Le Maroc veut adhérer à l’UA pour la saborder de l’intérieur ! Il doit respecter l’Acte constitutif de l’Union Africaine, sans demander l’exclusion de la RASD, Etat fondateur Noureddine KhelassiPublié dans La Tribune le 30 – 01 – 2017 «Il n’y aura pas de débat autour de la RASD […], le débat est autour d’une demande d’adhésion du Maroc à l’Union Africaine (UA).» La réponse de Ramtane Lamamra, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale algérien, à une question du magazine pro marocain Jeune Afrique, est claire et nette ! Ce qui signifie, conformément à l’Acte Constitutif de l’Union Africaine (UA), signé par 53 pays le 11 juillet 2000 à Lomé, que le Maroc ne va pas réintégrer l’OUA qui n’existe plus et qu’il a quittée en 1984. Cela veut tout simplement dire qu’il est seulement susceptible d’intégrer l’organisation qui lui a succédé, à savoir l’UA dont il n’est pas membre fondateur. Il s’agit donc d’une simple adhésion et non d’une réintégration, comme la machine propagandiste marocaine s’emploie à le marteler depuis que Rabat a exprimé officiellement son souhait d’adhérer à l’UA en 2016. Du point de vue du droit, c’est-à-dire des statuts de l’UA tels que définis par son acte fondateur, le Maroc a théoriquement le droit de devenir son 54e Etat membre, à condition de respecter scrupuleusement l’Acte Constitutif, en termes de droits et de devoirs, y compris la stricte obligation de ne pas exiger au préalable l’exclusion de la Rasd, membre de pleins droits et fondateur historique de l’UA. Jusqu’ici, la diplomatie marocaine, vraisemblablement par souci tactique, s’est abstenue de conditionner son adhésion éventuelle à l’UA. Surtout pas de réclamer l’exclusion de la RASD, qui ne pourrait l’être car l’exclusion d’un membre n’est possible qu’en cas de coup d’Etat ou de retrait volontaire dument signifié par un Etat membre (articles 30 et 31 de l’Acte Constitutif). Ça, c’est pour la sauvegarde des apparences. En réalité, le Maroc a compris qu’il valait mieux être dedans que dehors, et qu’il serait finalement plus intéressant pour lui d’adhérer à l’UA pour y effectuer le travail de sape nécessaire. C’est-à-dire, œuvrer à favoriser un rapport de force favorable à une modification des dispositions de l’Acte Constitutif qui lui sont actuellement défavorables. Mais le Palais royal sait aussi que si le principe même de son adhésion n’est pas discutable en soi, son admission n’est en revanche pas assurée d’avance, même si 28 pays de l’Union seraient déjà acquis à ses thèses à défaut d’être tous des alliés inconditionnels. Déjà, dans l’objectif d’influer sur le cours des événements, le roi Mohamed VI a préféré donner de sa propre personne en se rendant samedi à Addis Abeba. Il avait été précédé d’une délégation d’une centaine de diplomates et d’agents de la Dged, les services de renseignements extérieurs, sans compter les journalistes dont le nombre est, selon des sources locales, le double de la délégation officielle. Le but manifeste est de renforcer l’action de lobbying intense entrepris sur place par le ministre des Affaires étrangères Salaheddine Mezouar et le patron de la Dged Yassine Mansouri. Ces deux grandes figures du Makhzen avaient déjà tenté de forcer la main, mais sans succès, de la présidente de l’UA, Mme Nkosazana Dlamini Zuma, exhortée à accepter d’inviter officiellement le roi à assister au sommet des chefs d’Etat, à titre d’invité officiel ou d’observateur. La présidente, dont le mandat arrive à expiration, a reçu courtoisement les deux dirigeants marocains, mais leur a administré une cinglante leçon de droit en leur rappelant les principes de l’Acte Constitutif qui ne donne en la matière aucun droit préalable au Maroc qui n’est pas encore membre de l’UA. Après cette première défaite en rase campagne, le roi est revenu aux recettes traditionnelles du lobbying en invitant un certain nombre de délégations à un immense raout organisé dimanche. L’objectif manifeste était de motiver les troupes alliées en vue de la bataille politique et juridique qui commence aujourd’hui avec les travaux du sommet des chefs d’Etat. Mais le Maroc a dû réaliser que la partie sera particulièrement ardue. D’autant plus difficile que le Bureau des affaires juridiques de l’UA a rendu un avis de droit, motivé, clair et précis et surtout défavorable aux prétentions marocaines. Le Maroc est ainsi invité à se conformer à l’Acte Constitutif en s’interdisant de poser des conditions préalables à son éventuelle adhésion à l’UA, notamment en demandant l’exclusion de la RASD, membre de plein droits et fondateur historique de l’Union. Plus précisément, le royaume chérifien est appelé à respecter les frontières héritées de la colonisation et à organiser un référendum d’autodétermination «libre et juste» du peuple sahraoui, en conformité avec les statuts de l’UA et les résolutions des Nations unies. Pis encore, et à l’instar de l’ONU, les experts juridiques de l’UA considèrent que le Maroc est une puissance occupante du Sahara Occidental. Et, coup de massue supplémentaire, l’Avis juridique rendu, à la demande de douze pays de l’UA, dont l’Algérie, l’Afrique du sud et le Nigéria, précise notamment que «du fait que le Royaume du Maroc est considéré par l’Union africaine comme occupant le territoire d’un autre Etat membre et empêchant le peuple de cet Etat d’exercer son droit à l’autodétermination, il serait difficile de concilier l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour l’éradication de toutes les formes du colonialisme et la réalisation de la libération totale de l’Afrique avec l’admission d’un Etat membre occupant un autre Etat membre de l’Union».