Maroc : Le style Lalla Salma qui suscitait la jalousie

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Icône de mode, coqueluche des médias people internationaux et star plébiscitée par les groupes de fans sur Facebook, Lalla Salma vient d’être désignée parmi les 50 personnalités les plus influentes du monde arabe. Une consécration de plus pour celle qui mène un combat acharné contre le cancer et le tabac. De Salma Bennani à la Princesse Lalla Salma, retour sur le parcours emblématique d’une reine des cœurs.

UNE princesse engagée

Epouse de Mohammed VI, mère de deux enfants, la princesse Lalla Salma porte à bras le corps le combat contre le cancer au sein de l’Association qu’elle préside. Entre confidences, témoignages et souvenirs, Le Temps reconstitue les principales étapes du parcours de la First Lady du royaume.

Dans son numéro de mai, le mensuel londonien The Middle East consacrait sa couverture aux résultats d’un sondage effectué dans les 5 continents, recensant les “50 personnalités les plus influentes du monde arabe”. Dans ce classement, figure en bonne place la princesse Lalla Salma. Les deux autres Marocains cités dans cette short-list, viennent du monde des affaires (Othman Benjelloun et Miloud Chaabi). La présence dans ce trombinoscope du gotha arabe de Lalla Salma suffit pour illustrer la place qu’a conquise la jeune épouse de Mohammed VI, non seulement au Maroc, mais aussi au-delà des frontières.

Princesse “active”

Flash-back. Nous sommes le 21 mars 2002. La Maison du protocole annonce le mariage du roi du Maroc. L’union royale a tout du conte de fées, puisque le monarque a choisi son épouse parmi le “peuple” : Salma Bennani est une jeune fille issue de la classe moyenne rbatie, bien loin des dorures du Palais. Elle est aussi une femme éduquée et active : lauréate de l’Ecole nationale supérieure d’informatique et d’analyse des systèmes (Ensias), elle a acquis ses premières armes professionnelles au sein de l’ONA.

La révolution ne s’arrête pas là : pour la première fois de l’histoire du royaume, les Marocains ont le loisir de découvrir officiellement le visage de l’épouse du roi, dont les photographies ornent les manchettes des journaux. Officiellement. Car le buzz sur Internet avait déjà devancé les médias officiels : deux photos de classe de Salma Bennani circulaient sur la toile, bien avant l’annonce du Palais. Le Makhzen, habituellement si pointilleux quand il s’agit de l’intimité royale, ne tique pas : comment reprocher aux sujets de Sa Majesté de vouloir tout savoir de leur future princesse ? Cela reviendrait surtout à contrarier les volontés de Mohammed VI qui, en décidant de montrer sa femme, donnait l’image de la monarchie marocaine un sacré coup de jeune, unanimement interprété comme un virage vers la modernité.

Au Maroc, les féministes exultent : le roi en personne lance le signal de l’émancipation féminine, comme l’avait fait son grand-père, un demi-siècle auparavant, en se tenant devant le peuple aux côtés de sa fille Lalla Aïcha, tête nue. Il ira encore plus loin deux ans plus tard, en décidant de la réforme de la Moudawana. Dans les coulisses, Salma Bennani entame sa transformation en Lalla Salma. Elle part en Angleterre suivre des “stages d’étiquette”, une formation au protocole inhérente à son rang de première dame. Un rang, et un rôle, qu’elle s’appliquera progressivement à occuper dans les grandes largeurs. Bientôt, on la voit aux côtés du roi accueillir les chefs d’Etat étrangers en visite dans le royaume, l’accompagner dans ses déplacements officiels, puis remplir, toute seule, des missions diplomatiques ici et là. Sa photo fait la une des journaux, ses activités ouvrent le JT et sa vie privée, ses faits et gestes meublent les discussions dans les salons de la capitale. En un mot comme en mille, Lalla Salma est devenue une personnalité publique, qui ne veut guère se cantonner à un rôle d’apparat, ni à celui de la mère du prince héritier, après la naissance, le 8 mai 2003, de Moulay El Hassan. Non, notre First Lady à nous veut aussi exister par elle-même, et agir. Elle aura toute la latitude de le faire en fondant, en novembre 2005, l’Association Lalla Salma de lutte contre le cancer, association dont elle prend la présidence effective, et pas seulement honorifique. Et, comme elle le montrera par la suite, la différence est de taille.

Facilitateur “royal”

Depuis le 15 mai, les deux télés publiques passent en boucle un spot où Marouane Chamakh, Younès El Aynaoui, Hicham El Guerrouj et Nezha Bidouane, entre autres sportifs nationaux, disent (et montrent) tout le mal qu’ils pensent du tabac. Tous ont répondu à l’appel de Lalla Salma pour figurer dans ce film de sensibilisation, initié par son association. Mobiliser, rassembler, faciliter… grâce au “sceau royal”, tel est le premier apport de la princesse à la cause de l’ALSC, la lutte contre le cancer. “Ce travail de communication nous a grandement facilité la tâche. L’engagement de la princesse dans la cause a permis de briser nombre de tabous liés au cancer”, se réjouit le professeur Belahcen, directeur de l’Institut national d’oncologie. Lui, comme beaucoup de ses confrères, affirment avoir désormais plus de facilité “à aborder le sujet avec leurs patients, qui considèrent moins la maladie comme une fatalité”. La campagne de sensibilisation semble même avoir des effets inattendus : “Nous recevons même des femmes rurales qui acceptent de se déshabiller devant un médecin pour effectuer des tests de dépistage. Du jamais vu !”, s’exclame le professeur.

Investissement réel

Mais le travail de la princesse ne se limite pas à un rôle de “facilitateur royal”, ni à la sensibilisation par l’image et par le rang. À en croire nombre de ses collaborateurs, l’investissement de Lalla Salma au sein de son association dépasse de loin le simple protocole, tant la cause lui tient à cœur. “La princesse a choisi de se lancer dans la lutte contre le cancer parce qu’elle a vécu la perte d’un proche des suites de cette maladie”, nous dévoile l’un de ses proches. “Elle aurait pu se diriger vers d’autres maladies beaucoup moins compliquées à aborder. En optant pour le cancer, elle n’a pas opté pour la facilité”, surenchérit Pr. Belahcen.

Au sein de l’ALSC, beaucoup sont d’ailleurs admiratifs face à la présence quasi quotidienne de la princesse au siège de l’association, situé en face du palais royal à Rabat, qu’il vente ou qu’il neige. Et si la ponctualité est la politesse des rois, Lalla Salma en a élargi l’usage aux princesses. “J’étais même étonnée de la voir débarquer au bureau… alors qu’elle était enceinte de Lalla Khadija. C’est la meilleure manière de donner l’exemple”, raconte, encore sous le charme, l’une de membres de l’ALSC. Du coup, au sein de l’association, les absences ou même les retards sont peu tolérés, même si “l’ambiance de travail reste plutôt décontractée”. Car fidèle à son image de princesse moderne, Lalla Salma a réduit le protocole au sein de l’ALSC au strict minimum : “Le baisemain n’est pas obligatoire, témoigne un membre de l’association. Ceci dit, la plupart des gens considèrent que c’est l’unique façon de saluer une princesse”.
Autre habitude copiée sur son époux, celle d’effectuer de temps à autre des visites inopinées sur les chantiers qu’elle a mis sur les rails. Et les mauvaises surprises sont rares, tant la présidente suit de très près les dossiers de son association. “Elle passe régulièrement tout en revue, rapporte Noureddine Ayouch, membre du conseil d’administration de l’ALSC et patron de l’agence de publicité Shem’s. Chaque centime que l’association débourse est visé par Lalla Salma, avant que le tout ne fasse l’objet d’un audit annuel”. Mais au-delà de sa présence, la princesse n’hésite pas à utiliser son statut quand il le faut, notamment pour “aiguillonner” les instances gouvernementales pour adhérer à sa cause (lire encadré). Mais au-delà des “recommandations princières” directes, le titre de la présidente de l’ALSC reste le principal joker de l’association. “Les actions que nous avons entreprises ont bénéficié de l’implication de la princesse. Et son image est un véritable atout au niveau de la communication”, fait remarquer, en connaissance de cause, Noureddine Ayouch, qui n’hésite pas à parler d’une “dame charismatique, dotée d’une grande capacité d’écoute et d’un background intellectuel qui lui permettent de bien diriger ses équipes”. Bref, une princesse engagée dont la grâce et la beauté conquièrent tous les cœurs.

Cancérologie
L’effet Lalla Salma

Au Maroc, tout devient possible lorsqu’on a une princesse à ses côtés. L’engagement de la première dame dans la lutte contre le cancer a sans aucun doute boosté les progrès du royaume en la matière. Avant de partir à la bataille, Lalla Salma s’est entourée d’un staff de poids. Le conseil scientifique de son association compte des professeurs en cancérologie marocains, français, suisse, américain et canadien. Côté finances, Moulay Hafid Elalamy (PDG du groupe Saham et président sortant de la CGEM), Abdeslam Ahizoune (PDG de Maroc Télécom), Mouatassim Belghazi (PDG de l’ONA) et autres Mohamed Benchaâboun (PDG de la Banque populaire) sont priés d’épauler la princesse pour les levées de fonds.

Ceci sans compter son statut de première dame, qui lui permet de solliciter l’aide de chefs d’Etat ou de structures étrangères pour financer l’achat de matériel, de médicaments et de la formation du personnel. Du coup, le ministère de la Santé est aujourd’hui doté d’un plan cancer, “ce qui était inimaginable il y a quelques années car trop coûteux. Je suis manifestement arrivé dans ce service au bon moment”, commente Belahcen, actuel directeur de l’Institut national d’oncologie. Sur le terrain, ce plan prend forme. Les maisons de vie de Casablanca et d’Agadir se sont ajoutées au Centre d’oncologie de Rabat. Dans le pipe : des centres de traitement dans quatre autres villes du royaume sont en cours, avec pour objectif de faciliter aux malades l’accès aux soins. “La principale nouveauté, c’est la sensibilité humaine de Lalla Salma, commente le professeur Belahcen. Alors que le corps médical se concentre sur la pathologie, la princesse insiste sur le confort des malades lors de leur thérapie”.

Naissance d’une icône

Le style Lalla Salma, c’est aussi son apparence, ses choix vestimentaires. Entre tailleurs modernes et habits traditionnelles, les tenues de la princesse Lalla Salma révèlent un langage et une manière d’être. Aperçu de la garde-robe princière, entre chic parisien et élégance marocaine.

Le 17 juillet 2003. Une date à inscrire dans les annales de l’histoire de la dynastie alaouite. Pourquoi ? Ce n’est pas celle du mariage royal… C’est le jour de la première apparition officielle de la princesse Lalla Salma. C’était lors de la visite officielle de Pervez Musharraf, futur ex-président de la République islamique du Pakistan, accompagné de son épouse. Mais celle qui se trouve au centre de toutes les attentions , c’est bien elle, la princesse Lalla Salma. Ce jour-là, la princesse donne le ton. La jeune First Lady porte un tailleur pantalon classique beige et parme. Les cheveux auburn sont relâchés, les boucles descendent en cascade dans son dos. Lunettes de soleil, sac à main, quelques bijoux. Exit le caftan et autres tenues traditionnelles, trop habillées ou trop engoncées. Rapidement, Lalla Salma impose son style, sobre, plutôt européen, souvent pratique. Des tenues de première dame appelée à côtoyer, aux côtés de son mari, les hautes sphères de la politique internationale.

On pourrait croire qu’il ne s’agit que d’une affaire de “chiffons”. Erreur : les évolutions vestimentaires cachent aussi de petites révolutions protocolaires. Le tailleur porté le jour de sa première apparition en public est un signal qui va de pair avec le style du nouveau règne : Lalla Salma est une femme moderne, certes respectueuse des traditions, mais guère enfermée dans une inaccessible image princière dans sa tour dorée. Le tailleur est d’ailleurs un symbole : celui d’une “working woman” bien dans sa peau, que son statut royal n’empêche pas d’être une femme active, installée dans son époque.

Teint de porcelaine, joues roses, franc sourire, Lalla Salma séduit par sa plastique autant que par son attitude simple et spontanée. Faut-il s’étonner dès lors que, chez les femmes, le style Lalla Salma, fait de sobriété et d’élégance, est fort apprécié. “À travers sa manière de s’habiller et sa façon d’être, on voit qu’elle est libre”, déclare Leïla, une jeune casablancaise. “Elle a beaucoup de classe, elle s’impose. On ne peut que remarquer sa présence”, renchérit Alya, commerciale.

Simplicité et sophistication

Derrière cette apparente simplicité, la princesse cache une amatrice de mode et de haute couture. À l’instar de la plupart des familles royales dans le monde, Chanel reste une référence en la matière. La princesse fait également ses emplettes chez Dior, Yves Saint-Laurent, Elie Saab, Balenciaga ou encore chez le couturier tunisien Azzedine Alaïa. Petite nouveauté, la princesse n’hésite pas à regarder du côté des jeunes stylistes marocains, notamment Fadela El Gadi, chez qui elle a choisi des “choses très actuelles, des sacs notamment”, selon la styliste.

De jour, Lalla Salma à une nette préférence pour les couleurs sobres (blanc, noir ou rose pâle…), idoines pour ses activités sociales et associatives et ses visites de centres dédiés à l’enfance.

De nuit, sa garde-robe redevient traditionnelle, avec une panoplie de caftans roses, rouges, blancs, bleus, verts… Couleurs chatoyantes, broderies, innombrables bijoux, la sobre Lalla Salma brille de mille feux. Pour le plaisir des lectrices de magazine. “Quand on la voit en photo, on rêve d’avoir ses tenues, avec de véritables pierres et de belles broderies”, soupire Maria, étudiante. Et la dame sait s’adapter aux situations. C’est dans une takchita aux couleurs du drapeau chinois, jaune et rouge qu’elle a reçu le président chinois et son épouse. De même, en Thaïlande, elle portait du jaune, couleur royale du pays, lorsqu’elle fut envoyée représenter le Roi Mohammed VI pour le 60ème anniversaire de l’intronisation du roi thaïlandais. Plus récemment, elle a voilé une partie de sa chevelure lors d’un voyage officiel en Arabie Saoudite.

Princesse, épouse et mère

Lalla Salma incarne ainsi un équilibre délicat entre tradition et modernité. “C’est une femme ouverte qui a cassé beaucoup de règles et de coutumes, commente une journaliste. Avant, les princesses ne s’habillaient pas de façon si moderne”. Lalla Salma donnerait-elle le “trend” en matière vestimentaire ? Pas forcément. Cette jeune styliste est même catégorique, “Lalla Salma n’influence pas réellement la mode, ce n’est pas son rôle”. “En revanche, on aimerait qu’elle porte plus souvent des créations marocaines contemporaines. Elle serait la meilleure ambassadrice de la haute couture marocaine”, note une autre styliste, dont la clientèle est à 90% étrangère. Outre la façon de s’habiller, c’est aussi l’attitude qui est appréciée. Il faut dire que l’image de la princese est soigneusement entretenue : c’est aussi une mère dévouée, une jeune femme active, qui consacre son temps à deux associations, mais sait aussi prendre le temps de s’amuser. On l’a vue, en 2003, en combinaison, prendre ses premiers cours de ski à Courchevel, la fameuse station des Alpes françaises. Princesse, épouse, mère, actrice associative… Lalla Salma ressemble finalement à beaucoup de femmes de sa génération, qui mènent plusieurs “vies” à la fois. Une femme de son temps, tout simplement.

PAR Youssef Zeghari
ET Marion Despouys

Le Temps, 04 – 09 – 2009 (Titre original: Le style Lalla Salma)

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