Qui bloque les sanctions contre le Maroc au sein de l’UA ?

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D’habitude prompte à prendre les devants pour mettre à l’index, comme elle l’a déjà fait pour le Mali, l’Union africaine fait preuve d’une lourdeur qui dégage nettement le sentiment de l’embarras dans lequel l’a jeté le dossier Maroc/Migrants.

Alors que beaucoup de voix se sont élevés, notamment en Europe, pour dénoncer la boucherie, opérée de concert entre Rabat et Madrid, l’UA garde le silence. L’analyste namibien Vitalio Angula, dans un article publié lundi dernier, par le média en ligne, Le Panafrikanist, interpelle l’Union africaine (UA) qui, dit-il, devrait agir pour « isoler » le Maroc et l’ « exclure » de l’organisation continentale à la suite de la tragédie migratoire de Melilla lors de laquelle au moins 37 migrants africains ont été brutalement tués par la police marocaine alors qu’ils tentaient d’entrer dans l’enclave espagnole depuis le Maroc. Dans cet article intitulé: « L’UA devrait agir pour expulser le Maroc », le journaliste et commentateur sociopolitique revient sur le drame survenu le 24 juin dernier à Melilla lorsque des migrants « ont été battus à mort avec des matraques », par la police marocaine qui les a empêchés de franchir l’enclave espagnole.

A cet effet, l’analyste namibien estime que « l’Union africaine devrait adopter une position de principe contre le Maroc. En isolant le Royaume et en l’excluant de l’organisation, l’UA enverrait un message clair que ses membres doivent respecter ses règles ». Et de poursuivre dans ce contexte: « Le Maroc devrait être sanctionné par l’UA pour son traitement des migrants du Tchad, du Niger, du Soudan et du Sud Soudan. Il devrait aussi être exclu de l’Union africaine pour avoir constamment montré son mépris pour le reste de l’Afrique ».

Il est tout à fait clair que le choix de l’Otan de se réunir à Madrid n’était pas fortuit. Au contraire. La réunion a dégagé beaucoup de messages, envers les Africains surtout. Envie de protéger l’Espagne, membre de l’UE et membre de l’Otan, de toute forme de sanctions commerciales, envie de protéger le Maroc, l’allié de l’Espagne dans le dossier du massacre des migrants, et envie enfin de montrer aux Africains, qui ont soutenu peu ou prou, la Russie lors du vote-sanction à l’ONU, qu’ils devraient réfléchir à deux fois pour continuer à soutenir de la sorte l’«ennemi russe».

Subissant les « dégâts collatéraux » de la guerre stratégique Etats Unis-Russie, par Europe et Ukraine interposés, l’Union européenne, qui commence à ressentir, la première, les effets de la crise se tourne vers le maillon faible du jeu des stratégies, l’Afrique, en l’occurrence, pour lui faire porter le chapeau. Et c’est dans cet ordre d’idées, qui, du reste, n’échappe à personne, que l’Espagne a été investi de ce rôle au Maghreb, celui du trublion protégé par les puissants : soutien inconditionnel au Maroc, retournement de position concernant le Sahara occidental et maintien des choses en l’état pourvu que Rabat n’élève pas la voix pour Ceuta et Melilla.

Et comme l’Espagne est le plus grand partenaire commercial du Maroc, celui-ci peut ignorer les lois internationales qui imposent aux Etats de traiter tous les migrants avec dignité, tout en s’abstenant de recourir à une force excessive. De toute évidence, il y a eu collusion entre un Etat africain et un Etat européen. L’Europe a dit clairement se positionner avec l’Espagne. L’Afrique n’a encore rien dit. Le jeu de coulisses est en train de mettre à l’épreuve une UA qui a le devoir, en ces temps de fragilisation apparente de l’Europe, d’être forte. C’est-à-dire rigoureuse et disciplinée. A l’interne, d’abord.

L’Express, 13 jui 2022

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