France-Algérie : un rapprochement qui sent le gaz

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Entre Alger et Paris, la page des malentendus semble tournée. Le récent déplacement en Algérie du président français, Emmanuel Macron, marque un nouveau départ dans les relations algéro-françaises. Dissipation de brouillard, laissant la place à un rétablissement et un réchauffement des relations entre les deux pays.

Par Nadjoua KHelil, à Alger

La récente visite du président français, Emmanuel Macron, à Alger confirme le rapprochement entre les deux pays qui connaissent des relations complexes depuis l’indépendance de l’ancienne colonie française, il y a soixante ans. Dernier épisode en date, la brouille diplomatique de l’automne 2021 qui s’est traduite par l’orientation de l’Algérie vers d’autres partenaires économiques, entre autres la Chine, la Turquie et l’Italie. Mais dans un contexte de crise de l’énergie que subit de plein fouet l’Europe, provoquée par le conflit armé russo-ukrainien, l’Algérie se positionne en un partenaire que Paris ne peut négliger.

L’Algérie est d’ores et déjà un partenaire économique important de la France. En 2020, la France, avec 14,7% du total des exportations algériennes, représentait le deuxième client de l’Algérie, derrière l’Italie, avec 13,3%, suivie de l’Espagne (10%) et la Chine (5%). Au premier trimestre 2022, le solde commercial de la France avec l’Algérie est passé d’un excédent de 156 millions d’euros au premier trimestre 2021, à un déficit de 519 millions d’euros, d’après les Douanes françaises. A la même période en 2022, les échanges commerciaux entre les deux pays « progressant de 17%, passant à 2,1 milliards d’euros », poursuit la même source. Cette hausse s’explique par « l’augmentation, en valeur, des achats français de l’Algérie, portant sur 1,3 milliard d’euros, soit une hausse de plus de 62% par rapport au premier trimestre 2021 », note le document. Toujours durant le 1er trimestre 2022, les ventes en France de pétrole algérien progressent de 46%, s’élevant à 507 millions d’euros, et celles de gaz naturel augmentent de 168%, se chiffrant à 482 millions d’euros. Cependant, les importations françaises de produits pétroliers raffinés algériens reculent de 21% passant à 188 millions d’euros. Quant aux exportations françaises vers l’Algérie, elles ont reculé de 19%, par rapport à la même période de 2021, pour atteindre 807 millions d’euros. Mais désormais, c’est sur les importantes ressources énergétiques algériennes, notamment le gaz, que lorgne la France. Dans ce sens, des contrats gaziers de long terme sont en train de se mettre en place.

L’Algérie, acteur « incontournable et décisif de stabilité énergétique dans le pourtour méditerranéen »

En effet, la politique de l’Algérie consiste à valoriser ses ressources en tenant compte de ses capacités. Le pays est conforté dans sa position de premier exportateur de gaz naturel sur le continent africain et 7ème au niveau mondial. Ses réserves avoisinent les 2.400 milliards de m3. Le gaz fournit à l’Europe, qui veut moins dépendre du gaz russe, représente un taux de 11% contre 47% pour la Russie. Face à cette conjoncture, nombre de pays de la rive méditerranéenne se sont tournés vers Alger comme source d’approvisionnent en gaz. Aussi, l’Algérie devient-elle incontournable. La situation énergétique de l’Europe a permis à l’Algérie de s’imposer en tant que force économique sur le marché méditerranéen. Ainsi, l’Italie a fait augmenter ses flux de gaz algérien, soit 4 milliards de m3 supplémentaires à mi-juillet. L’Algérie est désormais son premier fournisseur, un partenaire énergétique privilégié, en parallèle d’une coopération dans le solaire, l’éolien, l’hydrogène et la géothermique. L’Algérie a déjà livré à l’Italie 13,9 milliards de m3 de gaz, depuis le début de l’année, dépassant de 113% les volumes prévisionnels. Il est également prévu de livrer à Rome, d’ici la fin de l’année 2022, quelque 6 milliards de m3 supplémentaires, selon des experts.

L’Algérie est également le principal fournisseur de gaz d’Espagne. Cependant, entre Alger et Madrid, la situation est tendue, depuis mars dernier, après la volte-face du gouvernement espagnol qui s’est aligné sur la position de Rabat s’agissant de la question du Sahara occidental. En réaction, Alger a interrompu certains échanges commerciaux avec Madrid, sans pour autant interrompre la fourniture de gaz.

Globalement, l’Algérie, dont « les réserves actuelles permettent d’augmenter relativement la production nationale de gaz, peut contribuer, et a les capacités, à fournir une partie du gaz russe, d’autant plus qu’elle est pratiquement le pays le plus proche de l’Europe, le seul qui a des relations directes en gazoduc ou en GLN avec le vieux continent », nous explique Abdelmadjid Attar, ancien ministre, expert sur les questions énergétiques, et ancien PDG de Sonatrach. D’après lui, les deux sites de liquéfaction dont dispose l’Algérie, celui d’Arzew et Skikda, sont en mesure d’exporter deux fois plus que ce que nous exportons actuellement ». L’Algérie constitue donc un acteur « incontournable et décisif » pour apporter son « concours à garantir la stabilité énergétique en Méditerranée », souligne Attar. Pour ce qui est de la sécurité énergétique intérieure du pays, Attar assure qu’elle est « garantie », dans la mesure où dans la politique algérienne, « le marché national est prioritaire ». Toutefois relève Attar, « aucun pays, seul, ne peut remplacer l’approvisionnement du gaz russe pour l’Europe, cela relève de l’impossible ».

« Nouveau partenariat » : des secteurs « prioritaires »

L’heure est également à la diversification entre Paris et Alger. Outre la recherche sur l’innovation, la coopération bilatérale économique privilégie les partenariats entre les entreprises dans les « secteurs d’avenir », porteurs de richesse et de valeur ajoutée, à savoir le numérique, le tourisme, les énergies renouvelables, les métaux rares, la santé, l’agriculture. Du coté des opérateurs économiques algériens, les attentes consistent à « sceller des partenariats fructueux gagnants-gagnants dans des secteurs porteurs notamment dans l’économie de connaissance », résume Hemamda. L’Algérie a le potentiel qui lui permet d’émerger avec « de bons partenaires » : « nous sommes le seul pays qui n’a pas de dette extérieure, une population jeune dont plus de 70% a moins de 30 ans, un pays qui a une position géostratégique ». Dans un sens plus large, il définit le partenaire de l’Algérie comme celui « qui peut transformer » le Sahara algérien en « Paradis vert » ; capable d’en faire un pôle agricole pour créer de l’emploi et renforcer la sécurité alimentaire du pays. « Le véritable partenaire, c’est celui qui construit avec nous ».

La visite de Macron intervient à un moment où l’Algérie se trouve dans une situation plutôt confortable. Après des années d’instabilité, marquée par un recul des recettes énergétiques et des réserves en devises, qui avait secoué le pays suite à la chute drastique des cours du brut, en 2014, l’économie algérienne se redresse et revient au-devant de la scène, en raison de la crise ukrainienne qui perdure. Un tiers de la consommation de gaz de l’Europe provenant de la Russie, l’Algérie pourrait bien constituer une alternative pour l’approvisionnement de l’Europe en gaz. La position de l’Algérie devrait se consolider davantage sur le marché mondial marqué par une forte demande : notamment avec le lancement, novembre prochain, par le géant algérien des hydrocarbures, Sonatrach, du gisement Lias Carbonaté «LD2», fraichement découvert à Hassi R’Mel (Laghouat), d’une capacité de production de 10 millions de m3/jour. Ce qui confirme le retour de l’Algérie sur la scène internationale et son rôle pivot « dans la stabilité de la sous- région, des espaces méditerranéens et du continent africain ».

ANA, 07/09/2022

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