Des élus européens téléguidés par le Maroc

Tags : Maroc, Parlement Européen, Frédérique Ries, Fondation EuromedA, lobbying, corruption,

« La propagation du nouveau coronavirus dans les camps de Tindouf, en territoire algérien, suscite de fortes inquiétudes au Parlement européen qui s’interroge sur les mesures que compte prendre la Commission européenne à l’égard de l’Algérie pour protéger les populations de ces camps sous sa responsabilité. »

C’est ainsi qu’a massivement relayé la presse marocaine la question adressée le 24 avril 2020 à la Commission Européenne (CE) sur la situation sanitaire des sahraouis réfugiés dans les camps de Tindouf, liée en particulier à la propagation du Covid-19.

En effet, l’eurodéputée et députée Belge du parti Mouvement Réformateur, Frédérique Ries, avait affirmé que des foyers de contamination avaient été annoncés dans ces camps, rappelant que la pandémie qui frappe le monde entier ne ménage pas cette zone relevant du territoire algérien.

La députée européenne avait ajouté que la responsabilité de la protection des populations des camps, dans ce contexte de crise sanitaire, incombait à l’Algérie qui accueillait les sahraouis sur son sol, avant de demander à la Commission européenne si elle était au courant de la situation sanitaire alarmante dans les camps de Tindouf et de quelles informations elle disposait sur la propagation du Covid-19 sur place.

Enfin, la députée européenne avait interrogé l’exécutif européen s’il avait abordé la question avec les autorités algériennes et quelles étaient les mesures qu’il allait prendre pour que l’Algérie garantisse la sécurité des populations dans les camps de Tindouf et leur protection contre le Covid-19 dans le difficile contexte sanitaire actuel.

L’Eurodéputée Ries donne même un lien, en preuve de ses dires sur la contamination annoncée de deux personnes en début de mois de Mars 2020.

Le lien en question, vous renvoie au site Sahel Intelligence.com qui produit une revue stratégique hebdomadaire d’analyse sur la zone du Sahel.

Edité selon le site même par la société GIC CONSEIL (Paris), ce média qui aurait pour responsable et rédacteur en chef Samuel Benshimon, traite des questions de lutte contre le terrorisme, du narcotrafic, de contrebande, d’armement et de politique dans l’ensemble de la zone Sahélienne et les pays la bordant, mais il reste un média clairement hostile à l’Algérie, comme vous pouvez le constater ici.

Le souci est que la presse marocaine n’a jamais révélé que pour questionner la commission Européenne, l’Eurodéputée Ries, qui est également membre de la délégation pour les relations avec Israël au parlement Européen, avait eu recours aux informations de Samuel Benshimon, qui il faut rappeler aurait travaillé comme analyste au sein de l’armée israélienne pendant plus de vingt ans, avant de la quitter en 1999 avec le grade de Lieutenant-Colonel… Troublant !

Il faut dire que les thèses défavorables vis-à-vis du Front Polisario, largement relayées par Sahel Intelligence vont dans le même sens qu’une autre élue belge d’origine marocaine du même parti Mouvement réformateur (MR) que Ries : Latifa Ait Baâla. Cette dernière, connue pour son rôle actif dans le lobbying en faveur de l’annexion du Sahara occidental par le Maroc, avait organisé au Parlement européen une projection d’un documentaire intitulé, « Sahara et Sahel Connexions – trafic, drogue, terrorisme », qu’elle a tourné avec son mari Hassan El-Bouharrouti, un spécialiste des documentaires de propagande et promoteur des thèses colonialistes marocaines, que finance le Makhzen…

Toujours dans le registre relatif à la manipulation de l’information dans laquelle excelle la presse marocaine soumise au Makhzen, les journalistes de sa majesté ont omis de divulguer à l’opinion publique que Frédérique Ries, cette ancienne présentatrice TV licenciée en 1998 par la chaîne Radio-Télévision Luxembourg Télévision Indépendante (RTL TVI), a été la vice-Présidente du groupe d’Amitié Union Européenne-Maroc.

Est-ce au nom de cette amitié avec le Royaume du Maroc que Frédérique Ries a préféré évoquer les deux prétendus cas de Coronavirus à Tindouf, une des zones les moins touchées par la pandémie du Covid-19 en Algérie, tout en détournant le regard sur les cas de contamination décelés parmi les détenus politiques d’une prison du sud du Maroc, qui s’élève à 133 cas selon un bilan rendu public le 23 avril 2020 par les autorités pénitentiaires marocaines. Un bilan qui vient en outre s’ajouter aux soixante cas précédemment enregistrés dans la même prison parmi ses fonctionnaires ?!

Il y a en effet légitimement matière à s’interroger, car les »amis » et défenseurs du Maroc au Parlement Européen sont nombreux et leurs actions coordonnées et téléguidées par le Makhzen ont toujours été soigneusement cachées à l’opinion publique, tant marocaine qu’internationale.

En 2017, l’eurodéputé français Gilles Pargneaux, Président du groupe d’Amitié Union Européenne-Maroc avait créé la Fondation EuroMedA, avec Alain Berger, associé du cabinet de relations publiques Hill+Knowlton et Mohamed Cheikh Biadillah, ex Ministre et Secrétaire Général du Parti marocain Authenticité et Modernité de l’Ami du Roi Mohamed VI : Fouad Ali El Himma… Et ce n’est pas là les seuls marocains à siéger au sein de cette fondation qui a installé une antenne à Rabat au Maroc.

Le vice-président d’EuroMedA est Salaheddine Mezouar, ancien ministre des Affaires étrangères du Maroc, Abdallah Saaf, ancien ministre de l’Education Nationale du Maroc figure parmi les membres du conseil d’administration, tout comme M’barka Bouaida, ancien ministre-délégué des Affaires étrangères du Maroc, qui représente également le Maroc à l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne…

Cette fondation, qui comptait également la franco-algérienne Debah-Khiari Bariza dans la liste de ses administrateurs, a selon ses statuts pour but de mettre en perspective la spécificité du Sahara occidental, de promouvoir un Islam marocain comme modèle pour défendre l’image de la religion musulmane en Europe et de plaidoyer pour la résolution durable et mutuellement acceptable du conflit israélo-palestinien.

EuroMedA, dont le budget est estimé selon nos sources à près de 20 Millions de Dollars, collabore par ailleurs avec l’OCP Policy Center, un Think Tank (Groupe de réflexion) créé par le monopole d’État marocain dans le secteur chimique et minier : l’Office chérifien des phosphates (devenu Groupe OCP), dans le but d’influencer le Parlement européen au maintien des relations privilégiées entre l’UE et le Maroc…

Le 10 juillet 2018, la Fondation EuroMedA avait organisé au Parlement européen la présentation de l’ouvrage »le partenariat Europe-Afrique en quête de sens » financé par l’OCP Policy Center.

Quelques mois plus tard, c’est une autre conférence qu’avaient organisés l’OCP Policy Center et la Fondation EuroMedA au Parlement Européen sur le thème de »La Méditerranée, clé de voûte du partenariat Europe-Afrique’’.

Outre le défenseur patenté de la monarchie marocaine : Gilles Pargneaux, ce sont principalement deux marocains, Fathallah Oualaalou, ancien Ministre des finances, ancien maire de Rabat, intervenant à l’OCP Policy Center ainsi que Mohamed Loulichki, ancien Représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies, et intervenant à l’OCP Policy Center, qui auront animé cette table ronde et réduits les perspectives stratégiques de la relation Europe-Méditerranée-Afrique à leurs bien personnelles et royales visions…

Rappelons que le partenariat stratégique UE-Maroc représente un enjeu crucial pour l’Europe et inclut d’importantes aides européennes liées à la question migratoire et à la gestion des frontières qui s’élèvent à plusieurs dizaines de millions d’Euros.

C’est dire que l’investissement marocain à travers des organismes de lobbying, tels que EuroMedA, est important au sein de l’union Européenne pour faire oublier que le Royaume alaouite est un des principal pourvoyeur de criminels, responsables de la récente vague terroriste ayant frappé l’Europe et dont les auteurs sont, pour la majorité, de nationalité ou d’origine marocaine comme l’a démontré un journal britannique.

Inscrite le 25 avril 2019 au registre européen des représentants d’intérêts spécifiques et se défendant de faire du lobbying pour le Maroc, cette manœuvre d’EuroMedA parait peu crédible dès lors que cette fondation avait installé son siège dans les bureaux bruxellois du cabinet de lobbying : Hill + Knowlton Strategies et dont le principal client a longtemps été … le Royaume du Maroc !

Cela avait d’ailleurs poussé le député européen Florent Marsellesi, homme politique et activiste français et membre du Parti politique espagnol Equo, à déposer une plainte contre Hill + Knowlton pour faire évaluer si le comportement de la société de lobbying était conforme au code de conduite et répondait au registre de transparence de l’Union Européenne.


Dans cette intense activité liée à la nébuleuse pro-marocaine au niveau du parlement de l’Union Européenne et de leur récente et violente charge contre Alger, il reste surprenant que les médias marocains n’aient jamais évoqué que l’Eurodéputée Frédérique Ries siège également au conseil d’Administration de la fondation EuroMedA ! Et cela pose un réel problème.

Il faut savoir que les députés doivent renseigner une déclaration d’intérêt financiers et leur participation à toute autre fonction, comme le requiert l’article 4 du code de conduite des députés du Parlement européen en ce qui concerne les intérêts financiers et les conflits d’intérêts.

Le code exige par ailleurs que les députés « rendent public, avant de s’exprimer ou de voter en séance plénière ou au sein des organes du Parlement, ou lorsqu’ils sont proposés comme rapporteurs, tout conflit d’intérêts réel ou potentiel compte tenu de la question examinée« , que la participation ou l’activité en question « que celles-ci soient rémunérées ou non »…

Il y a quelques années, Patricia Lalonde, rapporteur du Parlement européen sur la proposition controversée d’étendre l’accord commercial UE-Maroc au Sahara Occidental occupé, avait suscité une immense polémique au sein de l’union Européenne car elle était en même temps membre du conseil d’administration d’EuroMedA… Un conflit d’intérêt qui avait été largement dénoncé par la presse, poussant l’eurodéputée française Patricia Lalonde à démissionner en Novembre 2018.

La députée belge Frédérique Ries ne s’est-elle pas mise dans une situation de conflit d’intérêts, du fait qu’elle a un intérêt personnel par son adhésion au conseil d’administration de la fondation notoirement pro-marocaine EuroMedA, ce qui pourrait influencer indûment l’exercice de ses fonctions en tant que députée comme en dispose l’article 3 du code de conduite des députés au Parlement européen en matière d’intérêts financiers et de conflits d’intérêts ?

Dès lors, quelle lecture faire de la récente question de Frédérique Ries au Parlement Européen, au vu de ces troublantes informations liées à ses activités ostentatoirement pro-marocaines, qui sollicite l’Union Européenne de demander des comptes à Alger concernant des réfugiés sahraouis, dont le territoire a été annexé par le Maroc ?

Récemment, c’est 1 Million de Dollars d’argent public que la Maroc a offert au Haut-Commissariat des Nations Unies dans le but de museler cette instance internationale au sujet de ses constantes violations des droits de l’homme dans le territoire non autonome du Sahara Occidental.

Cela n’a pas empêché Georgette Gagnon, directrice des opérations sur le terrain du Haut-Commissariat des Nations Unies, de désigner le Maroc, en ce 27 Avril 2020, comme étant un pays où les troublantes actions de la police pour faire appliquer les mesures de l’état d’urgence sanitaire servaient à écraser la dissidence, contrôler la population, voire se maintenir au pouvoir…

Quoiqu’il en soit, pour défendre ses hasardeuses thèses politiques, diplomatiques et économiques et pour peser sur les prises de décisions des députés, des commissaires européennes et de leurs collaborateurs, le Maroc, incapable d’imposer sa vision expansionniste et prédatrice opposée au droit international et aux principes universels des droits de l’Homme, a toujours recours au financement de groupes de pressions et de quelques élus, comme il a été largement démontré ci-haut.

Le Royaume cible ces relais européens uniquement parce qu’ils semblent accepter de transgresser les règles internationales au détriment du peuple Sahraoui et d’une partie des citoyens du Maroc… sans état d’âme !

Bachir Outaghani

TV Maghreb via Marocleaks

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