Maroc, Algérie, Israël, normalisation, Sahara Occidental,
Dans un contexte de relations envenimées entre son pays et l’Algérie, et dans une intervention solennelle, samedi 30 juillet, le roi du Maroc s’est exprimé sur le sujet sur le ton de l’apaisement.
Par Feriel Nourine
«Les frontières qui séparent le peuple marocain et le peuple algérien frères ne seront jamais des barrières empêchant leur interaction et leur entente», a-t-il souligné.
Son souhait, a-t-il affirmé, est que les «frontières» qui séparent les deux voisins «se muent en passerelles permettant au Maroc et à l’Algérie d’accéder à un avenir meilleur et d’offrir un bel exemple de concorde aux autres peuples maghrébins».
Dans son discours prononcé à l’occasion de la fête du Trône, le monarque s’est adonné au rôle du réconciliateur maghrébin, exhortant «les Marocains à préserver l’esprit de fraternité, de solidarité et de bon voisinage qui les anime à l’égard (…) des frères algériens.
A ces derniers, il a assuré «qu’en toute circonstance, le Maroc et les Marocains se tiendront toujours à leurs côtés» : des mots de sympathie et de fraternité dont la sémantique rappelle celle qu’il a utilisée l’année dernière, pour la même occasion et le même anniversaire de son accession au trône.
Dans les deux textes, c’est «le rapprochement, la communication et la compréhension entre les deux peuples» qui sont mis en avant suivant un rituel protocolaire bien rodé, mais sans relation, cette fois, avec la réalité bien compliquée et pleine de menaces de la relation entre Alger et Rabat. Un bilatéral qui était jusqu’au 24 août 2021, date de l’interruption des relations par l’Algérie de ses relations avec le Maroc après son rapprochement stratégique avec Israël, marqué par le «cheveu de Muawiya» et le souci d’éviter toute rupture malgré les oppositions de vues et d’intérêts. Mais qui, depuis bientôt une année, a viré au contentieux le plus noir, rappelant les tristes épisodes des années 1960 et 1970 quand le Palais ne s’embarrassait pas à étaler ses ambitions hégémoniques dans la sous-région.
Depuis l’été 2021, aucun signe n’est venu des autorités marocaines confirmer une volonté de leur part d’inscrire ce discours dans la réalité. Bien au contraire, les relations entre les deux pays voisins se sont détériorées davantage, sous l’impact d’une série de provocations marocaines. Comment alors interpréter le discours de Mohamed VI appelant les hautes autorités algériennes à travailler «la main dans la main» pour un retour à la normale entre les deux pays ? Son appel à travailler la «main dans la main» et à l’établissement de relations normales entre «deux peuples frères, unis par l’Histoire, les attaches humaines et la communauté de destin» reste un discours à consommation interne destinée à une opinion marocaine agacée par la normalisation avec Israël et inquiétée par les développements négatifs que ce processus pourrait avoir à l’avenir. Il demeure sans autre contenu que celui de se montrer auprès des partenaires du royaume – et ils ne sont pas négligeables y compris dans le monde arabe – comme le bon voisin qui cherche la détente.
Dans la réalité, c’est un prône sans contenu politique réel. C’est une démarche qui risque, néanmoins, de rester lettre morte auprès de la présidence algérienne, relève un observateur qui rappelle «l’attitude hostile et à tous les niveaux» de Rabat vis-à-vis de l’Algérie. La déclaration du roi du Maroc n’a même pas de valeur diplomatique, confirme le diplomate et ex-ministre, Abdelaziz Rahab. «Elle ne peut représenter un événement diplomatique ni ouvrir des perspectives», a-t-il affirmé dans un post sur sa page officielle Facebook, soulignant que «la tradition et les usages internationaux recommandent que la bonne volonté ou une offre de dialogue soient précédés de mesures conséquences, qualitatives et à la hauteur de l’objectif déclaré».
Or, sur le terrain, la partie marocaine fait preuve d’une position allant à l’inverse de ces principes, constate M. Rahabi. Lequel voit dans le discours de Mohamed VI un jeu visant à faire endosser à «enfoncer l’Algérie et à réserver à son pays le beau rôle de la victime disposée à dialoguer».
Dans cet objectif, «une fois encore, il rend l’Algérie responsable de l’échec de la construction maghrébine, du mauvais état des relations bilatérales et cherche à accréditer le sentiment d’un Maroc victime mais disposé au dialogue», explique le diplomate.
Mais, «bien au contraire, le Maroc officiel anime une opération de diabolisation de l’Algérie en la présentant comme un allié des puissances et groupes antioccidentaux et sa diplomatie comme hostile aux intérêts américains et européens dont il serait le meilleur défenseur», poursuit-il
Sur le plan bilatéral, le Maroc poursuit «une stratégie franchement hostile à l’Algérie en cherchant à déprécier et à falsifier notre longue et riche histoire, à s’attaquer notamment, dans ses réseaux sociaux , à l’institution présidentielle qu’il désigne librement par ailleurs, comme l’interlocuteur privilégié et à mener une guerre systématique contre l’armée algérienne et son commandement», soutient encore l’intervenant, insistant sur le fait que «les conditions qui ont prévalu à la rupture entre les deux pays sont encore présentes et n’ont pas été évoquées par le roi».
Ainsi donc en plus de la présence militaire au Sahara occidentale et de la normalisation opérée avec l’entité sioniste aux dépens de la cause palestinienne, le Makhzen continue à développer un jeu diplomatie malsain à l’égard de l’Algérie. Du coup, les propos de Mohamed VI ne sont que littérature. Au détriment des peuples algérien et marocain dont les liens de fraternité ne sont pas à prouver.
Reporters, 01/08/2022
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