ce que les américains oublient, c’est que depuis l’invasion du Capitole par les adeptes de Donald Trump, le 6 janvier 2021, l’image des USA n’est plus la même. L’opération spéciale russe en Ukraine n’a fait qu’aggraver la situation, la leur ! Les provocations multiples envers la Chine avec la question de Taïwan, le désarroi causé par les marines à travers le monde, en Irak et en Afghanistan prouve à quel point il n’est plus possible de faire confiance aux Américains en particulier dans le contexte actuel.
Nous vivons aujourd’hui un nouvel ordre où, pour une fois, le leader n’est pas américain ! Il est temps de s’aligner sur la «real politique» mais sans les Américains.
«Nous ne devons avoir peur de rien, si ce n’est de la peur elle-même», avait dit.Franklin Delano Roosevelt dans son discours d’investiture le 4 mars 1933. Aujourd’hui, presque cent ans après, les Américains ont peur de beaucoup de choses Mister Roosevelt !
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