Une levée de boucliers, à l’image de celle opérée contre Dieudonné en France par le système politico-médiatique sous prétexte de propos antisémites, est en train de s’effectuer en Grande-Bretagne contre un caricaturiste très renommé, Gerald Scarfe, attaqué par l’influent lobby sioniste local pour un dessin de presse représentant le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu.
Le caricaturiste, taxé lui aussi d’antisémitisme, a publié ce dessin dans le journal britannique The Sunday Times. Pris apparemment de la frayeur d’avoir commis un crime de lèse-majesté, le journal a répondu aux critiques de la communauté juive en présentant ses excuses. Ce sont les mêmes qui, hier, défendaient la liberté d’expression dans l’épisode des caricatures du Prophète de l’islam qui crient aujourd’hui au loup parce que le Premier ministre d’une force d’occupation, Israël, a été caricaturé. Gerald Scarfe est, pourtant, une référence dans le domaine du dessin de presse.
Sur ce dessin, on peut reconnaître le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en pleine construction d’un mur de briques. Sauf qu’en lieu et place de ciment, il utilise du sang. Entre les briques, des visages agonisants de Palestiniens écrasés par le poids de l’édifice. Le titre : «Will cementing the peace continue ?» (Va-t-on continuer à cimenter la paix ?).Tout ce qui a un lien direct ou indirect avec le lobby sioniste s’est mis de la partie pour dénoncer l’«innommable», à commencer par le groupe des députés juifs de Grande-Bretagne.
Le chef du Parlement israélien Reuven Rivlin, et l’ambassadeur israélien à Londres, Daniel Taub, ont, tous deux, écrit aux autorités britanniques pour s’élever contre le contenu du dessin, allant jusqu’à juger que le Sunday Times a «franchi une ligne rouge», et demander des excuses. Et comme on pouvait s’y attendre, les médias israéliens n’ont pas été en reste. Le plus ahurissant, c’est la réaction des responsables du journal qui a publié la caricature.
D’abord, la caricature incriminée a été retirée de toutes les éditions digitales du Sunday Times. Ensuite, le patron en personne, le puissant magnat de la presse Rupert Murdoch, a estimé devoir s’excuser, via le réseau social Twitter, lâchant complètement le caricaturiste.
Il écrit, notamment sur son compte : «Gerald Scarfe n’a jamais reflété les opinions duSunday Times. Quoi qu’il en soit, nous devons d’immenses excuses pour ce dessin grotesque et offensant.» Le patron du groupe a été suivi dans sa démarche par le rédacteur en chef, Martin Ivens, qui déclare que «le journal a une longue histoire en termes de défense d’Israël, et de ses problèmes, tout comme moi en tant qu’éditorialiste». Plus lâche que cela tu meurs, aurait-on dit. Le très expérimenté caricaturiste Gerald Scarfe, dont le travail a été exposé dans des musées et qui collabore depuis les années 60 au Sunday Times, n’a donc pas reçu de soutien de son employeur. Il peut en revanche compter sur certains de ses collègues, dont le célèbre caricaturiste du Guardian Steve Bell qui considère, en effet, que «ce n’est pas un mauvais dessin».
Amine Sadek
Algérie Patriotique, 23/01/2014