Les enjeux au coeur de la visite de Macron en Algérie

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Question mémorielle, guerre en Ukraine et gaz algérien, visas, sécurité au Sahel… et sortir des brouilles du premier quinquennat: la visite à venir d’Emmanuel Macron en Algérie est lourde d’enjeux.

LA DIFFICILE ÉQUATION MÉMORIELLE

Emmanuel Macron, premier président français né après la guerre d’Algérie (1954-1962), n’a eu de cesse, depuis son élection en 2017, de tenter de normaliser les relations entre les deux peuples.

Encore candidat, il avait frappé les esprits en qualifiant la colonisation de « crime contre l’humanité », et a multiplié depuis les gestes mémoriels.

Mais l’Algérie n’a pas embrayé sur ce travail de mémoire et a déploré que le président français n’exprime pas de « repentance » pour les 132 ans de colonisation française.

Après des mois de tensions, Emmanuel Macron a reproché au pouvoir algérien d’exploiter la « rente mémorielle » de la guerre d’indépendance pour entretenir sa légitimité et s’est interrogé sur l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation.

Cette question pèse lourd aussi en politique intérieure des deux côtés de la Méditerranée. Sept millions de Français sont liés d’une manière ou d’une autre à l’Algérie.

« Parmi ses conseillers, parmi les forces politiques sur lesquelles (Emmanuel Macron) s’appuie ou dont il espère un soutien plus ou moins tacite, il y a des points de vue différents », relevait dimanche sur France Info l’historien Gilles Manceron, pointant une « forte nostalgie coloniale » à l’extrême droite mais aussi « dans une partie de la droite française ».

LE GAZ, CARTE MAÎTRESSE POUR L’ALGÉRIE

Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Algérie -un des dix premiers producteurs mondiaux de gaz- est devenu un interlocuteur très convoité par des Européens soucieux de réduire leur dépendance au gaz russe.

« Le président français va certainement demander à l’Algérie de faire un effort pour essayer d’accroître ses productions de gaz », anticipe l’économiste algérien Abderahmane Mebtoul.

Mais « si les Français en veulent plus, il faut qu’ils investissent » dans l’industrie gazière et les énergies renouvelables en Algérie, selon lui.

L’Algérie est devenue ces derniers mois le premier fournisseur en gaz de l’Italie, via le gazoduc Transmed qui passe par la Tunisie.

DES RELATIONS ÉCONOMIQUES À LA PEINE

La France est à la peine économiquement en Algérie où, avec environ 10% des parts de marché, elle est désormais supplantée par la Chine (16%), premier fournisseur du pays.

Suez a perdu la gestion des eaux d’Alger, la RATP celle du métro et Aéroports de Paris celle de l’aéroport de la capitale.

L’usine du groupe automobile Renault est aussi entravée par des quotas étatiques de pièces importées.

« Il y a beaucoup de possibilités mais il faut que la France change de logiciel. La France a beaucoup perdu en Afrique », note Abderahmane Mebtoul.

LES VISAS, « NERF DE LA GUERRE »

Paris a réduit de 50% le nombre de visas accordés à l’Algérie – comme au Maroc – pour mettre la pression sur des gouvernements jugés trop peu coopératifs dans la réadmission de leurs ressortissants expulsés de France.

« La réduction du nombre de visas a des effets importants en Algérie. Cela crée une pression sur le pouvoir algérien », souligne Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie.

Les deux capitales veulent « avancer » sur ce sujet, relève toutefois l’Élysée, en soulignant que depuis mars 2022, les autorités algériennes ont délivré « 300 laissez-passer (pour des retours), contre 17 sur la même période en 2021 et 91 en 2020 ».

MAROC ET SAHARA OCCIDENTAL

La visite du président Macron risque de susciter des crispations, sinon des critiques au Maroc, grand rival régional de l’Algérie et dont les relations avec Paris se sont refroidies.

« Il y a toujours une compétition entre l’Algérie et le Maroc.(Avec cette visite), l’Algérie veut marquer des points », estime Xavier Driencourt.

A l’inverse, Rabat attend de la France qu’elle manifeste plus « clairement » son soutien au plan d’autonomie marocain pour régler le conflit du Sahara occidental.

L’Algérie, qui soutient les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, a de son côté rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc en août 2021.

ENJEUX SÉCURITAIRES RÉGIONAUX

« Le président Macron sait que sans la collaboration d’Alger, il est très difficile d’enregistrer la moindre percée dans les dossiers du Sahel et la Libye », relève Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève.

L’Algérie revendique un rôle important au Mali, dont l’armée française vient de se retirer, et entretient « d’excellentes relations » avec la junte militaire au pouvoir à Bamako, poursuit l’expert, en notant aussi les « relations importantes » d’Alger avec Niamey et d’autres capitales africaines.

DROITS DE L’HOMME

Les ONG dénoncent le tour de vis du régime, qui a étouffé le mouvement de contestation populaire du Hirak à l’origine de la chute du président Abdelaziz Bouteflika en 2019.

Une douzaine d’organisations de la diaspora algérienne ont exhorté Emmanuel Macron à « ne pas occulter » le sujet des droits et libertés lors de sa visite.

Malgré des libérations ces derniers mois, environ 250 personnes sont encore détenues dans des prisons algériennes pour des délits d’opinion, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).

Source : Connaissance des énergies, 24/08/2022

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