Mohamed El Hamraoui et Abdellatif El Azizi
Les chiites Marocains ont célébré, le 10 Moharram dernier, l’Achoura dans la clandestinité absolue. À Tanger, où leur nombre est relativement important, ils avaient tenu à abréger leur rituel par prudence. Lutte contre le salafisme oblige, la pression sur ces chiites est moins forte que par le passé, mais ce n’est pas pour autant l’âge d’or d’une communauté qui a fait du culte du secret, sa principale arme de défense.
Les invités sont arrivés en petits groupes. Toute l’après midi a été marquée par ces arrivées furtives. Les individus se suivent sans sembler se connaître. Pareils à des ombres chinoises, enfants, femmes et hommes sont venus se rassembler pour commémorer l’Achoura. Difficile de se mêler à ces invités du troisième type. Deux malabars discrets, surveillent l’entrée du derb. La discrétion est de mise dans ce quartier populaire de Tanger. Les chiites marocains ont pourtant réussi à célébrer l’Achoura cette année encore à leur manière. Pour eux, l’Achoura est l’occasion de célébrer le deuil Hussaini, tout en faisant le point sur l’actualité du mouvement. Leur rituel se fond dans la foule et passe inaperçu dans le lot des croyances de tout genre qui caractérise achoura au Maroc à Tanger, où se trouvent un bon nombre d’entre eux. Ils se sont regroupés dans une maison. La nuit du vendredi 19 janvier dernier, ils avaient célébré Al Azaa Al Houssaini à leur manière. Ils ne sont pas des masses, mais selon un participant, 200 personnes auraient fait le déplacement pour prendre part à la célébration. Le rituel traditionnel était bien là, une effigie du tombeau d’Al Houssain et quelques tableaux où sont inscrites des liturgies chiites. Le rituel Houssaini commence chez les chiites le premier jour de Moharram et dure jusqu’au 10ème jour, le jour d’achoura. Les chiites jeûnent du 1er au 10ème jour. Ils ne se rasent pas durant cette période. Au Maroc, le rituel est célébré juste le jour d’achoura. La cérémonie commence après la prière d’Al Asr et se termine la nuit. Pendant la célébration, un narrateur cite l’imploration Al koumail, en citant le martyre du fils d’Ali et sa tragédie de Karbala. Les mélopées plaintives qui retracent l’épopée de la famille du Prophète (Ahl Al-Beit) et surtout le martyre de l’imam Hussain à Kerbala, et l’exil de sa famille à Damas, sont vécues dans la tristesse extrême. Pour ceux qui l’oublient, un narrateur, avec force détails fait revivre en direct le drame qui s’était joué en 680 de notre ère. Pourchassé par les troupes de Yazid, fils de Mouâouya, calife sunnite de la dynastie des Omeyyades, Hussain essaie de se réfugier avec soixante-douze de ses compagnons dans la ville de Koufa mais sans succès, puisqu’il sera soumis à un siège sans fin par ses ennemis. Dans le désert, les troupes de Yazid bloquent l’accès aux eaux de l’Euphrate, condamnant à une mort certaine les compagnons de Hussein. Quand à l’imam lui-même, il est décapité par Shemr, le chef de guerre de Yazid. Spectateurs ou pèlerins ? La ferveur religieuse est accentuée par les couleurs de l’Imam tant adulé ornant le lieu. «Aujourd’hui est un jour de deuil pour nous tous. Nous commémorons l’assassinat par l’épée de notre Hussein bien aimé», explique notre source. Une atmosphère morbide qui crée forcément l’émotion. Des moments de pleurs et de tristesse s’abattent sur les participants. Au Maroc, le rituel Attatbir (auto flagellation) n’est pas pratiqué. Cette pratique a même été interdite par une fatwa de deux chiites??: Ayatollah Khaminei et Hussein Fadlallah, qui est considéré comme le guide des chiites marocains. Un autre rituel est célébré le 40ème jour d’achoura. On l’appelle Al Arbainia.
Selon les théoriciens de ce que l’on peut appeler la «renaissance hussainienne», l’achoura qui célèbre la tragédie d’Al Hussain, permet de resserrer les liens de la communauté chiite. Elle est en plus, un moyen de propagande pour la cause chiite. Pendant des décennies en Iran sous le Chah et en Iraq sous Saddam, le rituel du Azaa Al Houssaini a été interdit, idem pour l’auto flagellation.
Les chiites Marocains célèbrent aussi les 12 imams. Auxquels il faut enlever la célébration de la mort de l’Imam Al Moukhtafi. Qui est le 12ème ou le 7ème jour selon le rite chiite.
Histoire du mouvement
On n’avait plus entendu parler de chiisme au Maroc depuis 1984. Après les émeutes urbaines de Marrakech et Nador, feu Hassan II avait accusé ouvertement Khomeiny de comploter contre le régime et d’exporter la révolution iranienne. Une fatwa des «oulémas» avait même qualifié Khomeiny d’impie. Ce n’est qu’en 2002 que la question du chiisme a été encore une fois portée au devant de la scène. Driss Hani, un théologien qui avait fait ses études en Syrie, a été présenté comme le chef spirituel des chiites Marocains. Un titre même de Hojatolislam lui a été collé. Depuis cette date, Driss Hani faisait profil bas. Selon une source bien informée, des pressions auraient été exercées sur lui pour qu’il se tienne à carreau. Il continuait tout de même à écrire des livres et à publier des articles dans la revue en langue arabe «Al Kalima». Les adeptes du chiisme au Maroc, n’affichent jamais leurs convictions religieuses. Le principe de la Taqiya leur accorde ce droit. La petite communauté chiite est très difficile à approcher. Le secret est leur devise. Ils ont appris depuis longtemps à cultiver la vertu du silence. De l’aveu même d’un chiite Marocain : «notre référence est une citation de l’imam Jaâfar Assadik qui avait dit, Attaquia est ma doctrine, celui qui ne fait pas la taquia n’a pas de religion». Pourtant, Driss Hani qui se présente comme théologien, est devenu depuis 2002 leur porte parole et ne le cache pas. Il vient d’appeler à l’occasion de la fête d’achoura, à ce que ce jour soit férié au Maroc. Mais Driss Hani ne fait pas l’unanimité au sein des chiites marocains. Sa légitimité est contestée, certains chiites Marocains, sous couvert d’anonymat, l’accusent de mentir au sujet de son cursus scientifique. D’autres ne voient en lui qu’un propagandiste qui défend des thèses douteuses. Driss Hani, ne serait tout autre que le fameux Driss Hussaini qui a écrit «Al Hussein m’a converti». L’homme qui porte le turban noir en Orient ne le fait pas au Maroc. Si on lui attribue un effet de style et une maîtrise de la rhétorique théologique, ses connaissances en matière de doctrine ne l’habilitent pas à représenter le mouvement au Maroc. Sa formation même à la haouza d’Alep est sujette à caution. Il n’a fait que des études de philosophie et n’a jamais étudié l’exégèse. Certains de ses détracteurs, l’accusent même d’être un agent qui travaille avec les services.
Ce qui relance la question de l’allégeance des chiites Marocains aux chiites étrangers, iraniens, libanais et irakiens. Un point qui handicape leur mouvement et les condamne à rester toujours dépendants de l’étranger.
Comme il reste très difficile de donner beaucoup de crédit au discours des principaux intéressés et que d’une manière générale, les chiites cultivent l’art de la manipulation à merveille. Dernier exemple en date, celui de Abdelaziz Benseddik. Ce personnage clé du soufisme tangérois, avait fait l’objet, il y a cinq ans de cela, d’une vaste polémique lancée par les milieux chiites marocains. Le chef de la confrérie Sédikkie, mort il y a dix ans, est souvent cité comme une figure clé du chiisme local, au grand dam de ses disciples eux-mêmes. Pour appuyer leur thèse, les chiites citent souvent un ouvrage célèbre du personnage «Al borhan Li Maarifato Ntissabi soufia li Ali» ; «La preuve que le soufisme vient de Ali». «Or, comme tous les maîtres soufis, Abdelaziz Benseddik vouait un profond respect aux Ahl Albayt. L’homme n’a jamais été chiite et il ne s’était jamais référencié comme tel», rappelle Ahmed Khlii, un spécialiste du soufisme et qui, de surcroît connaissait bi
en le personnage de son vivant. Mais le fait que l’homme ne ménageait pas les thèses wahhabites avait servi de prétexte pour en faire une référence chiite au Maroc. Cela dit, les chiites Marocains se démarquent des sunnites sur un principe clé, celui de l’imamat, tandis que les sunnites parlent du khalifat. Au Maroc les chiites se divisent en deux
catégories.
Les variantes du chiisme au Maroc
Ceux qui ont été attirés par le côté spirituel et religieux. La deuxième catégorie est celle des intellectuels qui ont été influencés par la philosophie chiite et la pensée iranienne contemporaine, propagées au Maroc notamment par la revue Al Kalima, questions contemporaines. La majorité d’entre eux ont été proches du courant islamiste clandestin «Al Ikhtiyar Al Islami» (l’option islamique) issu en majorité de la Chabiba Islamiya. Les chiites marocains ont une dépendance nette avec l’étranger, surtout avec l’Iran, l’Irak et la Syrie. Un de leurs chefs spirituels est Hadi Al Moudarissi en Iran. La majorité d’entre eux sont des imâmites qui croient à la réalité du 12ème imam. Certains sont des adeptes de quelque Marajies Attaqlid (source d’imitation) comme Khamenei à Qom, ou Hussein Fadlallah au Liban. Ce dernier est considéré comme le plus ouvert en matière de références religieuses. Sistanie est pour sa part considéré comme beaucoup plus intégriste. Il y a aussi la référence d’Al Golbakani en Iran. La majorité des chiites marocains utilisent le net pour s’affilier directement à une référence chiite. C’est ce qui ne favorise guère l’apparition d’une référence locale en matière de leadership. Dans le dogme chiite, les références d’imitation (Marajie Attaqlid) se situent après le prophète et les 12 imams chiites.
Selon le système chiite, il y a plusieurs étapes avant d’arriver au stade suprême, celui d’ayatollah alodma. Le premier stade est celui de talib, puis tiqatouislam, puis celui de hojatoislam. Ce qui peut être considéré comme l’équivalent d’une maîtrise. Ensuite, intervient le cycle de «al marhala kharijia» (la période externe) où l’étudiant reste toujours lié à une référence et prépare une thèse en ijtihade. Après ce stade, il obtient le titre d’ayatollah. Après avoir résolu une affaire qui pose problème à la communauté musulmane, il obtient le droit de promulguer des fatwas.
Contradictions bien marocaines
Ce long processus de formation dans les haouzas a été derrière le fait que les marocains n’arrivent pas à décrocher ce titre prestigieux de référence. A part les deux marocains qui ont eu le titre d’ayatollah, Abdelmajid Essaghir, qui se trouve en Allemagne et un deuxième qui enseigne le farci à l’université d’Ottawa.
Quelques mois avant les attentats du 16 mai de Casablanca, un ouvrage sur Abou Houraira avait crée une polémique au Maroc. Un auteur marocain, Mustapha Abouhindi, avait publié un livre où il accusait ni plus ni moins Abou Houraira d’avoir trop rapporté les dits et gestes du prophète. Hassan Kettani s’était mobilisé sur les colonnes du journal Al Asr pour critiquer le livre et répondre à l’auteur. Des journaux arabophones avaient pris position ouvertement pour Mustapha Abou Hindi. La polémique avait mis face à face deux représentants du courant salafiste traditionnel, Hassan Kettani et Mohamed Mrizigue contre l’auteur de «Aktara Abou Houraira». Ironie du sort, les deux salafistes avaient été emprisonnés après les attentats du 16 mai. Ils avaient été accusés d’être des théoriciens de la salafia jihadia. Ils ne faisaient que défendre la religion de l’etat selon un spécialiste.
L’auteur du livre polémique sur Abou Houraira, avait été taxé à l’époque d’être un adepte du chiisme. Les chiites critiquent ouvertement les compagnons du prophète et les khalifes Omar et Aboubakr.
Certains chiites marocains ne les ménagent guère. Dans leur doctrine, les compagnons du prophète avaient volé le imamat de ahl al bayt c’est-à-dire de Ali et de ses fils. De «l’option islamique» à «vigilance et vertu», telle est la contradiction qu’ont dû relever les observateurs.
Un parti chiite en gestation ?
En 2003, un mouvement fondé au sein du PJD par Mohamed Khalidi avait fait parler de lui. Certains membres fondateurs du mouvement «Al Yaqadha wal fadhila» (vigilance et vertu) étaient connus pour leur doctrine chiite. Driss Hani faisait partie d’eux, en plus de quelques éléments de ce qui restait du mouvement «l’option islamique» qui regroupait des anciens membres de la chabiba islamiya d’Abdelkrim Moutii, qui n’avait pas rejoint ni Al Badil Alhadari, ni le Mouvement pour la Nation. Selon une source bien informée, Mohamed Khalidi a été induit en erreur par un membre fondateur d’Al Yakada Walfadela. Ce dernier avait promis à Mohamed Khalidi de rassembler tous les éléments du courant chiite au sein de son mouvement pour fonder plus tard un nouveau parti islamiste qui sera en rupture avec le PJD et la ligne idéologique du MUR (Mouvement Unité et réforme), la colonne vertébrale du parti.
L’assemblée constitutive d’Al Yakada Walfadila qui avait été organisée à Bouznika, avait même vu la participation du Docteur Khatib. Mohamed Khalidi aurait été poussé à faire avec les chiites ce que Khatib avait fait avec les frères de Saâd-Edine El Othmani, qui s’activaient dans une pléthore d’associations islamistes avant qu’ils ne rejoignent le parti de Khatib.
A la même époque, le journal Al Asr dirigé par Mohamed Khalidi, consacrait une colonne à Driss Hani sous le titre de «Tahta’chams» sous le soleil. Driss Hani est sorti de l’ombre pour une place au soleil sur les colonnes du journal Al Asr qui tire à l’époque plus de 50.000 exemplaires. Ironie du sort à la même époque Hassan Kettani, écrivait des chroniques sur le même journal. Le frère et la soeur de Hassan Kettani sont d’ailleurs toujours membres du parti Annahda Wal Fadila.
Le manifeste idéologique du mouvement vigilance et vertu a été rédigé par Driss Hani. On y retrouve la rhétorique de ses écrits dans la revue Al Kalima et dans ses livres publiés au Maroc. Le premier livre de Driss Hani publié au Maroc a été édité dans une maison d’édition où Khalidi est actionnaire. L’expérience n’a pas duré longtemps. Des divergences au sein du mouvement avaient fait échouer cette tentative. Le mouvement chiite n’était pas allé en rang serré. Au même moment, plusieurs membres du mouvement de Mohamed Khalidi ont été débarqués du PJD à l’initiative du MUR. Selon Mohamed Khalidi, pour être militant au PJD, il fallait passer par le MUR. Or, les membres du mouvement Vigilance et Vertu ont essayé de fonder une association qui casse le monopole du MUR. Khalidi lui-même a été remercié. Le PJD avait avancé que Khalidi ne payait pas ses contributions au parti. L’annonce de son limogeage n’a été dévoilée que quelques semaines avant que ce dernier n’annonce la tenue de l’assemblée constitutive de son parti Annahda Wal Fadila. Le jour de l’assemblée, le manifeste idéologique du parti a été encore une fois rédigé par Driss Hani même si le PV nie cette contribution. A vrai dire, le manifeste a été calqué sur celui rédigé pour le mouvement Vigilance et Vertu. Depuis lors, Driss Hani avait tenu une distance avec Mohamed Khalidi. La présence de quelques éléments connus pour être proches du mouvement chiite, avait à elle seule semé la zizanie au sein du nouveau parti, comme au sein du mouvement Vigilance et Vertu. La veille de la tenue de l’assemblée constitutive du parti, des éléments des services venus de Temara avait fait une visite nocturne à la salle où devait se tenir l’assemblée constitutive du parti. Après avoir passé la salle au peigne fin, ils avaient installé des micros et d’autres gadgets qui leur servent d’outils de travail.
La stratégie de Khalidi avec les amis de Driss Hani n’avait pas marché. Finalement Khalidi s’est tourné vers les oulémas traditionalistes à la veille des électi
ons de 2007. Abdelbari Zemzami est l’un d’entre eux. Selon une source bien informée, les éléments qui composent le mouvement chiite se comptent sur les bouts des doigts. Ils ne représentent pas une force politique. Khalidi n’a pas été bien renseigné sur le sujet. En fin de compte, les chiites avaient préféré se mobiliser au sein d’associations culturelles. Ils affirment qu’ils n’ont pas de problème avec le régime, puisque la famille royale se déclare de Ahl Al Bayt. «Tant que la liberté de pensée est garantie au Maroc un regroupement politique ne servira à rien» affirme une source au sein du mouvement.
Comment le chiisme a-t-il infiltré le Maroc ?
Si la vague chiite est assez récente au Maroc, ses adeptes ont toujours agi sous couvert d’associations culturelles. Certaines d’entre elles ont été taxées de chiites comme Attawassoul à Al Hoceima, Al Inbiaat à Tanger et Al Ghadir à Meknès dirigée par le frère de Driss Hani et récemment, une association dirigée par M. H. à Agadir. Le nom d’Al Ghadir n’est pas aussi fortuit, il désigne dans la sémantique chiite le lieu où le prophète avait désigné Ali comme son successeur lors de son dernier pèlerinage. Le cas de l’association Al Ghadir a été cité dans le rapport du bureau américain pour la démocratie et les droits de l’homme sur les libertés religieuses en 2006. L’association est toujours privée de récipissé des autorités.
Avant le développement d’Internet au Maroc depuis la fin des années 90, la seule occasion pour les adeptes du chiisme d’entrer en contact avec leur doctrine, était la foire internationale du livre de Casablanca, organisée chaque année par le ministère de la Culture. De plus en plus de maisons d’édition iranienne et libanaise font de la chiisisation pure et simple. Au moment où le ministère de la Culture avait mis en place des barrières pour l’importation du coran, le chemin est resté libre pour le livre qui fait l’éloge du chiisme au Maroc. Selon un spécialiste du phénomène, les maisons d’éditions libanaises qui font la promotion du livre chiite, sont financées par l’Iran et des richissimes chiites du Golfe arabe.
Un autre vecteur de promotion de la pensée chiite à Casablanca se trouve au centre-ville.
Depuis quelques années, une bibliothèque tenue par un sympathisant du mouvement, s’est transformée en une librairie spécialisée dans les références chiites. Selon une source digne de foi, elle a même ouvert une antenne à Meknès où se trouve le fief des chiites. Cette dernière est destinée aux étudiants universitaires de la ville.
La librairie du dénommé A.H est devenue même une antenne d’une maison d’édition de Beyrouth spécialisée dans la publication du livre chiite.Le principal vecteur de propagation du chiisme au Maroc reste le mariage. Selon une source proche du mouvement, l’homme arrive facilement à convertir sa femme tandis que la femme n’a pas les mêmes chances pour convertir son mari. Le mariage est donc le lieu par qui la communauté se développe. C’est le même schéma qu’on retrouve chez les slafistes et les islamistes organisés.
SUR LE NET
La riposte du wahhabisme
Un site marocain dédié à contrer la propagande chiite existe bel et bien au Maroc. Le mouvement qui se cache derrière l’initiative ne cache pas sa tendance wahhabite ou du moins dans son choix rhétorique. La Daâwa chiite est-elle devenue aussi dangereuse pour l’idéologie des frères musulmans au Maroc, au point qu’un mouvement wahhabite au Maroc, qui agit sous couvert d’anonymat lance le portail de démasquage des chiites ? Le site met en garde les marocains contre l’influence chiite au Maroc. Le site propose, entre autre, aux internautes, des exemples d’égarements des Marajiis chiites sur des questions précises comme le mariage et les obligations. Parmi les sites semblables, on peut citer le portail de l’association de prédilection pour le Coran et la Sunna à Marrakech.
Islam
Chiites, sunnites, quelle différence ?
Selon la plupart des exégètes musulmans, il y a bien plus de choses en commun que de différences entre les deux communautés. Une seule donnée objective est à noter : alors que chez les musulmans sunnites il y a quatre écoles différentes, et que les 4 écoles n’ont pas encore réglé leurs querelles intestines sur le plan de la jurisprudence, du côté chiite, la notion d’Ayatollah ou d’imam vivant permet de régler bien des choses. En Iran, par exemple, les iraniens rassemblent la prière du dohr avec celle du asr et celle du maghreb avec celle de l’Ichâa. Cette jurisprudence est toute récente et a été établie sur la base d’une fetwa qui tient compte des contraintes de l’horaire continu. Une pareille décision aurait été impensable au Maroc ou en Arabie saoudite où la prière est codifiée selon un schéma établi par l’un des quatre rites. Mais dans le fond, il n’y a pas grandes différences. «Les marocains sont de faux sunnites » ! L’homme qui lance cette affirmation, un chiite de Sebta, se base sur la similitude des rituels du culte des saints communs aux marocains et aux iraniens. Ceci dit, dans la prière par exemple, les chiites prient les mains relâchées, alors que les sunnites prient les mains croisées, concernant le jeune du ramadan, les sunnites s’arrêtent de manger avant l’appel de l’aube, alors que les chiites ne mangent pas jusqu’à la tombée de la nuit. Ces deux courants ont pourtant le même révérenciel religieux, le prophète Mohammed et le Coran, mais ils ne reconnaissent pas les mêmes héritiers de l’étendard de l’islam après la mort du prophète, en 632 : pour les chiites, c’est l’imam Ali, cousin et gendre du prophète, qui en est l’héritier spirituel, pour les sunnites, c’est Abou Bakr, la figure tutélaire. De ce fait, pour le sunnisme, les hadiths sont rapportés par les compagnons, alors que pour le chiisme, les paroles du prophète sont transmises par des imams qui sont de la descendance du prophète. Si les différences liturgiques et doctrinales sont minimes, c’est surtout l’aspect politique qui sous-tend les conflits politiques entre les deux communautés.
3questions à Driss Hani*
«Il n’y a pas de minorité chiite au Maroc, mais des individus influencés par le chiisme»
La Gazette du Maroc : Est-ce qu’on peut parler d’une communauté ou une minorité chiite au Maroc ?
Driss Hani : On ne peut parler que de conviction religieuse enregistrée chez des individus. On ne peut pas donner un chiffre exact des adeptes du chiisme au Maroc, c’est difficile de mesurer le degré de conviction de ces individus. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde où la liberté de circulation des idées est propice à l’échange de concepts d’une façon plus rapide qu’avant. Il ne faut pas être surpris du fait que des marocains aient adopté des convictions chiites. Ce qui peut surprendre réellement, c’est pourquoi il n y aurait pas d’influence de ce genre dans un monde marqué par l’ouverture et la globalisation des idées. Une chose est sûre, on ne peut pas parler de communauté au sens classique mais plutôt d’ouverture de la société vers un mode de pensée et de vie au sein d’une société. La démocratie et la citoyenneté garantissent cela d’ailleurs.
Je ne pense pas qu’il y ait une minorité chiite au Maroc, mais des cas d’individus qui ont été influencés par le chiisme à des moments divers.
Depuis quand l’influence du chiisme a commencé au Maroc si on admet que le phénomène est récent ?
L’influence chiite est très ancienne au Maroc. La culture chiite est une composante de la culture et de l’identité marocaine. Ceci est très visible, l’histoire du Maroc a connu des Etats chiites, tous les historiens le disent. Actuellement, le chiisme est un phénomène nouveau qui a commencé vers les années quatre vingt du siècle dernier. Il y a d’abord le rapprochement entre les croyances chiites et les croyances populaires au Maroc. L’éloignement du fanatisme qui caractérise le Maroc, a favorisé cette réaction avec le c
hiisme. La croyance chiite avait trouvé une terre propice pour influencer quelques individus. Ce n’est pas un phénomène de masse.
Depuis quand des étudiants Marocains ont commencé à étudier dans les hawzas chiites de Syrie et d’Iran et combien sont-ils ?
Je ne peux pas avancer un chiffre. Je pense qu’ils ne dépassent pas quelques uns. Il faut signaler que le phénomène est très récent. Il faut expliquer une chose très importante. On ne peut pas étudier à la haouza et avoir un titre religieux en quelques années. Ce n’est pas aussi facile que cela, contrairement à ce que les gens pensent. La haouza est un lieu où la personne passe une dizaine d’années mais sans aucune garantie d’assimilation par celle-ci des préceptes et les fondements du chiisme pour affronter les Marajiis (les références). On ne peut pas alors parler de lauréats des hawzas. Il s’agit tout simplement d’études religieuses dans des écoles qui ressemblent aux hawzas. Il faut se rendre dans la hawza à un âge précoce, pour pouvoir étudier normalement, ce qui ne peut pas être le cas des étudiants marocains des hawzas d’Alep ou de Qom.
Maroc/Iran
Les services marocains s’inquiètent !
Une note confidentielle des services marocains adressée à la DGSN en 2007, avait signalé que six ressortissants marocains s’étaient rendus, à Qom, en Iran, pour étudier à la Hawza chiite après leur conversion et leur allégeance faite à une sommité chiite en Iran. Les six Marocains sont originaires de Meknès et âgés entre 24 et 33 ans. Selon la même source, leur objectif est de revenir au Maroc à l’issue de leurs études à Qom, siège de la plus importante haouza chiite. Ils devraient promouvoir le chiisme et favoriser les conversions. La conversion, le voyage, le séjour et les études de ces jeunes Marocains ont été financés par une association culturelle de Rabat. Il y a quelques et semaines un étudiant marocain, Mounir Mohamed El Keir, âgé de 23 ans originaire de Meknès, lui aussi avait annoncé sa conversion au chiisme dans le domicile d’un mollah (Yasser Al Habib) à Londres. Selon une source proche du dossier, il y a plus de 120 étudiants Marocains en Iran. L’alliance des étudiants arabes d’Iran est coprésidée par un Marocain. L’association des étudiants Marocains d’Iran comprend une centaine de membres, certains font des études de médecine ou d’ingénierie. Mais il y a ceux qui étudient le chiisme à la Hawza de Qom. Ils bénéficient tous de bourses iraniennes.
https://www.maghress.com/fr/lagazette/15962
Publié dans La Gazette du Maroc le 01 – 02 – 2008