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Presque tous les secteurs de l’économie malienne ont été affectés par les sanctions imposées au pays par la CEDEAO à la suite d’un coup d’Etat militaire.
En début juillet, la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO, a décidé de lever les sanctions imposées contre le Mali depuis le début de l’année.
A part le gel des avoirs maliens dans toutes les banques de la CEDEAO, les pays membres de la communauté avaient fermé leurs frontières avec le Mali et suspendu les transactions commerciales avec celui-ci. Seuls les produits médicaux et de première nécessité étaient épargnés.
Ces sanctions ont porté un grand coup à tous les secteurs d’activité du pays qui a frôlé la récession en début d’année.
»Les impacts ont été assez négatifs parce qu’en fait, déjà en début d’année, on tablait sur une croissance de 5% et un peu plus », explique Pr Abdoul Karim Diamoutene, économiste et enseignant chercheur à l’Université des sciences sociales et de gestion de Bamako.
« Donc, il était prévu que, si durant le premier trimestre les sanctions avaient été levées, on aurait assisté à un ralentissement de la croissance. Mais déjà, le fait que nous soyons dans le second trimestre, l’on table sur une récession. Par conséquent, ça veut dire une croissance négative », poursuit-il.
Selon lui, « on ne peut dire que les conséquences sont très négatives en perspective pour l’économie malienne ».
Même si l’universitaire assure qu’il faut d’abord attendre les différents rapports, pour pouvoir chiffrer quantitativement l’impact des sanctions sur l’économie malienne, il précise qu’on peut bien se faire une idée des différents secteurs qui ont été nettement affectés et puis essayer de parler des conséquences.
Selon Pr Diamoutene, les secteurs tertiaire et secondaire ont été les plus affectés.
« Au niveau du secteur tertiaire, c’est le commerce qui a un peu pâti de la fermeture des frontières et aussi le secteur de l’hôtellerie et également du tourisme », dit-il.
Le chercheur précise également que parce que l’Etat était privé de ses moyens, les missions nationales, souvent effectuées à l’intérieur du pays, la restauration et l’hébergement, ont été complètement bloqués et paralysés.
« L’Etat est un véritable acteur économique dans nos pays, principalement un peu au Mali parce qu’à travers les grands chantiers de l’Etat, les infrastructures routières, les grands projets, donc, il y a un effet indu sur l’ensemble des secteurs », poursuit-il.
« Donc, dès lors que l’Etat était privé de ses moyens au niveau de la Banque centrale, il a automatiquement réduit ses dépenses au strict minimum. Et je crois qu’ici, c’est presque environ 15 % du budget courant qui ont été autorisés à être utilisés », dit-il.
Par ailleurs, cette situation a entraîné un effet négatif et réduit les opportunités pour les entreprises qui ont aussi été affectées.
Mais les difficultés ont touché d’autres secteurs jadis très fonctionnels.
« L’autre secteur qui a aussi été affecté, c’est le secteur de la construction, bâtiments et travaux publics. A ce niveau, la fermeture des frontières a été nettement ressentie, sur le Sénégal par où le ciment rentrait et peut-être aussi le Togo. Donc, le ciment est très cher », précise-t-il.
« Pour preuve, le ciment qu’on pouvait acheter à environ 100 000 à 105 000 FCFA la tonne, à un moment, on l’obtenait jusqu’à entre 135 000 et 140 000 FCFA. Vous voyez déjà ? Les différents chantiers ont été arrêtés. Or, ce secteur-là a un effet amplificateur sur les autres secteurs », affirme Pr Diamoutene.
« Quand on construit, les maçons, les menuisiers métalliques, les peintres, c’est toute une chaîne qui est en activité. Même les camions qui transportaient le sable, tous ces secteurs ont été complètement bloqués », explique-t-il.
Le Mali reprend son souffle
Le Pr Abdoul Karim Diamoutene estime que la levée des sanctions est une bonne chose pour le Mali dans la mesure où « les contraintes au niveau des différentes frontières seront levées », ce qui va faciliter l’acheminement du ciment et de différents produits à l’intérieur du pays.
« Il faut reconnaître qu’avec la crise, l’Etat s’est orienté vers des pays comme la Guinée et la Mauritanie. Mais ces ports-là n’ont pas les mêmes commodités que les ports de la Côte d’Ivoire et du Sénégal. Du coup, ils n’ont pas pu annihiler les effets liés à cette crise. »
« Mais l’élément important qui a secoué un peu, c’est le gel des avoirs de l’Etat au niveau de la Banque centrale et aussi le fait de priver l’Etat de l’accès au marché financier sous-régional », rappelle Diamoutene.
« Donc, avec cette levée des sanctions, l’Etat va avoir accès à ses ressources, ce qui va lui permettre d’injecter de l’argent dans le circuit économique et également de faire face à d’autres échéances de dettes, etc. », explique-t-il.
Selon lui, le fait que l’Etat puisse regagner sa prérogative au niveau de la Banque centrale lui permettra de reconvertir tous ces différents éléments au profit de l’économie nationale.
« C’est la levée des sanctions au niveau de la Banque centrale qui constitue vraiment un véritable ouf de soulagement pour l’Etat et pour l’économie malienne », suggère le chercheur.
Pour sa part, le Pr Aly Toukara, analyste politique, fondateur et Directeur du Centre des Études Sécuritaires et Stratégiques au Sahel basé au Mali, estime que cette levée des sanctions est une « bouffée d’air » pour le pays.
Etant donné, dit-il, que tous les efforts étaient tournés vers le paiement des salaires des fonctionnaires de l’Etat et le soutient de l’effort militaire.
« C’est une sorte de bouffée d’oxygène, pas forcément une victoire, ni pour la junte au pouvoir, ni pour la CEDEAO, car les deux parties étaient aux abois », dit-il.
Une économie exceptionnelle qu’il faut relever
Pour Pr Diamoutene, le Mali n’aura pas forcément besoin de refaire un long chemin pour retrouver son rythme économique d’antan.
« Il faut comprendre la structure de l’économie malienne qui est fortement primaire, avec un poids important de l’informel… », dit-il.
« Quand vous voyez la croissance de l’économie malienne, elle repose sur le secteur primaire qui est agricole, etc. et la performance de ce secteur dépend de la nature de la pluviométrie et aussi d’autres mesures d’appui et de soutien vers les intrants que l’Etat accorde », poursuit-il avant d’évoquer le secteur des mines, avec le commerce de l’or qui n’a pas souffert de la crise.
Toutefois, il estime que les petites et moyennes entreprises qui ont été en difficulté pourront bien se remettre dans les prochains six mois.
Pour assurer la reprise économique, Pr Abdou Karim Diamoutene estime que « le secteur agricole est fondamental. »
« Le secteur agricole au Mali a besoin d’un certain nombre d’appuis dont les intrants agricoles. Et nous avons vu cette année avec la crise entre l’Ukraine et la Russie, que les prix ont presque doublé, triplé », remarque-t-il.
« Donc, l’Etat ayant été privé de ses moyens, a eu du mal à faire face à ces différentes subventions, etc. Si ces mesures ne sont pas poursuivies et si la campagne agricole n’a pas pu obtenir les résultats escomptés, cela risque d’affecter nettement le processus de croissance du pays. »
« Je crois que l’urgence, c’est beaucoup s’atteler à ce niveau-là d’autant plus que nous sommes dans la période hivernale », dit-il.
M. Diamoutene craint que l’inflation au niveau mondial ne ralentisse la situation au Mali.
« Tous les coûts de production ont augmenté. Donc, l’Etat n’ayant pas assez de moyens pour continuer à subventionner, cela risque de créer une tension sociale qui ne dit pas son nom », prévient le chercheur.
BBC News, 8 jui 2022
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