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Les Uber Files sont des dizaines de milliers de documents internes au géant des VTC (véhicules de transport avec chauffeurs) Uber, transmis par un lanceur d’alerte au journal britannique «The Guardian», qui les a partagés avec d’autres publications, avant qu’ils ne soient portés à la connaissance du public. Ils montrent avec quelles détermination et agressivité l’entreprise soi-disant technologique est parvenue à faire sauter les verrous légaux entravant soit son arrivée sur un marché national soit son expansion si elle y était déjà, recourant pour ce faire à un lobbying tous azimuts, mais plus encore à la compréhension et à l’aide active des responsables politiques des pays d’implantation. Dans ce cadre un coup de projecteur particulier est donné sur Emmanuel Macron, du temps où il était ministre de l’Economie, entre 2014 et 2016 sous la présidence Hollande, dont on peut dire qu’il ne s’était alors épargné aucun effort pour permettre à Uber de s’imposer sur le marché français du transport en taxi. Interrogé sur cette affaire, il a dit qu’il était fier d’avoir permis ce faisant la création d’emplois, et qu’il referait la même chose demain et après-demain.
Il n’a eu bien sûr aucun mot sur les emplois qu’Uber a détruits dans son domaine d’activité en faisant voler en éclats la réglementation en vigueur à cette époque, favorable pour sa part aux chauffeurs de taxi. Ces derniers n’avaient d’ailleurs pas manqué de se défendre contre la concurrence déloyale qui leur était ainsi faite, en recourant par exemple au blocage de Paris et quelquefois à la violence. Que l’actuel président français soit un libéral à tous crins, cela n’est un secret pour personne.
Ce que les Français ignoraient jusque-là, c’est qu’il fût pendant un temps un vulgaire lobbyiste au service d’une entreprise qui peut-être mieux que toute autre était, et reste, la meilleure incarnation du libéralisme sauvage. Elle-même reconnait aujourd’hui que pour parvenir à ses fins il lui arrivait d’user de méthodes peu recommandables, mais qu’elle ne le fait plus, s’étant amendée entre-temps. Ainsi donc, lorsque ses dirigeants échangeaient des SMS avec Macron, elle n’agissait pas de la manière la plus convenable qui soit, si elle ne contrevenait pas ouvertement aux lois en vigueur.
En quelque sorte l’air de rien, la France est en réalité sous le choc, en butte à un malaise indéfinissable. C’est que le lobbying au service d’intérêts privés, bien que toléré ici et là, n’est nulle part dans le monde une activité dont on se flatterait. Il ne grandirait personne. Quand de plus ce sont des représentants de l’intérêt général qui s’en chargent, ce qui ne peut se faire qu’au détriment de la règlementation en place, on se demande si en définitive la loi n’est pas violée, et sinon dans sa lettre, du moins dans son esprit.
Macron était-il bien dans son rôle en demandant à ses contacts Uber des «amendements clefs en main» à donner à des députés en train de débattre d’une loi les touchant de près, lesquels ensuite n’auraient qu’à les voter ? La question se pose. Pour autant, rien ne dit qu’elle recevra une réponse. Un amendement clef en main est un amendement conçu par le représentant de l’intérêt privé et destiné à l’usage tel quel du représentant de l’intérêt général. Avec un président qui non seulement ne se reproche rien, mais se dit fier de ce qu’il avait fait au profit non pas de n’importe quelle entreprise, mais d’Uber, une des incarnations du Mal, il ne faut s’attendre à aucune réaction à la mesure du scandale. Les Français peuvent juste regretter, ou au contraire se féliciter s’ils sont macronistes, que les Uber Files n’aient pas été publiés avant l’élection présidentielle. Car ils auraient pu empêcher la réélection de Macron. Un proverbe russe dit que ce n’est pas dans l’océan qu’on se noie mais dans la flaque de boue.
Mohamed Habili
Le Jour d’Algérie, 13/07/2022
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