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Les Nations Unies ont récemment nommé un nouvel envoyé pour le Sahara Occidental – Staffan de Mistura. Il s’agit d’une étape bienvenue vers la résolution du conflit de longue date entre le mouvement indépendantiste Polisario, qui représente le peuple du Sahara occidental, et le Maroc, qui occupe le territoire depuis 1975.
Cette nomination intervient alors que le Conseil de sécurité des Nations unies se prépare à renouveler le mandat de la mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental. Mais l’ONU doit faire plus que simplement faciliter les discussions entre le Maroc et le Polisario sur la base d’un appel ambigu à une « solution politique ». Cette approche n’a pas permis de parvenir à un accord, et elle échouera à nouveau.
Il est temps de prendre une nouvelle initiative diplomatique afin de développer un moyen réaliste d’assurer l’autodétermination des Sahraouis, conformément aux normes juridiques internationales. L’objectif devrait être de développer un plan de l’ONU pour une libre association entre le Sahara Occidental et le Maroc. Cet arrangement prévoirait un véritable partage du pouvoir, en prenant comme point de départ la souveraineté inhérente du peuple sahraoui sur sa propre terre, tout en assurant une meilleure protection de ses droits.
Le processus de paix actuel est confronté à une crise existentielle. Cette année marque le 30e anniversaire de la création de la mission de l’ONU. En 1991, l’ONU a négocié un cessez-le-feu entre le Maroc et le Polisario, mais a effectivement abandonné l’idée d’organiser un vote sur l’indépendance une décennie plus tard.
Depuis lors, le Conseil de sécurité des Nations unies a supervisé un processus de paix qui s’effiloche. Il s’est finalement effondré l’année dernière avec la reprise des affrontements armés.
Dans le pire des cas, la violence incontrôlée entre le Maroc et le Polisario pourrait s’étendre aux pays voisins et déstabiliser davantage la région du Sahara et du Sahel. La reconnaissance par l’ancien président américain Donald Trump de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental – une politique maintenue par l’administration Biden – a compliqué la recherche de la paix.
Il y a de nombreuses raisons d’être pessimiste quant aux perspectives d’un accord négocié qui réalise enfin l’autodétermination des Sahraouis. Mais il y a aussi des raisons d’être optimiste. Une résolution rapide, durable et juste du conflit du Sahara Occidental est possible.
Cela implique de rectifier les erreurs du passé.
Une demande importante
Le nouvel envoyé de l’ONU est un diplomate dur et de principe qui a une grande expérience de la diplomatie complexe après avoir été l’envoyé de l’ONU en Syrie. Les envoyés précédents partageaient les mêmes qualités. Mais cela ne comptera guère sans un soutien fort du Conseil de sécurité, en particulier des États-Unis et de la France, lorsque des décisions difficiles doivent être prises.
M. De Mistura doit également changer d’approche diplomatique. Il ne peut pas se contenter de faciliter le dialogue entre les parties. Il doit avoir la force politique de faire avancer un plan réaliste élaboré par les Nations unies pour parvenir à l’autodétermination des Sahraouis, face à la forte opposition du Maroc, qui revendique le territoire comme sien.
Ce ne sera certainement pas une mince affaire. Mais c’est la voie la plus réaliste à suivre.
Depuis plus de deux décennies, le Conseil de sécurité des Nations unies appelle le Maroc et le Polisario à trouver une solution politique négociée qui respecte les normes des Nations unies en matière de décolonisation des territoires non autonomes. Implicitement, ce mandat suppose qu’une solution sera trouvée entre les options d’un État indépendant ou d’une intégration au Maroc.
Au cours des dernières décennies, cette recherche d’une alternative – une « troisième voie » – a été dominée par l’idée d’autonomie. Cela a été une source supplémentaire d’échec.
Ce n’est pas surprenant, pour un certain nombre de raisons.
Premièrement, l’autonomie n’est qu’une forme d’intégration – elle n’est pas une alternative à celle-ci.
Deuxièmement, les accords d’autonomie ont peu d’expérience en matière de résolution permanente des conflits ethniques dans les régions postcoloniales et en développement. L’effondrement de la Yougoslavie et les guerres sanglantes entre l’Éthiopie et l’Érythrée trouvent tous deux leur origine dans l’échec des accords d’autonomie.
Troisièmement, le plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 ne comporte aucune garantie pour assurer le respect continu des droits et de l’autonomie des Sahraouis par le régime marocain. Il s’agit d’une question cruciale, car le plan intégrerait officiellement les Sahraouis dans un système autocratique qui a l’habitude de réprimer leur nationalisme, leurs droits humains et leur action politique.
Il n’est pas surprenant que le Polisario ait rejeté le plan du Maroc, le considérant comme un échec.
Quatrièmement, l’autonomie va à l’encontre du statut juridique international du Sahara Occidental en tant que territoire non autonome et séparé du Maroc. Cela a été récemment affirmé dans une décision de la Cour de Justice de l’UE.
Mais cela ne signifie pas que le Conseil de sécurité de l’ONU devrait cesser de chercher un terrain d’entente.
La libre association comme alternative ?
L’ONU devrait explorer le concept moins connu de libre association.
Dans le cadre de cet arrangement, les Sahraouis (par l’intermédiaire du Polisario) délégueraient certains aspects de leur souveraineté au Maroc et à un État du Sahara occidental nouvellement créé. De solides garanties internationales et des mécanismes de supervision permettraient de s’assurer que les deux parties respectent l’accord.
Le concept a été présenté dans les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies ainsi que dans les délibérations de la Cour internationale de justice comme un moyen de décoloniser le Sahara occidental.
Tout arrangement futur avec le Maroc doit avant tout refléter le consentement du peuple sahraoui à travers un processus informé et démocratique. Un accord de libre association devrait donc encore être accepté par les Sahraouis lors d’un référendum. Un nombre limité de colons marocains pourrait également se voir accorder le droit de vote par référendum.
Les critiques font remarquer qu’aucune des deux parties n’a beaucoup de raisons de soutenir une telle solution. Cela est vrai. Mais si un accord négocié doit être trouvé, il est plus probable qu’il s’inscrive dans le cadre de la libre association plutôt que dans celui de l’indépendance ou de l’intégration pure et simple au Maroc.
Une solution diplomatique est possible. Mais elle nécessitera que les deux parties fassent des concessions pour obtenir ce qu’elles veulent. Cela ne peut se faire que par un activisme diplomatique international accru. Le Conseil de sécurité des Nations unies, l’UE et leurs membres respectifs ont tous la capacité de façonner cet avenir en déployant la bonne combinaison de mesures incitatives et dissuasives.
Le Polisario devra être convaincu que la délégation d’une partie de l’autorité au Maroc est le prix à payer pour la fin de l’occupation marocaine et la reconnaissance internationale de l’État sahraoui. Cela devra inclure des garanties que tout accord futur sera appliqué par la communauté internationale.
Pour progresser, le Conseil de sécurité des Nations unies et l’Union européenne devront également exercer une réelle influence sur le Maroc, ce qu’ils se sont montrés réticents à faire. En vertu de son statut de puissance occupante, du contrôle écrasant qu’il exerce sur le terrain et de ses obligations en vertu des résolutions précédentes de l’ONU et du droit international, c’est Rabat qui devra bouger le plus.
La France et les États-Unis doivent également faire pression. Pour commencer, la France et les États-Unis devraient supprimer leur protection automatique du Maroc au Conseil de sécurité de l’ONU. Et Washington devrait suspendre la reconnaissance de la souveraineté marocaine par Trump si Rabat bloque les efforts de paix menés par l’ONU.
Peu de membres de la communauté internationale considèrent le Sahara occidental comme une question urgente de politique étrangère. Pourtant, étant donné la lente détérioration de la sécurité au Sahara occidental et les implications potentielles plus larges pour le nord-ouest de l’Afrique et l’Europe, la nomination d’un nouvel envoyé de l’ONU offre un moment rare pour relancer la diplomatie internationale.
The Conversation, 13/10/2021
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