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Le Midcat que l’Allemagne réclame déjà pourrait faire de l’Espagne le « grenier à gaz » de l’Europe : combien cela pourrait coûter et combien cela pourrait nous rapporter
Le gouvernement voit le projet d’un bon œil et estime que Midcat « pourrait être opérationnel dans huit mois ».
L’Allemagne préconise la construction d’un gazoduc traversant la France pour acheminer le gaz de l’Espagne et du Portugal vers le nord de l’Union européenne. De cette façon, Olaf Scholz a fait revivre Midcat. Maintenant que le « patron » allemand de l’UE le propose, la France d’Emmanuele Macron continuera-t-elle à s’y opposer ?
M. Scholz a relancé le Midcat, c’est-à-dire une infrastructure qui permettrait d’acheminer vers d’autres pays de l’UE le gaz qui arrive en Espagne – en provenance d’Algérie et de navires arrivant de différents pays et reliés aux usines de regazéification – et qui est stocké ici.
C’est maintenant, car en mars dernier, le Midcat n’était pas une priorité pour l’Allemagne, même si la Russie avait déjà commencé son invasion de l’Ukraine. Le chancelier allemand avait alors déclaré qu’il était favorable à un soutien des ressources disponibles dans les installations occidentales de l’UE comme mesure à court terme pour diversifier ses sources d’approvisionnement.
Il faut savoir que le nouveau catalogue européen des énergies vertes pour la transition énergétique inclut déjà le gaz et l’énergie nucléaire.
Scholz n’a donc pas préconisé la construction de nouvelles comme celle de Midcat. En mars, le chancelier était convaincu que la Russie et la guerre n’affecteraient pas le transit du gaz russe vers l’Europe (l’Allemagne dépendait alors à plus de 50 % du gaz russe).
Mais les prévisions de l’Allemagne ont été dépassées par la guerre, et tout porte à croire que Poutine fermera le robinet du gaz à l’automne. Par ailleurs, il faut savoir que le nouveau catalogue européen des énergies vertes pour la transition énergétique inclut déjà le gaz et l’énergie nucléaire.
L’Espagne, le pays d’Europe ayant la plus grande capacité de stockage de gaz
L’Espagne est le pays européen qui possède la plus grande capacité de stockage de gaz et aussi la plus grande capacité de regazéification (le gaz arrive dans les navires à l’état liquide et est gazéifié dans les usines). Six usines y sont consacrées en Espagne et une autre au Portugal. Il y en a sept dans l’ensemble de l’UE.
Selon les données de Gas Infrastructure Europe (GIE), l’Espagne dispose de 35 % de la capacité de stockage de gaz de l’UE (et du Royaume-Uni). La France en compte 14%, la Belgique 6% et l’Italie 5%.
Midcat coûterait environ 400 millions d’euros et porterait la capacité annuelle à 17 milliards de mètres cubes de gaz.
Le problème est, une fois de plus, l’exception ibérique. Cela se passe avec le marché de l’électricité (qui a permis à l’Espagne et au Portugal d’avoir un prix plus bas) et aussi avec le gaz. Il y a un manque d’interconnexions avec le reste de l’Europe, ce qui, en fin de compte, signifie toujours un manque de connexions avec la France (où il y a trois usines de regazéification). Le mur des Pyrénées… encore.
Midcat était (est) destiné à combler ce mur. L’idée est de créer une interconnexion gazière entre l’Espagne et la France, via la Catalogne. Ce gazoduc coûterait environ 400 millions d’euros et porterait la capacité annuelle à 17 milliards de mètres cubes de gaz.
Cependant, Paris n’en a pas eu envie – du moins jusqu’à présent. Et pourtant, dans les années 1950, le général de Gaulle a proposé d’acheminer du gaz d’Algérie vers les usines allemandes. Mais en 2019, il s’est débarrassé de sa partie du Midcat en raison de son coût élevé. Si Macron s’engage, comme tout le suggère, l’Espagne pourrait devenir le grenier à gaz de l’Europe.
Le gazoduc entre l’Espagne et la France vers l’Europe fait partie des plans de l’OTAN.
Il veut l’Allemagne, ce qui est très important, et il veut l’OTAN, ce qui est encore plus important. La guerre en Ukraine n’avait pas encore éclaté, mais à Berlin, personne ne pouvait ignorer que sa dépendance à l’égard du gaz russe était grande….. trop grande. Comme l’a rapporté La Vanguardia en février, le pipeline fait partie des plans de l’Alliance atlantique.
Des sources gouvernementales espagnoles ont confirmé que « la relance d’une nouvelle connexion transfrontalière avec la France pour acheminer le gaz au cœur de l’Europe » figurait sur les tables de travail de l’OTAN. Cette question a probablement été abordée lors du récent sommet atlantique de Madrid.
La partie espagnole du Midcat est déjà faite
En tout cas, le projet a pris forme de ce côté-ci des Pyrénées. Le gazoduc arrive d’Oran (Algérie) ; il traverse la Méditerranée jusqu’à Almeria ; de là, il remonte vers la Catalogne, en passant par les stations de Carthagène, Montesa, Paterna, Tivissa, Barcelone et Hostalric. Tout cela a déjà été construit.
Si la France accepte l’urgence proposée par l’Allemagne, il suffirait de franchir les Pyrénées. Une fois sur le sol français, via la STEP (Pyrénées Sud Transit Est), le gaz atteindrait Barbaira et de là, il continuerait vers Saint Martin de Crau et Etrez, déjà proche de la frontière suisse. 500 kilomètres plus loin se trouve Stuttgart.
Mais combien de temps cela prendra-t-il ? La ministre de la Transition écologique et du Défi démographique, Teresa Ribera, a calculé ce vendredi. « L’interconnexion à travers les Pyrénées catalanes pourrait être opérationnelle en huit ou neuf mois sur la frontière sud. C’est pourquoi il est essentiel de travailler main dans la main avec la France », a déclaré M. Ribera lors d’une interview sur RTVE.
Le ministre ne dit pas combien de millions d’euros coûterait la traversée des Pyrénées par les gazoducs, mais, selon l’association patronale catalane Fomento del Trabajo, le coût pourrait avoisiner 450 millions d’euros. En revanche, ils ne sont pas aussi optimistes quant au calendrier : en mars, ils estimaient à trois ans le temps de travail.
La question est de savoir qui paie une interconnexion pour garantir la sécurité d’approvisionnement de l’Europe centrale et septentrionale… à part le contribuable et le consommateur de gaz espagnol ?
La question est de savoir qui paie une interconnexion pour garantir la sécurité d’approvisionnement de l’Europe centrale et du Nord… pas le contribuable ou le consommateur de gaz espagnol ? Notre demande est que ce ne soit pas le contribuable ou le consommateur de gaz espagnol », a déclaré le ministre mercredi.
En attendant, l’interconnexion existante avec la France, via Irún et Larrau, devrait être prolongée. Sa capacité annuelle est d’environ 8 milliards de mètres cubes, ce qui est très peu si l’on parle d’envoyer du gaz vers le reste de l’Europe. Selon le ministère de la Transition écologique, un nouveau compresseur pourrait désormais être ajouté pour augmenter le volume exporté de 20 à 30 %. M. Ribera estime que les travaux « seraient l’affaire de quelques mois, deux ou trois ».
Enagás a annoncé trois nouveaux gazoducs en juillet.
Le travail des entreprises du secteur est également en marge des gouvernements. En juillet dernier, Enagás (Empresa Nacional de Gas) a annoncé son intention de construire trois nouveaux gazoducs : une nouvelle interconnexion avec le Portugal, un autre gazoduc sous-marin pour pomper le gaz vers et depuis l’Italie, et celui reliant l’Espagne à la France (le Midcat).
Selon Enagás, une nouvelle interconnexion avec le Portugal, une autre interconnexion sous-marine avec l’Italie et la traversée du Midcat vers la France nécessiteraient un investissement de près de 2 000 millions d’euros.
Tout cela fait partie du plan stratégique 2022-2030 d’Enagás. La compagnie gazière calcule que cela impliquerait un investissement de 4 755 millions d’euros au cours de la prochaine décennie. Sur le total, près de 2 000 millions seraient destinés aux trois infrastructures mentionnées.
Selon Enagás, ces installations n’iraient pas à l’encontre des objectifs européens en matière de transition énergétique. Son plan parle également d’hydrogène vert. Plus précisément, elle envisage déjà la possibilité que ces nouveaux gazoducs puissent transporter des gaz renouvelables, dont l’omniprésent hydrogène vert. Comme ces carburants sont inclus dans les plans de transition énergétique de l’UE, les projets pourraient bénéficier de subventions de 30 à 40 %.
Données sur les importations de gaz par l’Espagne.
L’Espagne augmente ses importations de gaz russe malgré la guerre en 2022 tout en réduisant son lien énergétique avec l’Algérie.
En gros, l’Espagne achète du gaz à l’Algérie, aux États-Unis, au Nigeria, à la Russie, à la Norvège, au Qatar et à Oman. Le gaz algérien arrive par le gazoduc Medgaz (il arrivait aussi par le gazoduc Maghreb-Europe, fermé en raison de la crise entre le Maroc et l’Algérie).
Le reste est du gaz naturel liquéfié qui arrive par bateau des pays susmentionnés aux terminaux de Cartagena et de Mugardos (La Corogne), dans une plus large mesure, mais aussi à ceux de Barcelone, Bilbao, Huelva et Sagunto (celui de Gijón pourrait déjà être opérationnel). En outre, il existe des centres de stockage souterrain à Serrablo (Huesca), Gaviota (Biscaye) et Yela (Guadalajara).
CHEMA LIZARRALDE
20minutos, 15.08.2022
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