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27 juillet 2022, un geste inattendu du chef de la diplomatie béninoise envers le président français est immortalisé dans une vidéo qui inonde sans tarder la toile. Du bout des doigts, le MAE vient de repousser la main paternaliste qu’Emmanuel Macron vient de poser sur son épaule.
Les scènes qui se sont déroulées au Burkina Faso en novembre dernier restent vives dans les esprits. Durant plusieurs jours, un convoi militaire français devant se rendre au Niger a été bloqué par des manifestants burkinabés en colère. Hostiles à la présence (militaire) française dans leur pays, ces derniers ont érigé des barrages sur tout le parcours des camions. Un fort sentiment de méfiance pousse la foule à accuser y compris leurs otages de transporter des armes destinées à être livrées aux groupes terroristes qui frappent le territoire.
La manifestation a été organisée par la Coalition des patriotes du Burkina Faso (Copa-BF). Dans une déclaration publique livrée à l’heure où se déroulaient ces évènements, une des responsables fustige « le pillage des ressources, l’exploitation monétaire (le CFA) », et lance cette phrase lourde de sens : « Les Français peuvent voyager librement vers le Burkina Faso mais pas le contraire. » Les promesses d’un partenariat gagnant-gagnant, nouvelle phrase fétiche, destinée à rassurer l’Afrique, ne sont pas prises au sérieux.
Six mois plus tard, c’est vers le Tchad que se tournent les regards. Le 14 mai, des milliers de personnes prennent part à une immense manifestation contre la France, accusée de soutenir la junte militaire. Sept stations d’essence du groupe pétrolier Total sont attaquées, d’autres symboles français subissent de sérieuses dégradations, l’emblème tricolore est foulé au sol, les manifestants mettent le feu dans certaines villes, la tension est à son comble, accentuée par des rumeurs faisant état de l’installation de nouvelles bases militaires françaises au Tchad.
À N’Djamena, l’ambassade de France dément et observe impuissante les manifestants défiler avec le drapeau russe puis le hisser en plein centre-ville. L’acte est lourd de sens, il symbolise le passage d’une époque à une autre, le dos tourné à Paris et l’ouverture vers les promesses de Moscou.
L’élite africaine draine les foules
« La Russie », un leitmotiv dans le discours d’Emmanuel Macron durant sa tournée africaine de juillet dernier avance rapidement sur des territoires très longtemps conquis, acquis mais désormais en proie à un très fort sentiment anti-français. L’élite africaine qui se rebiffe, exprime publiquement ce sentiment depuis plusieurs années, a désormais le pouvoir d’influencer, de drainer les foules. C’est ce qui s’est passé en Centre Afrique où l’idée selon laquelle Paris a conduit le pays au chaos s’est ancrée tellement fortement qu’elle a, ici, généré une campagne anti-France d’une telle puissance, qu’elle a fini par lui ôter toute chance de se repositionner et qui limite son influence actuelle à… l’aide humanitaire. Paris est supplantée par Moscou qui renforce notamment ses liens militaires et axe ses efforts sur la mise en place d’une stratégie et une aide à même de permettre aux Centrafricains de lutter contre le terrorisme. Aigri par la perte d’un territoire stratégique (une ancienne colonie aussi), le régime français accuse régulièrement le régime en place de laisser les Russes piller leurs ressources pour s’assurer de leur soutien militaire.
L’histoire récente qui a modifié la donne en Centre-Afrique risque cependant de se répéter sur un autre territoire longtemps resté sous tutelle française, le Cameroun. En avril dernier, un accord militaire signé avec la Russie crée la panique à Paris qui tente alors de réagir très vite pour éviter la réédition du scénario de Bangui (CentreAfrique). Le Quai d’Orsay dépêche son directeur pour l’Afrique à Yaoundé, mais les accords militaires signés avec Moscou ont déjà tracé ce qui semble être l’avenir proche. Ces derniers prévoient des formations militaires aux soldats camerounais, des exercices militaires conjoints, des échanges de renseignements et laissent sous-entendre un probable passage vers l’achat d’armements russes à l’avenir.
Devant l’ONU, l’Afrique lâche Paris en pleine crise dans le dossier Ukraine
Avec le Burkina Faso, la Guinée, la Guinée-Bissau, Eswatini, l’Ethiopie, et le Togo, le Cameroun fait partie des pays africains qui se sont abstenus de voter contre l’expulsion de la Russie du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies en avril 2022. Cette fois, l’heure est grave. La France se fait ainsi de nouveau humilier, alors que résonne encore la gifle de Bamako.
Les troupes Serval puis Barkhane, restées neuf longues années stationnées au Nord, ont quitté le Mali sans gloire, laissant de surcroît derrière elles un terrain où ont, au contraire, avancé les groupes terroristes et un sentiment anti-français plus renforcé que jamais. Il débouche sur une rupture des accords de défense entre les deux pays et l’expulsion de l’ambassadeur français.
Le 17 mars dernier, le gouvernement de transition annonce carrément la suspension définitive de deux médias lourds français, RFI et France 24. Le pouvoir en place leur reproche d’avoir évoqué des exactions commises par les militaires. Comme au Mali, la perte de l’influence française en Afrique devient une évidence.
Le Soir d’Algérie, 10/08/2022
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