Terrorisme islamiste et services de renseignement : l’effet « boomerang »

ETLe problème avec la création d’un monstre est que la créature monstrueuse peut se retourner contre son créateur. Quelque chose de similaire se produit lorsque des créatures monstrueuses (groupes terroristes) se retournent contre leurs créateurs (services secrets). Un analyste algérien pénétrant, Mustafa Hammush, appelle cela l’effet « boomerang ».
Dans le journal algérien « Liberté » (le journal francophone le plus lu dans ce pays) Mustafa Hammush publie ses analyses toujours intéressantes. Si l’Espagne s’intéressait vraiment à l’Afrique du Nord, ses articles seraient traduits et publiés par les journaux espagnols les plus prestigieux. Mais ce qu’il y a en Espagne n’est pas un véritable intérêt à connaître la vérité de cette région voisine. Les personnes en deuil qui se plaignent que nous connaissons peu cette région sont précisément celles qui s’efforcent le plus de transmettre une image préfabriquée à la consommation occidentale.

Mustafá Hammush a publié le lundi 19 octobre dans le journal Liberté un article qui coïncide avec de nombreuses idées que j’ai exprimées dans ce blog sur la relation entre le terrorisme et les services de renseignement. Pour votre intérêt, je le traduis dans son intégralité.

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Boomerang

Par : Mustafa Hammush

Alors que le pouvoir au Pakistan se résigne enfin à lancer une guerre offensive contre le bastion imprenable des talibans, l’Iran subit, pour la deuxième fois en un an, une attaque majeure. En raison de la qualité politique des victimes, il s’agit de l’un des attentats terroristes les plus meurtriers que la République islamique ait subis depuis sa création.
Plus au sud, une guerre fait rage entre l’armée régulière et les tribus chiites affiliées au régime à Téhéran dans la région de Saada.
L’Arabie saoudite subit régulièrement des attentats d’Al-Qaïda, dont l’un, le 27 août, a été dirigé contre son vice-ministre de l’Intérieur.

Tous ces pays portent la responsabilité d’avoir initié le terrorisme islamiste avant de l’alimenter, idéologiquement, financièrement et militairement.

En inondant le monde musulman de noyaux wahhabites, l’Arabie saoudite croyait propager, grâce à ce réseau, un environnement doctrinal qui légitimerait son régime despotique et archaïque sur une base panislamique.
L’Iran, après la révolution islamique, s’est consacré à exporter son modèle en terre d’islam pour étendre son influence aux dépens des régimes et idéologies wahhabites et baathistes.

On peut dire, en gros, que tous les régimes arabes, à l’exception peut-être de la Tunisie, ont tenté d’intégrer l’islamisme dans la formulation de leur identité politique. Ainsi, tous les despotes croyaient avoir donné suffisamment de signes de religiosité pour être à l’abri de la révolution islamique. Mais, si nécessaire, ils étaient toujours prêts à ajouter une autre couche. La façon dont le parti FLN algérien, certes historiquement opposé à la laïcité et détourné de son « jihad anticolonial » pour atteindre des objectifs de pouvoir local, s’est barbu aux premiers symptômes d’hégémonie et aux premières manifestations de la brutalité du FIS , illustre la volonté du régime algérien, par exemple, d’embrasser la nouvelle religion politique.

Ce qui précède équivaut à l’effet d’accueil et d’amplification quasi triomphal dont a bénéficié l’intégrisme par les puissances en place en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
L’Algérie, politiquement dépourvue de tout fondement doctrinal, et dont les dirigeants n’ont été animés que par la volonté de puissance, constitue le point faible du système géopolitique du monde musulman : elle a été naturellement choisie pour être la première révolution islamique armée à y être testée. . Et il continue de payer l’acharnement du projet obscurantiste, largement soutenu de l’intérieur, mais tout aussi efficacement combattu par la résistance civile républicaine.

Malgré ses divisions, ses contradictions et ses alliances malheureuses, l’islamisme a frappé un peu partout dans le monde. Aujourd’hui, il revient militairement à ses points de départ. Leurs bases (les frontières irano-pakistanaises, la frontière pakistano-afghane et les montagnes yéménites) sont devenues, comme par un effet boomerang, des champs de bataille.

Après deux décennies de terrorisme islamiste, cette vérité peut être énoncée : quiconque l’a provoqué, soutenu ou dirigé, nul ne peut prétendre en être exempt. Y compris celui qui l’encourage, le soutient ou le guide.

MH
musthammouche@yahoo.fr

POST-SCRIPTUM
Une fois ce texte publié, je lis un article intéressant de Jean-Louis Dufour , comme tous les siens, qui traite du Pakistan , où la thèse de Hammush sur la complicité de certains États (à travers leurs services secrets) avec des organisations terroristes :

la politique d’exportation de la subversion semble avoir définitivement échoué. Les militants et miliciens islamistes que le Pakistan a longtemps soutenus, nourris et encadrés tentent maintenant de détruire la cohérence politique du Pakistan.

https://www.periodistadigital.com/desdeelatlantico/20091020/terrorismo-y-servicios-de-inteligencia-e-689403920311/
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